Dans le rapport d’Olivier Dartigolles au Conseil National du PCF le 11 mai, la direction du PCF pose la question d’une éventuelle participation au gouvernement de Hollande. L’argument avancé par certains dirigeants en faveur d’une participation de ministres communistes au gouvernement, c’est que leur action, appuyée par un groupe conséquent à l’Assemblée nationale, pourrait infléchir la politique de ce gouvernement vers plus de social.
Cet argument a déjà été entendu pour la participation au gouvernement Jospin de 1997 à 2002. Cette expérience nous a montré qu’en plus d’avoir été associée à la politique de privatisation du gouvernement aux yeux des travailleurs, la direction du PCF a accepté les privatisations en question, quand elle ne les a pas pilotées en personne sous l’autorité du ministre « communiste » Gayssot. Cette expérience est la principale raison du déclin électoral qui a suivi.
Aujourd’hui, comment la direction du PCF pourrait-elle faire changer la direction vers la gauche du train socialiste engagé sur les rails de la politique d’austérité ? Quand on lit le rapport de Dartigolles, il semble catégorique sur cette question, et il rejoint le point de vue d’une majorité de communistes et de Mélenchon : « Notre engagement lors de l’élection présidentielle a été clair et il a été entendu : nous ne participerons pas à un gouvernement qui n’aurait pas sur sa feuille de route une rupture avec les politiques d’austérité, une alternative de progrès aux logiques inscrites dans le nouveau traité budgétaire européen qui conduisent à l’échec ».
Ce qui est surprenant, par contre, c’est que la direction du parti explique toujours sa position de cette façon conditionnelle, alors qu’il est absolument clair que la « feuille de route » de Hollande ne rompt pas avec la politique d’austérité annoncée, et se conforme aux intérêts du capitalisme en pleine crise, et cela ne va pas changer d’ici le deuxième tour des législatives. Pour Dartigolles, dans le paragraphe suivant : « Sitôt passé le deuxième tour des élections législatives, nous aurons tout de suite à évaluer la nouvelle situation politique et les nouveaux rapports de forces politiques, à évaluer aussi de l’évolution des choses dans ce contexte ; nous aurons également à répondre à la question d’une éventuelle participation au nouveau gouvernement que François Hollande et le premier ministre composeront au lendemain des élections législatives ». Que peut-il y avoir dans les « rapports de force » qui justifierait une participation minoritaire des communistes dans le gouvernement ?
Alors pourquoi poser la question de participer au gouvernement de cette façon ? Qui veut cette participation aujourd’hui ? La base militante du PCF ? Non. Les partenaires du Front de Gauche ? Non. François Hollande ? Il ne reste que la direction du PCF elle-même. C’est comme si la direction veut laisser la porte ouverte à une participation, en fonction d’un « rapport de force » donné.
Concrètement qu’est-ce qui pourrait changer au lendemain du deuxième tour ? Si le PS obtient une majorité absolue à l’Assemblée, il n’aura besoin de personne. Mais s’il a besoin des députés du Front de Gauche pour constituer une majorité parlementaire, il pourrait être tenté de proposer des ministères au PCF. Mais tiendra-t-il compte du programme du Front de Gauche, ou continuera-t-il à appliquer son programme ? La réponse est évidente, et Hollande n’aura besoin de ministres du Front de Gauche que pour mieux associer celui-ci à un programme qui se limite aux intérêts de la propriété capitaliste, qui fixent les règles du jeu.
Peu importe cette vérité. La direction du PCF ne veut pas prendre clairement position contre la participation au gouvernement jusqu’au lendemain des législatives, et propose ensuite que l’ensemble du parti prenne position en quelques heures ! : « Nous avons décidé, vous le savez, lors du dernier Conseil national, de consulter les communistes et d’organiser sur cette question une Conférence nationale ; il est évident que cette consultation devra se tenir dans des délais très rapides, au tout début de la semaine qui suivra le deuxième tour. Le processus pourrait donc être le suivant : le Conseil national se réunira dès le lundi 18 juin au matin, de 9h30 à 13h00 heures. Il discutera et adoptera en fin de matinée une courte résolution précisant notre orientation et les premières initiatives de notre parti dans la situation politique nouvelle ; cette résolution comportera une proposition précise sur la question de la participation de notre parti au gouvernement. Cette résolution adoptée sera envoyée aux fédérations dès 13h. Les fédérations organiseront des conseils départementaux pour en discuter. La conférence nationale se réunira le mercredi 20 de 10h à 16h30, et pourrait être suivie d’un meeting militant. La Conférence nationale, pour rappel, est composée des membres du CN, des parlementaires (dont nous espérons qu’ils seront particulièrement nombreux à l’issue des législatives) et de délégués des fédérations désignés par les conseils départementaux. Une répartition des délégués, avec leur nombre par fédération, sera envoyée dans les tout prochains jours ; les conseils départementaux, pour tenir compte des délais très courts et pour des raisons pratiques évidentes, sont invités à les désigner avant le 18 juin pour pouvoir organiser dans les meilleures conditions possibles cette conférence ».
Entre l’adoption de cette résolution par le Conseil national du parti et l’adoption ou son rejet par la conférence nationale, les adhérents du PCF n’auront qu’une journée pour en prendre connaissance, en discuter et se prononcer dessus. Et encore, ils se ne se prononceront pas par un vote, mais devront faire confiance aux délégués désignés par les directions départementales avant même que le contenu de cette résolution ne soit connu. Et ce sont finalement les membres du CN (environ 250), les parlementaires et les délégations choisies par les directions départementales qui décideront. Tout ceci n’est pas très démocratique !
Rien ne justifie qu’une décision d’une telle importance pour le PCF, mais aussi pour le Front de Gauche, ne soit prise dans la précipitation. Cela revient à prendre par surprise la base des adhérents du parti, qui, si participation au gouvernement il y a, auront de quoi être soucieux non seulement pour l’avenir du parti, mais aussi du devenir d’une vaste dynamique populaire qui a permis à des millions d’entrevoir une alternative à un système injuste qui refoule la société en arrière.
Gardons confiance en la capacité du PCF et du Front de Gauche à constituer un pôle d’attraction majeur pour la classe ouvrière dans les mois et les années à venir. La situation politique va changer en notre faveur. La montée de Syriza en Grèce nous montre l’avenir.
Non à la participation gouvernementale !
Pour un débat et une décision démocratique sur la proposition de la direction du PCF !