A l’occasion d’une nouvelle vague d’« ouverture à la concurrence » des transports en Ile-de-France, la direction de Transdev (transport de public) a imposé à ses salariés un « accord socle » qui se traduit par la suppression de la plupart des primes et par une extension de l’amplitude horaire. Les chauffeurs de bus doivent désormais travailler jusqu’à 45 heures payées 35.
En réponse, les travailleurs de plusieurs dépôts, en Seine-et-Marne, ont commencé une grève illimitée, début septembre. La solidité de la grève – qui s’est étendue à un dépôt de Reims – est à la mesure de la violence du coup porté par la direction de Transdev.
Sur le piquet de grève du dépôt de Vaux-le-Pénil, Freddy, chauffeur de bus, nous explique : « personnellement, j’aime ce métier, que je fais depuis 15 ans. Mais là, pour la première fois, je commence à songer à une reconversion. » Il enchaine : « C’est d’ailleurs ce que veut la direction de Transdev : une nouvelle main d’œuvre pas chère, prête à faire ce travail pour 1300 euros. C’est pour ça qu’on est déterminés, qu’on est prêts aux sacrifices financiers qu’implique cette grève ».
En amont de l’application effective de « l’accord socle », la direction recevait les travailleurs par petits groupes et leur promettait que tout allait bien se passer : « Ils nous ont dit qu’on n’allait pas y perdre. Mais dès le 1er août, on a goûté au nouveau système et aux nouveaux horaires : 42, 43, 44, voire 45 heures par semaine. On l’a tous senti passer. Les arrêts maladie se sont multipliés. Mais le pire, c’est quand on a touché notre salaire de base, sans aucune prime, fin août : entre 1500 et 1600 euros, en moyenne. On s’est dit : c’est ça que vaut notre travail ?” On s’est alors aperçu, concrètement, de l’importance des primes qu’on avait avant. Il s’agissait de primes pour le travail de nuit ou pour le travail du matin, quand on commence à 4h30. Il y avait aussi une prime de repas – et d’autres petites primes qui, mises bout à bout, nous faisaient un salaire qui variait, en moyenne, entre 2100 et 2500 euros. »
Comme toujours, une grève aussi solide impacte la conscience des travailleurs. Freddy en témoigne : « Jusqu’alors, je venais pointer, faire ma journée de travail, et c’était tout. Je laissais aux délégués syndicaux – qui connaissent les lois – la tâche de nous défendre. Mais maintenant, je n’ai plus envie de seulement suivre ; j’ai envie d’être acteur, et qu’on soit tous acteurs. Tous les grands groupes, comme Transdev, ne peuvent pas fonctionner sans nous. Si on ne travaille pas, ils n’ont rien. Et ça, aujourd’hui, j’en suis encore plus conscient qu’avant. »
Laurent, contrôleur et gréviste, explique : « le travail de contrôleur n’est pas facile. C’est un travail de répression. Pour moi, le but d’un contrôleur, c’est de faire baisser la fraude. Mais notre entreprise, elle, pense plutôt à faire de l’argent grâce aux PV. Donc il y a une incitation à verbaliser, avec des statistiques. Ils nous mettent la pression, nous demandent sept PV par jour, alors que sur Melun nous savons très bien qu’il y a beaucoup de misère sociale. Donc on préfèrerait faire de la prévention plutôt que de la verbalisation à outrance dans le seul but de renflouer les caisses de Transdev. »
Ancien conducteur de bus, Laurent comprend la colère de ses collègues : « les nouvelles cadences des services, pour les chauffeurs de bus, sont insoutenables. A des chauffeurs qui avaient l’habitude de faire le service du matin, ou celui du soir, on impose des doubles vacations. Bientôt, ils vont nous inventer des triples vacations. Tout ça pour réduire la masse salariale et faire plus de fric sur le dos des salariés. Voilà d’où vient la révolte. »
Laurent défend l’idée de nationaliser le secteur des transports : « la nationalisation, c’est la seule chose qui nous permettra de nous en sortir, au final. C’est le seul moyen d’en finir avec les inégalités entre salariés, avec ces sociétés privées qui baissent sans cesse les coûts et qui tapent sur les salariés. La nationalisation des transports publics permettrait d’uniformiser – à la hausse – les salaires et les conditions de travail, mais aussi de garantir la stabilité de l’emploi. »
Révolution est complètement d’accord avec ce point de vue. La gauche et le mouvement syndical devraient inscrire dans leur programme la nationalisation de l’ensemble des transports, sous le contrôle démocratique des salariés. C’est le seul moyen de mettre un terme définitif à la régression sociale qui frappe ce secteur – à coup d’« ouvertures à la concurrence » et autres « délégations de services publics », avec comme seul objectif de gaver les grands groupes privés.
Une caisse de grève en ligne a été lancée par les grévistes de Transdev. On appelle tous nos lecteurs et sympathisants à y contribuer.