L a victoire de François Hollande marque une nouvelle étape dans l’histoire du pays. Nous devons maintenant remporter la bataille des législatives. Il faut renverser la majorité de droite à l’Assemblée Nationale et y élire un maximum de députés du Front de Gauche. Mais n’oublions pas que Sarkozy n’était que le représentant le plus en vue d’une classe et d’un système. Sarkozy, ses idées réactionnaires et racistes, sa haine et son mépris de la classe ouvrière, ses attaques contre les services publics et contre toutes les conquêtes sociales du passé, contre les retraites, contre les droits syndicaux, n’étaient que la traduction idéologique et politique des intérêts de la classe capitaliste. Cette classe est toujours au pouvoir. Le système est toujours intact. Si on change la composition du gouvernement sans toucher aux fondements de ce système, il s’avérera impossible d’en finir avec la régression sociale.
Les scènes de liesse populaire à la Bastille et à travers le pays étaient compréhensibles. Mais derrière la joie, il y a des attentes, des besoins énormes. Le chômage a atteint des proportions historiques. Dans l’un des pays les plus riches au monde, la pauvreté étend son empire. Tous les travailleurs ne vivent pas dans la misère, mais pratiquement tous subissent une détérioration de leurs conditions de vie. Hollande nous assure qu’il sera le président de l’égalité et de la justice. Il a promis de « mettre fin aux privilèges ». Mais en même temps, il a déclaré sans ambages que les marchés – c’est-à-dire les capitalistes – n’ont rien à craindre de sa présidence. Ces déclarations sont pour le moins contradictoires. On ne peut servir deux maîtres.
Hollande a comparé sa victoire à celle de François Mitterrand en 1981. Mais cette expérience nous a surtout appris – et pas pour la première fois – qu’un gouvernement de gauche qui cherche à gérer le capitalisme finira, au contraire, par être géré par le capitalisme. Toutes les mesures que François Hollande prendrait dans l’intérêt des travailleurs seront considérées comme une atteinte à la rentabilité capitaliste. Les spéculateurs vont se mettre à « parier contre la France », pour reprendre l’expression employée par le Financial Times au lendemain du second tour de la présidentielle. La BCE, le FMI, les Bourses et fonds d’investissement du monde entier – et surtout les capitalistes français – se serviront de l’immense pouvoir dont ils disposent pour obtenir ce qu’ils veulent.
Ce sont justement ces marchés, la Bourse, les chefs des grandes entreprises et des banques qui dirigent le pays, qui sont le vrai gouvernement de France. Le paradoxe, c’est que la classe capitaliste est très puissante économiquement, mais n’est presque rien socialement. La source de son pouvoir, c’est sa propriété. Mais ce n’est qu’une toute petite minorité de la population. Et tant que cette minorité parasitaire n’est pas ébranlée et renversée – c’est-à-dire expropriée – le gouvernement institutionnel ne peut apporter que quelques corrections marginales aux conditions sociales et économiques qu’elle nous inflige. Autrement dit, une politique de réforme sociale qui n’est pas liée à l’expropriation des capitalistes ne peut pas aboutir. Il faut résister, combattre le capitalisme – ou alors capituler.
Il n’importe pas, à cet égard, qu’un chef de gouvernement soit plus intègre et plus honnête qu’un autre. Reconnaissons volontiers que Hollande n’a ni le mépris, ni l’arrogance, ni les penchants racistes de Sarkozy. Mais son souci de ménager les capitalistes l’amènera inéluctablement à abandonner les travailleurs et la jeunesse à leur sort. Les pressions capitalistes – contre lesquelles lui et son gouvernement se sont volontairement désarmés – parviendront à façonner la politique du gouvernement. Celui qui nous parlait d’égalité nous parlera de rigueur et de sacrifices. Celui qui hier nous parlait de rêves nous parlera demain des réalités – celles du capitalisme en déclin. Les capitalistes et la droite, tout en sabordant l’économie, mettront la responsabilité des conséquences sociales sur le dos les « socialistes » au pouvoir. La position du gouvernement sera minée et son électorat déçu.
D’où la nécessité impérieuse de construire une alternative révolutionnaire à la politique de Hollande. Pour nous, militants du PCF et nos alliés dans le Front de Gauche, la source de la crise réside dans le système capitaliste. Il faut donc compléter notre programme pour tenir compte de cette réalité et fixer l’attention des travailleurs sur la nécessité de briser le pouvoir des banques, de mettre fin à l’emprise des capitalistes sur l’économie et procéder à la construction d’une République Socialiste.