La grève des agents de sûreté aéroportuaire, en décembre, a eu un retentissement national. Les salariés de plusieurs sociétés du secteur, répartis dans plusieurs aéroports du pays, sont passés à l’action simultanément et ont reconduit la grève dix jours de suite. A la faveur du rapport de force qui s’est ainsi créé, une majorité des agents de sûreté a suivi l’appel à la grève. Des salariés d’entreprises non grévistes, au début, ainsi que d’aéroports non touchés par le mouvement, se sont au fur et à mesure joints à la bataille, sentant que « c’était le moment » : Roissy, Lyon, Toulouse, Nice, Mulhouse, etc. Il y avait plus de 50 % de grévistes au niveau national. La préparation et l’élargissement de cette grève ont été exemplaires.

Les agents de sûreté sont mal payés et beaucoup subissent le temps partiel. Les conditions de travail sont dures, les tâches stressantes et répétitives. Les salariés travaillent en horaires décalés avec des plannings modifiés en permanence. La précarité est très forte, y compris pour les CDI, car les marchés de la sûreté sont remis en cause tous les trois ans. Les revendications des grévistes – l’amélioration des conditions de travail et 200 euros d’augmentation du salaire de base mensuel – ont donc naturellement rencontré un très large écho.

Le gouvernement ne voit jamais d’un bon œil se développer un grand mouvement social. C’est pourquoi il est intervenu si brutalement dans ce conflit. Sur son ordre, le préfet de Roissy a autorisé le détachement de salariés hollandais d’une filiale de Securitas. Il a également fait procéder au remplacement des grévistes par les forces de l’ordre. Toutefois, en affaiblissant l’impact de la grève sur le transport aérien, le gouvernement la renforçait sur le plan moral. L’un des principaux syndicats de la police, SGP-FO, a déclaré que la police « n’a pas vocation à briser les grèves ». La défense du droit de grève a renforcé le soutien de l’opinion publique au mouvement. Les interventions de Marie-George Buffet, Pierre Laurent et Jean Luc Mélenchon, qui se sont rendus à Roissy, ont aussi contribué à cette bataille.

Les conséquences de la privatisation

La privatisation de ce secteur, il y a 10 ans, s’est traduite par une mise en concurrence des salariés dans des batailles d’appels d’offre. Elle a tiré les salaires et les conditions de travail vers le bas. L’Union Locale CGT de Roissy s’est déclarée pour un statut public des salariés de la sûreté – et a dénoncé, au cours de la grève, « le rôle parasitaire des entreprises privées » qui défendent leurs profits au détriment des salariés et de la mission de service public. Dans un communiqué de soutien, le PCF a mis en avant les conséquences désastreuses de la privatisation de la sûreté.

Les revendications des grévistes n’ont été que très partiellement satisfaites. Le patronat a concédé le doublement d’une prime annuelle, ce qui est loin de l’augmentation mensuelle de 200 euros réclamée. Ils auraient sans doute pu obtenir davantage. Mais au dixième jour de grève, l’UNSA, la CFTC, la CFDT et FO ont signé un accord très limité avec le patronat, ce qui a été ressenti par beaucoup de grévistes comme une trahison. A Lyon, par exemple, un délégué de l’UNSA a fait part aux journalistes de son dégoût, soulignant le fait que la base n’avait pas été consultée. La CGT, très impliquée dans le mouvement, n’a pas signé cet accord, mais il a provoqué un reflux très net dans la mobilisation. Le travail a repris.

La grève laisse ainsi des traces. La combativité des salariés s’est à nouveau exprimée. La colère demeure forte. A n’en pas douter, elle motivera d’autres salariés à passer à l’action. La difficile question de l’extension des grèves a été posée. Les revendications qui se sont ici exprimées n’ont rien de catégorielles. Elles peuvent être reprises par de très nombreux salariés dans tout le pays. Des structures de la CGT, telles que la Fédération du Commerce et l’UL de Roissy, ont explicitement appelé à l’extension du mouvement. Pour y parvenir, il faudra renforcer les liens interprofessionnels, réactiver l’outil de propagande, étendre les soutiens aux grévistes, bref, mettre l’ensemble de la CGT en ordre de bataille et ne pas laisser les luttes cantonnées à un secteur limité. Chaque grève d’envergure capte l’attention de millions de salariés. Ce sont des occasions précieuses d’expliquer la nécessité des grèves, de porter nos revendications et de tenter d’étendre la contestation. En jetant toutes nos forces dans ces batailles, nous en démultiplierons l’impact et engrangerons de retentissantes victoires.

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