En 2022, 424 millions de boîtes du Doliprane, anti-douleur très polyvalent, ont été produites et livrées sur le territoire français par Opella, une filiale du géant pharmaceutique Sanofi. Fin octobre, Sanofi a confirmé qu’il était sur le point de vendre près de 50 % des parts d’Opella à CD&R, un fonds d’investissement américain. Un mouvement de grève a ensuite éclaté sur les deux sites de production du Doliprane, à Lisieux et Compiègne.

L’hypocrisie de la classe dirigeante

Le 14 octobre dernier, le ministre de l’Economie, Antoine Armand, s’est rendu sur le site de Lisieux, alors que 80 % des salariés de l’usine étaient en grève. Il y a affirmé que « l’antidouleur fétiche des Français conserverait sa souveraineté nationale ». L’Etat a donc annoncé le rachat de… 2 % des parts d’Opella. Cette mesure ne changera évidemment rien à la situation des salariés, qui redoutent des délocalisations et la perte de leurs emplois.

Leur inquiétude est justifiée : c’est précisément ce qui est arrivé à la production du paracétamol, le principe actif du Doliprane, qui n’est plus fabriqué en France depuis 2008. Ce produit est aujourd’hui produit en Chine (50 %), en Inde (30 %) et aux Etats-Unis (15 %). Les usines Opella de Lisieux et de Compiègne ne font que finaliser sa production et le conditionner pour qu’il soit vendu sous le nom de Doliprane.

Autre motif d’inquiétude, le destin de Conforama après son rachat en 2016 par Mobilux, une société appartenant pour moitié à CD&R. En 2020, malgré ses promesses, la direction de Conforama avait supprimé 1900 postes et fermé 42 magasins en France.

Des pénuries très profitables

Le paracétamol – et donc le Doliprane – est essentiel pour répondre aux besoins les plus élémentaires en termes de santé publique. Les capacités de production du Doliprane sont théoriquement de centaines de milliers de boîtes par jour, mais Sanofi réduit volontairement cette production car ce médicament n’est pas assez rentable à leur goût. Les pénuries de paracétamol se multiplient ces dernières années.

Qu’ils soient français, américains ou autres, les patrons du secteur pharmaceutique ne pensent qu’à leurs marges de profit et préfèrent investir sur les médicaments les plus profitables. D’après Le Figaro, « Sanofi avait annoncé, il y a un an, sa volonté de se séparer d’Opella. Comme ses concurrents GSK, Pfizer ou Johnson & Johnson avant lui, le laboratoire français souhaite se concentrer sur les médicaments innovants, tel le Dupixent, son best-seller. » Utilisé pour traiter des maladies rares de la peau, ce médicament est vendu au prix astronomique de 1247,62 euros la boîte.

Autre exemple : sous prétexte d’éviter une nouvelle pénurie cet hiver, Sanofi a obtenu l’autorisation de passer le prix de son traitement préventif des formes graves de la bronchiolite du nourrisson (le Beyfortus) de 4 à plus de 400 euros. La stratégie de Sanofi est claire : concentrer sa production et ses investissements sur les médicaments les plus chers afin de profiter de la Sécurité sociale et piller l’argent public. Pas besoin de chercher ailleurs l’explication d’une bonne partie du « trou de la sécu ».

Nationalisation !

Le 17 octobre dernier, les salariés des sites de Lisieux et Compiègne ont voté la grève illimitée. De nombreux salariés des autres sites industriels de Sanofi se sont mobilisés pour les soutenir : à Maisons-Alfort (94), à Aramon (30) ou encore à Sisteron (04). Sur ces deux derniers sites, Sanofi a d’ores et déjà annoncé 135 suppressions de postes d’ici fin 2025.

Dès le 22 octobre, la CFDT a pourtant appelé à lever le piquet de grève à Compiègne en affirmant que l’heure était aux « négociations » avec Sanofi. A Lisieux, les salariés ont à leur tour levé la grève le 25 octobre. Frédéric Debève, délégué central CGT sur ce site, expliquait alors que la lutte sera menée dorénavant à travers des « journées coup de poing » pour « marquer les esprits », via des grèves et débrayages ponctuels. Cette stratégie est une impasse. Ces mobilisations ponctuelles ne pourront pas davantage faire reculer la direction de Sanofi que les négociations promues par la CFDT. Il faut au contraire préparer un puissant mouvement de grève reconductible, étendu à tous les sites de Sanofi, sur la base d’un programme de préservation des emplois, de meilleures conditions de travail et de protection de la santé publique.

L’industrie pharmaceutique joue un rôle crucial dans notre société. Elle ne peut être laissée sous le contrôle d’une poignée d’actionnaires parasites qui font des fortunes grâce à l’argent public. Sanofi et tous les géants du secteur devraient être nationalisés sous le contrôle démocratique de leurs travailleurs, sans aucune compensation pour leurs actionnaires. Cette perspective est la seule qui permette réellement de garantir la pérennité des emplois, mais aussi de planifier la production et la distribution des médicaments en fonction des besoins réels de la population.

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