Le programme du PS ne contient aucun engagement susceptible d’améliorer les conditions de vie des travailleurs. Dans l’ensemble, il revient à gérer le capitalisme pour le compte des capitalistes – au détriment de l’écrasante majorité de la population. En la matière, les engagements de François Hollande vont encore plus loin que le programme officiel de son parti. Il rejette par exemple le rétablissement de l’âge légal de la retraite à 60 ans, que les textes du PS évoquent vaguement. Il envisage un nouvel allongement de la durée de cotisation, voire la suppression pure et simple d’un âge légal de départ à la retraite : « tout sera déterminé par rapport à la durée de cotisation », dit-il.
Sur cette base, les critiques que François Hollande adresse à Sarkozy ne peuvent être que des effets de manche. Il reproche au président de vouloir inscrire la « règle d’or » dans la Constitution, avant de préciser que c’est avant tout « dans les actes » qu’il faut l’inscrire ! Il veut réaliser 50 milliards d’économies budgétaires dès la première année. Cette somme est supérieure au budget de l’Education nationale ! Elle implique une politique d’austérité nettement plus sévère que celle de Sarkozy. Et si Sarkozy est réélu, il mènerait lui aussi une politique d’austérité encore plus sévère que ces 5 dernières années, du fait de la crise. Il n’y a donc aucune différence politique fondamentale entre les deux candidats. Le Front de Gauche est la seule force politique significative qui, face aux capitalistes, défend les intérêts des travailleurs et de la masse de la population. Il faut faire en sorte que tous les travailleurs, chômeurs, jeunes et retraités, prennent connaissance de son programme.
Soutien critique
Ceci dit, à ce stade, le poids électoral du PS et le caractère réactionnaire de son programme posent certaines difficultés au PCF et au Front de Gauche. Ces difficultés impliquent des questions de principe et de stratégie de la plus haute importance. De très nombreux électeurs de gauche considèrent François Hollande comme le moindre mal face à Sarkozy. Et si, comme c’est très probable, Hollande se trouve face à la droite au deuxième tour, nous ne devrions pas nous tenir à l’écart du combat de la masse de l’électorat de gauche, sous prétexte que nous anticipons la politique rétrograde que mènera le candidat socialiste. Il faudra participer à cette lutte et le « soutenir » contre Sarkozy. Mais notre soutien devra être critique, et même très critique. Nous devons nous efforcer, par nos explications, d’ouvrir les yeux de tous. Entre les deux tours comme avant le premier, nous ne pouvons pas apporter le moindre soutien à la politique du PS, sous peine de trahir notre cause. Nous devons expliquer en toute circonstance, patiemment mais sans complaisance, le caractère réactionnaire de son programme et les conséquences sociales désastreuses qu’il entraînera.
Cette approche stratégique est cruciale pour la suite. Les élections ont une certaine importance, mais la lutte que nous menons, comme communistes, va bien au-delà des considérations électorales. Alors que le gouvernement Jospin avait au moins tenté d’appliquer quelques réformes positives, avant de virer à droite, le prochain gouvernement socialiste agira dès le premier jour comme un agent des intérêts capitalistes. En matière de coupes et de contre-réformes, la gravité de la crise le poussera à aller beaucoup plus loin que son programme ne le laisse présager. Les électeurs qui auront placé leurs espoirs en lui seront très rapidement déçus. Quant au Front de Gauche, sa lutte contre l’austérité et pour ses revendications se poursuivra. Une partie croissante des électeurs de gauche qui, pendant la campagne, avaient trouvé nos critiques injustes ou exagérées, se rendront compte que nous avions raison. Ceci augmentera considérablement l’autorité politique du PCF et du Front de Gauche aux yeux des travailleurs et renforcera d’autant notre combat contre le capitalisme et la politique du gouvernement.
« Rassembler toute la gauche » ?
Cette démarche ne fait pas l’unanimité. Il y a dans notre parti – et particulièrement dans ses instances dirigeantes – des camarades qui déconseillent fortement de « taper sur le PS ». L’un des arguments avancés est qu’en s’attaquant à la politique du PS, on risque de favoriser la droite. Il y a aussi, chez certains camarades, la crainte de compromettre des alliances électorales – actuelles ou futures – entre le PCF et le PS. Les points de vue qui existent à ce sujet se sont exprimés à plusieurs reprises, par exemple lorsque Jean-Luc Mélenchon a comparé François Hollande à un « capitaine de pédalo dans la tempête ». Par cette image, Mélenchon voulait souligner l’impuissance du programme socialiste face aux défis économiques et sociaux qui se posent. C’est le moins qu’on puisse dire. Et pourtant, cette formule n’a pas plu à tout le monde au sein du PCF. Soucieux de conserver de bons rapports avec le PS (et les bonnes places qui vont avec), Patrick Le Hyaric et bien d’autres responsables du parti n’en étaient pas du tout contents. Ne faut-il pas « rassembler toute la gauche » contre Sarkozy, disaient-ils, et donc épargner nos partenaires socialistes de critiques trop sévères ?
