Les ouvriers du site Mecachrome à Toulouse, sous-traitant d’Airbus, sont mobilisés pour une hausse des salaires. Révolution s’est entretenu avec Manu, chaudronnier et syndiqué à la CGT.
Quelles sont les conditions de travail à Mecachrome ?
Depuis la fin du covid et depuis que l’activité reprend dans le secteur de l’aéro, en tout cas sur notre site à Toulouse, il y a eu beaucoup de recrutements, mais uniquement des précaires. On a donc majoritairement des intérimaires et des CDD. Au niveau de la production, ça représente 50 % des personnes qui travaillent. Sur notre site on est environ 150, une grosse moitié sont à la production, donc la moitié d’ouvriers. Les autres sont des employés, des techniciens et des cadres.
Il n’y a plus de hausse de salaire. Contrairement à ce qu’on dit : « il y a de l’argent dans l’aéro », quasiment toutes les personnes qui sont embauchées à la production sont embauchées au SMIC ou à peine mieux. Donc à 11€ ou 11€50 de l’heure, que l’on soit ouvrier ou ouvrier qualifié. C’est aussi valable pour les techniciens qui sont tout aussi mal payés.
Quelles sont les revendications de votre mobilisation ?
Ça fait beaucoup d’années, facile 4-5 ans, qu’on n’a aucune hausse de salaire substantielle, avec des augmentations générales chaque année qui sont inférieures à l’inflation. Notre boite a intégré le groupe Mecachrome définitivement il y a quelques années. Le groupe Mecachrome, c’est quand même un gros sous-traitant de l’aéro au niveau français, avec à peu près dix sites en France et plusieurs sites à l’étranger en Tunisie, au Maroc, au Portugal… On pourrait donc penser que, parce qu’on rejoignait un grand groupe, ça allait améliorer un petit peu nos conditions de travail et nos salaires, mais pas du tout. La politique salariale reste complètement la même. Par rapport à la hausse des prix qu’on subit depuis quelques mois, il y a une grosse colère chez les collègues ouvriers.
Alors à l’approche des NAO (Négociations Annuelles Obligatoires), les réunions qui ont lieu chaque année pour les salaires, tout le monde se demandait ce qu’on allait faire. C’est comme ça que s’est lancée la mobilisation. On a réuni les collègues sur une heure d’information syndicale pour prendre un peu la température et voir quelles étaient leurs attentes. Et là, à la CGT dont je fais partie, on a été surpris par la détermination des collègues. Parce qu’on n’est pas sur une boite combative qui a une tradition de luttes importantes, comme c’est souvent le cas dans l’aéro d’ailleurs. Mais les collègues ont dit : « On veut 200 euros minimum d’augmentation ». Avec à côté la revendication de 7 % d’augmentation. Ce sont deux revendications qui sont complémentaires. Ce qu’on essaie de faire avec la CGT, et qui a été validé par les collègues, c’est de toujours demander un montant en plus d’une augmentation en pourcentage. D’une part parce que c’est plus lisible par les collègues. Mais aussi parce qu’on sait que les augmentations en pourcentage ont tendance à favoriser les gros salaires. Alors on demande une augmentation fixe comme minimum, un talon. Ça permet aux bas salaires de monter plus vite. Là par exemple on demande 200 euros/7 % d’augmentation. Mais quand on est au SMIC, 200 euros ça fait plutôt 12 %. C’est un moyen de privilégier avant tout les bas salaires qui sont assez nombreux dans notre entreprise.
Vous avez donc déjà organisé 2 journées de grève et une autre est prévue mardi 10 mai ?
Oui suite à cette réunion avec les collègues on a rencontré la direction. Sans surprise, elle ne nous a proposé que 2 %. On est revenu vers les collègues avec ce chiffre. On a aussi cherché, comme on dit, à avoir une action unitaire avec les autres syndicats qui sont Force Ouvrière, la CFDT et la CFTC. Parce que la CGT n’est pas présente sur les autres sites français et eux ne sont pas sur le site de Toulouse. Notre objectif est d’avoir une mobilisation sur tous les sites. Malheureusement, on ne s’est pas mis d’accord. Ou plutôt, les autres syndicats ne se sont pas retrouvés dans les revendications que les collègues de Toulouse ont fait remonter. On a donc fait une assemblée générale où les grévistes de Toulouse ont fait le choix de ne pas intégrer un cadre intersyndical et de rester sur leurs revendications de 200 euros/7 % et de se donner les moyens de les obtenir, par la grève.
Les grèves ont-elles été bien suivies ?
Pour l’instant les 2 jours de mobilisation avaient pour modalité seulement 3 h de débrayage par jour. C’est pas complet. Ça aussi, c’est en discussion avec les collègues. Mais ce n’est pas facile de faire des jours entiers, ça pèse très vite sur les revenus. Mais ça a été très suivi dans les ateliers. Le premier jour quasiment 100 % et le deuxième, près de 80 %. Par contre très peu, voire pas du tout dans les bureaux. Il faut quand même préciser que dans les ateliers seuls les collègues en CDI font grève. La plupart des collègues intérimaires ne sont pas dans le mouvement.
Si la direction n’accède toujours pas à vos demandes après mardi, jusqu’où êtes-vous prêts à aller ?
Ça va dépendre des collègues. On ne se fait pas d’illusions sur la direction. Ce qui est fort possible, c’est qu’elle propose un peu plus que lors de la première réunion. Et peut-être que ça fera vaciller des collègues. Mais je pense que la détermination est encore là, et qu’il y a une bonne majorité de collègues grévistes qui ont conscience que si on veut obtenir ce dont on a besoin, 200 euros minimum, il faudra continuer et surtout intensifier la mobilisation. On est aussi conscient que pour l’instant, il y a un seul site sur les 10 qui est gréviste, et qu’il y a un enjeu à ce que les autres nous rejoignent. Parce que seuls on n’a pas la même force et, c’est clair qu’on ne pèse pas pareil face à la direction. On mène donc également ce travail, grâce à nos camarades de la CGT qui vont essayer de distribuer des tracts sur les autres sites, que ce soit Nantes, Annecy, Ambroise, etc. L’objectif c’est au moins de les informer de notre mobilisation, car à moins que les autres syndicats n’en parlent, je ne pense pas qu’ils soient au courant.
Après le 10 on pense qu’il va falloir continuer, durcir la grève. Et seuls, on risque d’avoir du mal. On a donc aussi initié une caisse de grève. C’est l’assemblée qui l’a décidé, pas la CGT. Le but c’est de rassembler un petit peu tous les soutiens possibles et de pouvoir envisager les suites du mouvement plus sereinement, grâce à la solidarité.
Révolution défend la nationalisation d’Airbus et des sous-traitants, sous le contrôle démocratique des travailleurs. Qu’en penses-tu ?
A titre personnel, il me paraît clair que dans un secteur comme l’aéronautique, complètement fractionné avec des donneurs d’ordre et des sous-traitants, si on veut que les conditions de travail et la vie des ouvriers changent réellement, c’est vraiment tout un système qu’il faut transformer. Je crois qu’on va vite voir les limites d’une lutte juste au niveau d’une boîte, surtout que Mecachrome est un sous-traitant, elle ne décide pas de tout. C’est aussi Airbus qui pose ses conditions. Si on veut des changements réels, ça ne se passe pas juste au niveau d’une entreprise, mais plus au niveau d’un secteur et même de tout un système.
Soutenez la mobilisation des ouvriers de Mecachrome en participant à la caisse de grève.