« La jeunesse est une maladie dont on guérit vite ». Ces propos de Laurence Parisot, la présidente du MEDEF, lors de la formidable mobilisation contre le Contrat Première Embauche, en 2006, illustrent bien le mépris de la classe dirigeante envers les jeunes travailleurs et les étudiants. L’un des symptômes de cette « maladie » est une allergie aux partis de droite : 63% des moins de 25 ans ont voté pour Ségolène Royal, au second tour des présidentielles de 2007. Autre symptôme : une réaction épidermique – et massive – aux contre-réformes du gouvernement, comme la loi Fillon sur les lycées en 2005, le CPE en 2006, la loi sur l’autonomie des universités en 2007 et 2009, etc.
Ce rejet de la droite et de sa politique, dans la jeunesse, ne vient pas de nulle part. Les jeunes travailleurs sont souvent la variable d’ajustement des entreprises. Seule la moitié des travailleurs de moins de 25 ans sont en CDI, contre 78% pour l’ensemble du salariat. Plus d’un tiers sont en CDD ou en intérim, contre 10% pour l’ensemble des travailleurs. Depuis le début de la récession, le taux de chômage des jeunes a bondi de 19% à 24%. Encore n’est-ce que le chiffre officiel : la réalité est encore plus grave, en particulier dans les quartiers populaires où le taux de chômage des jeunes frôle parfois les 50%.
Cette précarité explique en partie le faible taux de syndicalisation des jeunes : 2,7%, contre 8,2% pour l’ensemble de la population salariée. La peur de ne pas voir leur contrat renouvelé est un obstacle de poids à l’engagement syndical. C’est une sorte de « double peine » : non seulement les jeunes enchaînent des contrats précaires, mais ils sont fragilisés face au patronat.
Etudiants pauvres
Les étudiants ne sont pas épargnés par l’aggravation de la situation économique et sociale. Tous ne peuvent pas prétendre à un poste d’administrateur de l’EPAD, après deux années de fac. Les bourses sur critères sociaux – qui vont d’une simple exonération des droits d’inscription et de sécu à 450 euros par mois, pendant 9 mois – ne permettent pas de vivre de manière décente. De plus, le CROUS ne met à la disposition des étudiants que 155 000 logements sociaux, pour 2,2 millions étudiants. A cela s’ajoutent de fortes disparités selon les académies. Cela contraint la majorité des étudiants à se tourner vers le parc locatif privé, dont les loyers sont souvent exorbitants. En conséquence, la moitié des étudiants exerce une activité salariée, en plus des études. C’est la première cause d’échec, à l’université.
Les étudiants étrangers « hors Union Européenne » sont sans doute les plus vulnérables. Car la politique des quotas d’expulsion frappe aussi les étudiants. L’obtention d’un titre de séjour – qui doit être renouvelé tous les ans – est de plus en plus compliquée. Les préfectures cherchent parfois n’importe quel prétexte pour expulser un étudiant. Un redoublement ou une absence, quelles qu’en soient les raisons, peuvent être fatals. Ainsi, récemment, l’étudiant algérien Boussad Aroudj s’est vu refuser son renouvellement et a été arrêté parce qu’il avait décidé de se réorienter ! Jean Sarkozy, lui, est à la fac depuis 2004, il est toujours en deuxième année de droit – et il s’est réorienté un certain nombre de fois !
La défiance des jeunes à l’égard du système capitaliste ne cesse de croître, et les discours de Sarkozy pour tenter de rassurer les jeunes, comme celui du 29 septembre dernier, n’y changeront rien. Des sociologues et autres journalistes pro-capitalistes voient dans les grèves étudiantes des dernières années un « manque de maturité » face à un « monde en changement » – alors que ces mouvements expriment, au contraire, une parfaite compréhension des enjeux. La jeunesse, avec sa spontanéité naturelle, était à l’avant-garde des mobilisations. Loin de se renfermer sur elle-même, la jeunesse étudiante a instinctivement lutté pour la généralisation des luttes à l’ensemble des salariés du public et du privé. Nous ne luttions pas contre telle ou telle réforme, mais contre une logique globale qui impose à une majorité de trimer toujours plus pour permettre à une minorité de maintenir ses privilèges.
Aujourd’hui, ce qui manque à la jeunesse – comme à l’ensemble du salariat –, c’est une expression politique et syndicale en phase avec ses colères et ses aspirations. Il n’est pas vrai que la jeunesse est « dépolitisée ». Simplement, elle est très sensible à toute forme de bureaucratisme et de carriérisme. L’UNEF a beau être le plus important des syndicats étudiants, la ligne réformiste de ses dirigeants et le rôle de frein qu’ils ont joué, à plusieurs reprises, lors de grandes mobilisations étudiantes, ont laissé des traces profondes dans l’esprit de nombreux étudiants. De même, le fait qu’à peine 1% des jeunes aient voté pour le PCF, en 2007, est un symptôme limpide du décalage entre les idées du parti – trop réformistes – et les aspirations instinctivement révolutionnaires d’une fraction croissante de la jeunesse. « La jeunesse est la flamme de la révolution », disait le révolutionnaire allemand Karl Liebknecht. Par un retour au programme et aux idées authentiques du communisme, faisons en sorte qu’elle rallie massivement le PCF – et que sa flamme y brûle de toute sa vigueur !