Après une longue période de mobilisation contre le projet de réforme des retraites, les cheminots se retrouvent aujourd’hui confrontés à la crise sanitaire et au maintien d’un service public minimum.
Afin d’éviter la propagation du virus, le gouvernement a ordonné la réduction drastique des transports longue distance (essentiellement TGV) et la diminution du trafic TER. Elisabeth Borne (ministre de la Transition écologique et solidaire) et Jean Baptiste Djebbari (secrétaire d’Etat aux Transports) ont communiqué dans ce sens le 15 mars 2020 tout en assurant que « les transports en commun en agglomération seront maintenus pour permettre aux Français d’accomplir les déplacements strictement nécessaires ». Entendez par là, pour permettre aux Français de se rendre sur leurs lieux de travail.
Après les annonces du gouvernement sur le confinement, bon nombre de voyageurs ont afflué dans les gares afin de se confiner en famille, dans les meilleures conditions, en particulier pour les étudiants de la région parisienne vivant souvent dans de petits logements.
Les mesures prises par la direction de la SNCF sur les circulations
La direction de l’entreprise a donc mis en place son Plan de Continuité d’Activité avec un nombre de circulations restreint.
Quotidiennement, seulement une quarantaine de TGV circulent, contre 700 habituellement. Les OUIGO (TGV low-cost) ont été supprimés depuis le 27 mars et jusqu’à nouvel ordre. Moins de 20 % du trafic TER est maintenu, et 25 % pour le RER.
En décidant de réduire fortement le trafic TER ou RER « aveuglement », sans anticiper les trajets plus ou moins fréquentés, une partie des travailleurs peuvent se retrouver entassés dans les rames, empêchant le respect des règles de distanciation.
Salariés et usagers en danger
Pour la protection des agents non confinés, la direction de l’entreprise a communiqué sur le rappel des gestes barrières. Mais elle peine à fournir le matériel de protection nécessaire pour permettre à tous ses salariés d’effectuer leurs missions en toute sécurité. C’est pourquoi la fédération CGT des cheminots a appelé à des droits de retrait partout où les mesures de sécurités et d’hygiène ne seraient pas respectées.
Les conducteurs de trains, par exemple, ont un kit de protection (masques, lingettes de désinfection et gel hydro alcoolique – quand les établissements en ont suffisamment). Les cabines de conduite doivent « normalement » être systématiquement désinfectées une fois par jour alors que des conducteurs différents peuvent être amenés à conduire la même machine dans la même journée. La traçabilité sur le nettoyage des cabines de conduite et rames de voyageurs reste encore très floue. Une entreprise sous-traitante étant en charge de cette mission avec peu de moyens. Il faudrait que ces tâches – et les salariés sous-traitants – soient réintégrées à la SNCF.
Suite à une directive exceptionnelle, les contrôleurs n’ont pas obligation de contrôler les rames, sauf cas de force majeure, et sont cantonnés aux missions d’information auprès des usagers et aux missions de sécurité des circulations.
Pour les agents en gare, guichetiers par exemple, quelques règles de protection ont été mises en place. En refusant d’appliquer la gratuité à l’ensemble des usagers (hormis pour le personnel soignant et les forces de l’ordre), les pouvoirs publics et l’entreprise laissent courir le risque de contamination pour les voyageurs qui viendraient acheter leur billet en gare. Dans cette période exceptionnelle, il aurait été nécessaire, afin de limiter un maximum les contacts comme le préconise le gouvernement, d’appliquer la gratuité sur les transports en commun.
En PACA, la CGT Cheminots a interpellé le président de Région Renaud Muselier afin de mettre en place cette mesure exceptionnelle. La réponse a été tranchée : gratuité pour les personnels soignants et les forces de l’ordre seulement... Les travailleurs des autres secteurs ne sont pas des « héros » dans la période.
Dans la plupart des services administratifs de l’entreprise, la mise en place du télétravail a été la priorité. Les salariés concernés doivent combiner vie professionnelle et vie personnelle, garde d’enfants tout en restant bien confinés chez eux.
Toutes ces précautions pour lutter contre le virus sont appliquées différemment selon les régions, les activités et les établissements. Le morcèlement de l’entreprise rend de plus en plus difficile l’application de certaines recommandations venant du national.
Après plusieurs semaines de confinement, les démarches pour l’indemnisation en cas de confinement, garde d’enfants, chômage partiel restent toujours complexes et assez floues pour beaucoup de salariés.
A la demande des organisations syndicales, des chiffres sur la contamination des agents peuvent être communiqués. Ils sont recensés par établissement, mais il n’y a pas de chiffre précis au niveau national. Le ratio de cheminots impactés serait 8 fois plus important que dans le reste de la population.
Le 26 mars, un TGV médicalisé était réquisitionné pour transporter des patients atteints du Covid-19 de la région Est où les services de réanimation sont surchargés vers la région de Bordeaux où l’épidémie n’a pas encore saturé les services hospitaliers. Cela met en évidence l’impact qu’ont eu les différentes « cures » d’austérité qui ont constamment diminué le nombre de lits dans le milieu hospitalier. Au 7 avril, 7 nouveaux trajets de patients en TGV médicalisés avaient été effectués.
Après le passage au parlement de la loi sur l’urgence sanitaire, donnant la possibilité aux employeurs d’imposer la prise de jour de RTT, entre autres, la direction de l’entreprise a demandé des efforts supplémentaires aux cheminots. Ceux-ci se voient imposer la prise de 5 jours de repos sur le mois d’avril afin d’être présents dans l’entreprise quand la production « normale » redémarrera.
Luttons pour la sécurité des cheminots et de tous les travailleurs !
Pour la sécurité des agents, il devrait y avoir un test systématique au Covid-19 sur les cheminots qui sont amenés à ne pas être confinés. Dans la région de Tours, des porteurs sains ont contaminé leurs collègues de travail et s’en sont aperçus seulement après que certains aient développé des symptômes graves de la maladie.
Dans la période, les transports en commun devraient être gratuits pour tous les travailleurs.
Les trains qui circulent devraient être systématiquement désinfectés afin de limiter le risque de contamination des voyageurs, mais aussi des agents qui y interviennent.
Les cheminots non occupés à l’exercice de tâches essentielles doivent rester chez eux, être indemnisés automatiquement et à 100 % de leur salaire.
La production doit être strictement limitée aux besoins essentiels de la population, du réseau et de la sécurité. Il y a encore trop de circulation de marchandises non essentielles.
Le morcèlement de l’entreprise par activités complique sa gestion, d’autant plus visible en période de crise sanitaire. Il nous faut une seule et même entreprise nationale, sous le contrôle et la gestion des travailleurs, afin de répondre aux besoins de la population et non pas à la logique du profit.