Tout a été dit – notamment par L’Humanité et la CGT – sur la régression sociale majeure que constitue le projet du gouvernement sur les retraites. Les mensonges et les arguments démagogiques de l’UMP ont été mis en pièce. Résumons. Les contre-réformes qui se sont succédées, depuis vingt ans, ont fait baisser de 20 % le niveau moyen des pensions. La « réforme Woerth » aggraverait encore la situation. L’objectif, à terme, est d’ouvrir aux assurances privées un marché potentiellement colossal. Et tant pis pour ceux qui n’auront pas les moyens de s’assurer. Quant aux arguments budgétaires et démographiques du gouvernement, ils signifient, au fond, que nous vivons trop bien et trop longtemps. Sous le capitalisme, la population est priée de faire marche arrière – à l’exception d’une petite couche de privilégiés qui possèdent tout.
Une nette majorité de Français est opposée à cette contre-réforme. Même parmi les travailleurs qui la jugent « nécessaire », beaucoup en craignent les conséquences – mais doutent, au fond, qu’on puisse y faire obstacle. Et c’est bien là le nœud du problème. Depuis plusieurs mois, une question domine les assemblées générales de la CGT : quelle stratégie syndicale nous donnera une chance sérieuse de l’emporter ? Rarement les directions confédérales ont été autant critiquées par les militants. Ce n’est pas surprenant. Ces dernières années, la stratégie des « journées d’action » n’a pas fait reculer Sarkozy d’un centimètre. C’est un échec. Si on veut gagner la bataille des retraites, il faut le reconnaître et en tirer les conclusions.
Malheureusement, les directions confédérales s’obstinent. Les dirigeants de la CFDT acceptent carrément le principe d’une contre-réforme. Ils souhaitent juste qu’elle soit un peu moins douloureuse. On les en remercie, mais cela n’impressionnera pas beaucoup Sarkozy. Chérèque est l’incarnation vivante de la formule : « la faiblesse invite à l’agression ». Quant à la direction de FO, elle se livre à ses contorsions habituelles, dans le seul but d’apparaître comme « plus radicale » que la CGT. Après avoir organisé toute seule une « grève générale » fantôme, le 15 juin, elle multiplie les déclarations fracassantes. Ce faisant, elle cherche à exploiter les carences de la direction de la CGT, qui est la force décisive, dans cette lutte.
Détermination du patronat
Dans une adresse à tous les syndicats CGT, le 16 août dernier, le Bureau confédéral appelle les militants à la mobilisation pour réussir la journée du 7 septembre. Mais il n’y a pas un mot sur les éventuelles suites à donner à cette journée. Le Bureau confédéral affirme que « la force des arrêts de travail, le nombre des manifestants, la détermination des salariés et des organisations syndicales peuvent imposer une autre réforme des retraites, d’autres solutions pour son financement, mais également des succès revendicatifs sur les conditions de travail, les salaires, l’emploi, les Services Publics… ». Or, même si la mobilisation du 7 septembre dépasse celle du 24 juin – ce qui est souhaitable et probable –, il est parfaitement clair que cela ne suffira pas à faire reculer le gouvernement sur les retraites, sans parler de « succès revendicatifs sur les conditions de travail, les salaires, l’emploi », etc.
A la lecture du courrier du Bureau confédéral de la CGT, on se demande si ses membres ont compris la détermination du patronat à détruire nos retraites. Cette contre-réforme, comme la casse programmée de toutes nos conquêtes sociales, n’est pas le fruit d’un caprice : c’est une nécessité vitale, pour la classe dirigeante, qui est confrontée à une crise économique majeure et à des déficits publics colossaux. Que ceux qui en doutent regardent ce qui s’est passé en Grèce, ces dix derniers mois. Depuis que le gouvernement du PASOK a déclaré la guerre aux travailleurs grecs, les syndicats de ce pays ont organisé sept grèves générales de 24 heures, dont celle du 5 mai, qui était d’une ampleur historique. Quelle a été la réponse du gouvernement grec ? Non seulement il n’a pas retiré son plan d’austérité, mais il a annoncé de nouvelles coupes drastiques. Or, Sarkozy et sa clique ne sont pas moins déterminés que Papandréou.
Une grève générale de 24 heures ne doit pas être une fin en soi. C’est un moyen de tester la combativité de la classe ouvrière et de lui faire sentir sa propre force – avant de faire monter la mobilisation d’un cran, si les conditions sont réunies. A l’inverse, l’organisation d’une succession de journées d’action de 24 heures fait courir le risque d’épuiser les éléments les plus militants de la classe – sans le moindre résultat positif. En Grèce, la participation aux grèves générales a fini par refluer, faute de perspectives claires. Ce fut également le cas, en France, lors des journées d’action de 2009.
Grève illimitée
Le 28 août, Bernard Thibault a laissé entendre que le rythme des mobilisations pourrait s’accélérer à partir du 7 septembre. Cela pourrait prendre la forme de journées d’action très rapprochées. Est-ce juste une menace destinée à faire pression sur Sarkozy – ou est-ce la stratégie arrêtée par la direction confédérale ? On l’ignore. Aux militants, la direction ne parle que du 7 septembre. Au lieu d’une stratégie et d’une perspective claires, on doit donc se contenter de vagues allusions de Bernard Thibault dans les médias. En outre, si elle paraît moins absurde que des mobilisations à plusieurs semaines d’intervalle, la stratégie des journées d’action rapprochées reste hasardeuse. La lutte des classes n’est pas un robinet qu’on peut ouvrir et fermer à volonté selon un calendrier arrêté dans les bureaux de la Confédération, à Montreuil. Ce qui a payé à l’époque de la lutte contre le CPE – dans le contexte d’une mobilisation historique de la jeunesse – risque de se révéler inefficace, cette fois-ci.
De nombreux militants syndicaux demandent qu’un mouvement de grève illimité soit sérieusement préparé. C’est correct. Il faut dire la vérité aux travailleurs. Sans un puissant mouvement illimité, comme celui de décembre 1995, il est très probable que le gouvernement passera en force. On ne prétend pas qu’un tel mouvement soit facile à organiser ou que son succès soit garanti. Mais sans cela, la victoire sera très difficile.
La direction de la CGT doit également cesser de demander à Sarkozy « d’authentiques négociations ». Qu’y a-t-il à négocier, au juste ? En l’état actuel du rapport de force, Sarkozy n’inviterait les syndicats que pour négocier la régression sociale. Ce doit être exclu. La direction de la CGT doit refuser tout recul. A cet égard, elle doit immédiatement abandonner son idée d’une augmentation des cotisations salariales, pour « partager l’effort » du financement des retraites. Cela signifierait une baisse des salaires ! Non ! Aucun recul ! Le gouvernement a trouvé des milliards pour les banques, mais déclare que les caisses sont vides lorsqu’il s’agit de financer les retraites, l’éducation et la santé. Les « efforts de financement supplémentaires » ne doivent pas tomber sur le dos des travailleurs. Ceux-ci créent toutes les richesses. A 60 ans, ils doivent avoir droit à une retraite décente, quel que soit le nombre d’années travaillées. On ne doit pas descendre en dessous de cette exigence.
La pression des compagnies d’assurance, des organismes de crédit et des banques est un facteur important dans l’acharnement du gouvernement contre nos retraites. Les capitalistes du secteur financier tournent autour de cette vaste source potentielle de profits comme autant de vautours. Il faut donc lier la lutte pour la défense des retraites à la revendication de la nationalisation de l’ensemble du secteur financier.