Comment lutter contre le chômage, ce fléau redouté par tous ? Angoisse quotidienne pour les privés d’emploi, menace de plus en plus réelle pour les salariés en activité : quelle famille n’est pas en butte à cette réalité du système actuel ? Pour la classe dirigeante, la question se pose en d’autres termes : comment conserver cette « armée de réserve » que sont les chômeurs, tout en masquant la réalité aux victimes et à l’ « opinion publique » ?
La réponse des capitalistes est simple : pour supprimer le chômage, il suffit de supprimer les chômeurs (visibles). Plus de la moitié des chômeurs relevant de l’ASS ou du RMI ne sont déjà plus comptabilisés dans les chiffres officiels du chômage, sans compter tous ceux qui ne perçoivent plus rien du tout.
Un enjeu de cette importance, pour la classe dirigeante, exige un arsenal à la hauteur. La fusion ANPE/UNEDIC n’a pas d’autres buts que d’aggraver l’exploitation par le travail forcé. Elle programme la sortie du chômage à tout prix pour arriver à 5% de chômeurs visibles en 2012, en durcissant les contrôles et en facilitant la suppression des allocations. La modification du Code du Travail le prévoit. Dernier outil en date pour atteindre cet objectif : la définition de l’Offre Valable d’Emploi (OVE), dont l’objectif est notamment de procéder à des radiations massives.
Pour mettre en oeuvre un tel dispositif, le patronat ne manque pas de candidats motivés. Après la présidence CFDT de l’UNEDIC, puis la disqualification de l’UIMM pour le poste, Parisot a imposé son candidat, l’homme d’affaire Geoffroy Roux de Bézieux. Immédiatement, il a proclamé son engagement en faveur des intérêts des entreprises et sa détermination à renforcer la flexibilité du travail. Nous voilà prévenus !
Le plus gros du travail étant fait, il ne restait plus à la ministre Christine Lagarde qu’à le faire apprécier par les syndicats. C’était l’objet de la réunion tripartite Etat-syndicats-patronat du 6 mai dernier. Face au désaccord des syndicats, Christine Lagarde et Laurent Wauquiez (Secrétaire d’Etat à l’emploi) ont décidé de présenter une loi de toute façon.
Offre valable (ou raisonnable), mais pour qui ? Les chômeurs ou les patrons ? Dans son projet, le gouvernement définit ainsi « l’offre valable d’emploi » et les nouvelles obligations pour le demandeur d’emploi :
Pendant les 3 premiers mois, le chômeur doit accepter tout emploi à hauteur de son salaire antérieur.
Après 3 mois, il doit accepter 5% de diminution de salaire pour un contrat « compatible avec sa qualification ».
Après 6 mois, la baisse de salaire qu’il doit accepter passe à 20%, avec un temps de transport de 2 heures maxi.
Au bout d’un an, il est dans l’obligation de prendre tout poste de travail avec un salaire au moins égal à 57% de son salaire antérieur (montant de l’allocation chômage).
La sanction tombe au deuxième refus.
Pour arriver à ses fins, le pouvoir doit faire passer l’idée que le chômage, en fait, est le résultat du comportement des chômeurs. Les emplois existent, voyez-vous, mais les chômeurs ne veulent pas travailler ! Ils doivent donc faire preuve d’un peu de bonne volonté. Que faire ? Une petite prime pour ceux qui trouvent un emploi après un an de recherches et de sacrifices ; une diminution puis la suppression de leur minimum vital pour ceux qui « ne veulent pas » trouver !
Autre arrogance patronale : les entreprises n’arriveraient pas à recruter ! En réalité, on peut évaluer le nombre d’offres d’emploi non pourvues à 200 000 – et non à 800 000, comme annoncé dans les chiffres officiels. Il est vrai qu’il existe des métiers dits « sous tension », comme par exemple dans le bâtiment et la restauration. Mais si les patrons ne trouvent pas de salariés à leur mesure, la cause principale n’est-elle pas à rechercher dans les conditions de travail inhumaines et les salaires honteusement bas qui sont le lot des manœuvres, des plongeurs, des serveurs, qui sont exploités jusqu’à la maladie, et dont les heures de travail ne sont, pour une bonne part, jamais déclarées à l’administration ? Bon nombre de « sans-papiers » en savent quelque chose.
D’année en année, les critères de l’« offre valable » ont été de plus en plus sévères. Aujourd’hui, peu importe le métier, la formation, la qualification, sans parler des aspirations du demandeur. Et pourtant, déjà, une grande masse de chômeurs finit souvent par accepter n’importe quel poste pour simplement vivoter. Si dans une situation dominée par la précarité, près de la moitié des chômeurs indemnisés travaillent déjà à temps partiel, c’est bien que leur premier souci est de retrouver un emploi. Mais ce n’est pas assez pour le Medef, et le gouvernement vient à la rescousse.
L’emploi forcé offre de nombreux avantages aux capitalistes. Il fait pression sur les salaires par la déqualification des emplois. Il accroît les profits des officines privées de placement (soit-dit en passant la restructuration de ce secteur va occasionner la suppression de 10 000 emplois). Enfin, l’Etat peut transférer une partie des cotisations chômage (excédent ASSEDIC, dû à la baisse des allocations) vers les retraites (déficit assurance vieillesse).
Depuis 2001, le nombre de privés d’emploi exclus de l’assurance chômage est passé de 46% à 50%. Le travail précaire ne permet pas de cotiser suffisamment pour ouvrir des droits, sans compter les radiations. Le système d’Offre Valable d’Emploi aura le même résultat que celui mis en place en Angleterre et en Allemagne : l’augmentation des travailleurs pauvres et des exclus. Il s’agit d’une véritable machine de guerre qui a pour cible l’ensemble du salariat.
Contrairement au mythe officiel, les fraudes sont extrêmement marginales parmi les millions de demandeurs d’emploi potentiellement indemnisables. Mais suite à un intense matraquage médiatique, une majorité de français serait favorable aux mesures que prépare le gouvernement. Cependant, dans le même temps, les deux-tiers des salariés pensent qu ’ils peuvent se retrouver dans la même situation que le chômeur. Dans un marché où une offre (le plus souvent de courte durée) correspond à dix demandes, cela donne à réfléchir.
Avec cette nouvelle loi, la classe capitaliste démontre une fois de plus que pour maintenir sa domination, elle n’a d’autres choix que d’intimider, diviser et réprimer les salariés. Ceci-dit, le mensonge médiatique et la manipulation des sondages peuvent tromper une partie de la population, mais ils ne peuvent pas régler les problèmes que vivent les travailleurs au quotidien. Les faits sont têtus. Tous les syndicats et toutes les associations de sans-emploi jugent ce plan anti-chômeurs inacceptable. Tous ceux qui gagnent leur vie par leur travail n’auront pas d’autre choix que d’entrer massivement dans la lutte.