Alain Brande est le secrétaire général de l’Union Locale CGT de Moulins et de la CGT Hôpital de Moulins-Yzeure. Bien que cette interview ait été réalisée avant la journée de mobilisation du 24 janvier, elle nous semble apporter des éléments intéressants sur la précarité dans la fonction publique et sur la question de la stratégie syndicale face au gouvernement Sarkozy.
La Riposte : Quelles sont les revendications de la CGT pour la journée du 24 janvier ?
Alain Brande : Nous demandons le rattrapage de la perte de pouvoir d’achat pour les actifs et les retraités, depuis 2000, perte que l’on estime à 7%. Nous demandons également l’ouverture de négociations salariales et un calendrier qui n’existe plus depuis 2000. Il faut aussi un emploi public statutaire, c’est-à-dire en finir avec la précarité dans les services publics. A l’hôpital de Moulins, par exemple, 14% des salariés sont des contractuels. Mais pour arrêter cette précarité, il faut des fonds.
Les « Contrat d’Avenir » mis en place par la droite sont un exemple parfait de ce qu’il ne faut pas faire : pendant 24 mois, on embauche une personne pour répondre à un besoin nouveau – puis, après, lorsque l’Etat arrête de financer… plus rien.
On demande aussi un service public de qualité et de proximité.
La Riposte : Que pensez-vous des mesures sur les heures supplémentaires et le déblocage des primes de participation ? Cela peut-il améliorer le pouvoir d’achat des salariés ?
Alain Brande : Non : ce ne sont pas les salariés qui décident s’ils feront des heures supplémentaires – c’est le patrons. De plus, certains doivent récupérer leurs heures, donc cela n’aura pas d’impact sur leur salaire (c’est le cas à l’hôpital).
A l’hôpital, les soignants et les techniques font une multitude d’heures supplémentaires. Mais en fait, ils ne peuvent même pas les récupérer. L’Etat voulait nous payer 10 jours par an, mais sur une base de salaire moyen, alors qu’il devrait les payer sur la base du salaire indiciaire de chaque agent, avec majoration de 25%.
Il y a eu des fonds pour payer ces heures, mais ils ont été utilisés ailleurs, l’hôpital « jonglant » et parant au plus pressée.
La mauvaise façon dont les 35 heures ont été mises en place, à l’hôpital, a fait croître le nombre d’heures supplémentaires. Les embauches n’ont pas couvert la diminution du temps de travail, comme il aurait fallu. Le « travailler plus pour gagner plus » de Sarkozy est une fumisterie.
La Riposte : Qu’est-ce que les salariés peuvent attendre du gouvernement Sarkozy ?
Alain Brande : Rien, nous n’avons rien à attendre de Sarkozy, et ce dans tout les secteurs – si ce n’est des régressions. Par exemple, il dit qu’il ne remet pas en cause les 35 heures, mais dans les faits ils les tuent.
La Riposte : Qu’en est-il de la convergence des luttes contre ce gouvernement ?
Alain Brande : Nous avons réussi à mettre en place une intersyndicale qui à bien marché. Même la CFDT nous a rejoint – certes au dernier moment, mais elle est là. Sur Moulins, la CGT essaie de fédérer les revendications privé-public : l’union est importante. Pour la journée du 24, des salariés du privé vont débrayer. La CGT Carrefour, Potain, JPM agissent avec nous.
Sur Moulins, on arrive à cela, mais il faut une volonté de l’Union Locale (UL). Personnellement j’y suis attaché. Malheureusement ce n’est pas le cas partout. Dans d’autres UL, on me l’a même reproché. Mais que voulez-vous : je n’allais envoyer balader la CGT du privé, qui me demandait de venir, sous prétexte que le mouvement concernait les fonctionnaires et non le privé !
Le pouvoir d’achat, par exemple, c’est LA revendication qui, par excellence, fédère le public et le privé. Tous les salariés voient bien que leur niveau de vie baisse et en ont marre.
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Nous tenons à remercier Alain Brande pour ses réponses et sa disponibilité. La Riposte se félicite de voir un responsable syndical prôner la convergence des luttes, car seule cette unité permettra de riposter efficacement aux attaques en règle du gouvernement. Les luttes sociales élargies au maximum sont un accélérateur formidable de la mobilisation, et l’attitude de syndicalistes comme Alain Brande va dans le bon sens.