A notre avis, l’approche qui consiste à ménager le PS sous prétexte de ne pas favoriser Sarkozy est totalement irrecevable. Si on l’acceptait, elle vaudrait non seulement pour la campagne électorale, mais aussi pour après. Suivant cette logique, le fait de critiquer un gouvernement socialiste ne ferait-il pas courir le risque de renforcer l’opposition de droite, voire d’extrême droite ? Certes, notre priorité est d’attaquer la droite. Il faut discréditer son programme point par point, montrer ses conséquences néfastes pour la masse de la population. Mais justement, nous ne pouvons pas accomplir cette tâche primordiale en nous montrant indulgents vis-à-vis des dirigeants socialistes qui défendent essentiellement le même programme. Il faut toujours dire la vérité aux travailleurs. Jaurès n’écrivait-il pas que « le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire » ?
Avant, pendant et après les élections, il faut expliquer la réalité des programmes de ladroite et des dirigeants socialistes dans les termes les plus clairs et incisifs, dans le but d’élever le niveau de conscience des travailleurs à la hauteur nécessaire. Supposons que la droite remporte les élections parce que les électeurs n’auront pas vu de différence significative entre sa politique et celle des socialistes, comme ce fut le cas, par exemple, en 2007. Serait-ce la faute des dirigeants socialistes qui ont capitulé aux intérêts capitalistes – ou celle des partis du Front de Gauche qui auraient eu l’honnêteté de le dire ?
Enfin, que peut bien signifier « rassembler toute la gauche » lorsque les dirigeants de la principale force électorale de gauche – le Parti Socialiste – se préparent ouvertement à suivre la voie de Papandréou et Zapatero ? De deux choses l’une : soit on « rassemble la gauche » sur la base de leur politique réactionnaire, ce qui doit être évidemment exclu ; soit on gagne François Hollande et les siens au programme du Front de Gauche, ce qui est tout simplement impossible – et dire le contraire reviendrait à semer des illusions sur la nature politique des dirigeants du PS. La gravité de la crise trace des lignes de démarcation beaucoup plus nettes entre les partis et les programmes. Nous devons l’expliquer ouvertement plutôt que de prétendre qu’on peut gagner François Hollande à la lutte contre le système capitaliste. Encore une fois, les gens apprendront par l’expérience que nous avons raison.
La question des élus
Tous les communistes seraient d’accord pour que le PCF ait le plus grand nombre d’élus possible, que ce soit au niveau local ou à l’Assemblée nationale, au Parlement européen, etc. Ils voient la conquête de sièges comme autant de moyens pour défendre la politique du parti. Mais précisément parce que ces positions ne sont pas une fin en soi, mais unmoyen de lutte, toutes les méthodes ne sont pas bonnes pour les obtenir. L’argument selon lequel il faut éviter de critiquer la politique du PS pour obtenir un maximum de mandats est, au fond, opportuniste. Sur la base de compromis sans principes, les élus deviennent les prisonniers – volontaires ou non – d’une politique qui n’est pas la nôtre.
L’exemple le plus évident de ce type de situation est celle dans laquelle les ministres communistes se sont trouvés sous le gouvernement Jospin (1997-2002), où ils étaient impliqués dans des privatisations, des interventions militaires (Serbie, Afghanistan) et bien d’autres actions gouvernementales dont il n’y avait pas de quoi être fier. Et c’est loin d’être le seul exemple. Des situations analogues existent au niveau municipal, régional, etc. Nous ne disons pas que le PCF ne devrait jamais siéger aux côtés du PS. Mais cette collaboration devrait toujours dépendre de la politique qui est menée. Elle ne doit en aucun cas associer les communistes à des politiques contraires à leurs principes, comme par exemple la privatisation des services municipaux ou des méthodes de gestion oppressantes à l’égard du personnel municipal. Nos idées et nos principes doivent passer avant tout. Il est préférable de perdre un mandat en les défendant que de l’obtenir en y renonçant.