Le 14 septembre dernier, sur la faculté de Jussieu (Paris 5e), les travailleuses de la société Arc en Ciel (nettoyage) s’engageaient dans une grève illimitée. Huit jours plus tard, la direction de cette entreprise sous-traitante cédait sur plusieurs revendications des grévistes.
Le 21 septembre, sur le piquet de grève, nous avons discuté avec Thara, l’une des grévistes. Elle nous a expliqué que depuis qu’Arc en Ciel a récupéré le marché de Jussieu, toutes les heures faites pour combler les absences ou les postes supprimés ne sont ni déclarées ni payées. Sa charge de travail est énorme : elle nettoie 40 toilettes et lavabos en 3 heures, sur 5 étages, en plus de l’animalerie et des salles de cours. Elle a constamment mal au dos et aux épaules.
Dans les universités, le nettoyage – comme la restauration – est souvent sous-traité. Le personnel est employé par de grands groupes privés comme Arc en Ciel, Veolia ou Sodexo. Tout va bien pour eux ; par exemple, Arc en Ciel a augmenté ses bénéfices de 40 % en 2020.
En recourant à la sous-traitance, les universités se déchargent de la gestion de cette masse salariale et laissent les entreprises exploiter les invisibles, les sans voix, toutes ces personnes dont le travail est essentiel et dont les universités ne peuvent pas se passer. Cela coûte moins cher de payer 10 salariées alors qu’il en faudrait 20 – et là où le service public ne le permet pas, le privé le peut.
La grève, très solide et bien soutenue, a permis d’obtenir – entre autres – la suppression de la clause de mobilité, le paiement des heures supplémentaires et leur majoration, la régularisation des contrats, le maintien des horaires et des postes de travail, le remplacement des absences, le paiement de la moitié des jours de grève et le départ du responsable d’exploitation, qui manquait de respect aux salariées.
Ce fut une grève exemplaire. Les travailleuses ont fait preuve d’une unité totale. Plusieurs syndicats les ont soutenues, dont la CGT de Jussieu, qui les a aidées dans les négociations, mais aussi en animant une pétition (2000 signatures) et une caisse de grève (30 000 euros). Plusieurs salariées ont d’ailleurs rejoint la CGT.
La lutte a payé, mais les conditions de travail restent très dures, la charge de travail beaucoup trop importante et les salaires trop bas. C’est vrai à Jussieu comme ailleurs. L’internalisation du ménage, dans les universités, doit être au cœur des luttes à venir, dans ce secteur.