Propriété du groupe privé Gazel Energie, la centrale de Gardanne, au nord de Marseille, est un site industriel de production d’énergie à partir du charbon et de la biomasse. Il est classé « Seveso » (produits chimiques et risques d’incendie).
En 2020, l’Etat et Gazel Energie annonçaient la fermeture programmée de l’unité charbon – au nom de la lutte contre le réchauffement climatique – et un plan de licenciements. Des centaines d’emplois indirects sont aussi menacés.
Depuis, les travailleurs de la centrale luttent contre la fermeture et les licenciements. Dans le département, cette lutte est au cœur des mobilisations de la CGT pour la défense des emplois, des compétences et de l’outil de travail.
Mise en danger du site
En août dernier, 30 salariés de la centrale ont reçu leurs lettres de licenciement. Puis, le 8 octobre, une panne d’électricité a affecté la partie du site qui fonctionne au charbon. Le personnel de maintenance, spécialisé dans la résolution de ce type de problèmes, faisait partie des travailleurs licenciés en août. Les autres salariés ne sont pas formés à ce type d’incidents. Trois jours ont été nécessaires pour effectuer le dépannage, ce qui a mis en danger le site et ses alentours.
Sans attendre un accident grave, les salariés ont décidé de se mettre en grève et d’occuper le site pour le protéger. Ils assurent la sécurité en contrôlant tous les aspects du fonctionnement de la centrale. Leur revendication la plus urgente est la réintégration des 30 salariés licenciés.
En réponse, la direction de Gazel Energie a… porté plainte. Elle a dénoncé une occupation du site par « des hommes cagoulés et menaçants ». Le 19 octobre, le tribunal d’Aix-en-Provence ordonnait aux grévistes de quitter les lieux, « sous peine d’astreinte de 2000 euros d’amende par jour et par personne ».
Depuis cet été, les salariés alertent sur la mise à mal de la surveillance du site, l’aggravation des risques d’incendie (détection incendie non opérationnelle), les risques liés au stockage de produits chimiques, les risques liés aux rejets d’eaux non traitées et l’atteinte à la sécurité de la circulation aérienne (balisage lumineux de la cheminée hors service). Mais la direction de Gazel Energie et les services de l’Etat concernés ont opposé une fin de non-recevoir au « Danger grave et imminent » rédigé par les élus du personnel.
L’avenir du site
Dès l’annonce du plan de fermeture de la centrale à charbon, la CGT et l’Association des travailleurs de la Centrale de Gardanne ont défendu un projet industriel alternatif qui permettrait de garantir la sécurité, les emplois et le respect de l’environnement. Et comme la direction de Gazel Energie, uniquement préoccupée par ses profits à court terme, ne veut rien savoir de ce projet, la CGT et les travailleurs de Gardanne défendent l’idée de créer une SCIC (société coopérative d’intérêt collectif). En d’autres termes, les salariés du site deviendraient eux-mêmes propriétaires de la centrale, en lieu et place des actionnaires de Gazel Energie.
Il est clair que les travailleurs de la centrale sont les mieux placés pour assurer une conversion du site permettant de sauvegarder à la fois l’environnement, l’outil industriel et les emplois. Cependant, la reconversion d’un outil industriel de cette envergure, dans un environnement économique très instable, suppose des investissements massifs et une assise financière très solide. Dès lors, on ne voit pas comment une coopérative indépendante pourrait garantir cela. C’est d’ailleurs pour cette raison que le projet de la CGT de Gardanne prévoit d’importantes subventions publiques à la SCIC. Mais dans ce cas, il nous semble qu’il faut aller jusqu’au bout de cette logique et lutter pour la nationalisation de la centrale, sous le contrôle des travailleurs – et sans indemnisation des gros actionnaires de Gazel Energie.
Le 12 octobre dernier, lors d’une conférence de presse, le secrétaire général de la CGT des Bouches-du-Rhône, Olivier Mateu, expliquait : « on ne peut pas, comme le fait Macron, déclarer : “on est prêts à investir 30 milliards d’euros pour assurer la réindustrialisation du pays”, et faire comme si, sur le site de Gardanne, comme sur bien d’autres sites industriels, il n’y avait pas de projets portés par les travailleurs (…) Le “quoi qu’il en coûte” ne peut pas uniquement servir à garantir au CAC 40 de péter des scores de dividendes reversés, chaque année. Il faut que cet argent soit investi dans les outils de travail, pour créer des emplois et pour répondre aux besoins des populations. »
Effectivement : sous prétexte de « développer » l’économie, le gouvernement gave le grand patronat de subventions massives, lesquelles ne « développent » rien d’autre que les marges de profits. Comme le dit Olivier Mateu, l’argent public doit servir à développer l’outil industriel et l’emploi. Mais si l’Etat investit sur un site industriel, il faut qu’il en devienne le propriétaire. A Gardanne, on ne peut pas faire confiance à la direction de Gazel Energie. La pérennité du site ne pourra être garantie que par sa nationalisation – et par le contrôle effectif de l’outil industriel par les travailleurs.