Le nouveau plan d’austérité annoncé par François Fillon vise une fois de plus à faire payer la crise à la masse de la population, qui n’en est pourtant pas responsable. Coupes dans les dépenses publiques de santé, les allocations familiales et l’aide au logement ; augmentation du taux réduit de la TVA (un impôt que payent au même niveau les chômeurs et les millionnaires) ; accélération de l’application de la contre-réforme des retraites : ce sont les plus fragiles qui seront les premiers touchés. Quant aux mesures de taxation du capital, elles n’entament en rien l’ensemble des dispositifs d’allègements fiscaux dont bénéficient les grands capitalistes. Elles servent essentiellement à faire croire aux pauvres que le gouvernement veut aussi « mettre les riches à contribution ». Il entre dans ce plan une bonne dose de prudence électoraliste.

Les effets économiques attendus de ces mesures sont très douteux. En minant un peu plus la demande, elles risquent de précipiter le pays dans la récession, avec comme résultat une diminution des recettes fiscales – et donc une nouvelle augmentation des déficits. Le remède pourrait être pire que le mal, y compris d’un point de vue strictement budgétaire. Mais même s’il n’y a pas de récession à court terme, il est clair qu’une croissance économique soutenue n’est pas à l’ordre du jour avant plusieurs années. Au « mieux », l’économie française va connaître une longue phase de stagnation. Mais dès lors, le plan d’austérité annoncé lundi est très inférieur à ce qui serait nécessaire pour s’attaquer réellement aux déficits publics, qui étaient de 150 milliards d’euros en 2010 et seront de 100 milliards en 2011. Ce ne sont pas 7 milliards de coupes et d’impôts supplémentaires que le prochain gouvernement devra chercher, mais bien davantage. La droite le sait parfaitement. Elle s’y prépare. Dans l’immédiat, elle cherche à faire patienter les marchés, tout en s’efforçant de ne pas compromettre définitivement ses chances de victoire en avril 2012.

La jeunesse et les travailleurs doivent être très clairement prévenus de ce qui les attend. Au regard des coupes et contre-réformes à venir, le plan d’austérité annoncé lundi n’en est qu’une chiquenaude. Certes, il est déjà sordide et scandaleux de réduire l’aide au logement ou les allocations familiales de quelques dizaines d’euros par bénéficiaire. Mais en Grèce, les salaires des fonctionnaires et les pensions de retraite ont été réduits de 20 à 50 %. Le chômage explose (+ de 25 %). Les écoles manquent de livres, les hôpitaux de médicaments. Chaque semaine, des milliers de familles tombent dans la grande pauvreté. De plus en plus d’enfants s’évanouissent à l’école, le ventre vide. Ceux qui s’imaginent que la France est à l’abri d’une telle catastrophe se trompent lourdement. La cure d’austérité qui se prépare, ici, sera beaucoup plus proche de ce que subissent les Grecs que du « plan Fillon » dévoilé lundi. Ce plan n’est qu’un premier acompte à l’intention des marchés et des agences de notation. Il indique bien qui sera frappé (les travailleurs, les pauvres, les retraités), mais renvoie à plus tard – après les élections de 2012, si possible – la mise en œuvre d’un plan d’austérité beaucoup plus grave.

Face à cette situation, la soumission des dirigeants socialistes à « l’économie de marché » – c’est-à-dire au capitalisme – apparaît de façon éclatante. Il n’y a pas que les prestations sociales qui sont désormais indexées sur la croissance : c’est aussi le cas du contenu du programme du PS ! François Hollande l’explique ouvertement. Ainsi, tous ceux qui veulent connaître le programme du candidat socialiste à la présidentielle devront attendre les prévisions de croissance successives que l’INSEE présentera pour 2012 et 2013. Pour le moment, elles sont très mauvaises. Et il est pratiquement certain qu’elles empireront. D’ailleurs, François Hollande a déjà commencé à suggérer que l’éventuelle création de 60 000 postes d’enseignants irait de pair avec… des suppressions de postes massives dans l’ensemble de la fonction publique (y compris dans l’Éducation nationale).

Il ne faut pas s’imaginer que les travailleurs resteront les bras croisés pendant qu’on remet en cause plus d’un demi-siècle de conquêtes sociales. De grandes luttes sont à l’ordre du jour. Dans ce domaine également, la Grèce nous donne un bon aperçu de ce qui nous attend. La société grecque s’oriente vers une situation révolutionnaire. Et c’est bien dans cette voie que marche toute l’Europe. Bien sûr, les rythmes seront différents selon les pays. Mais aucune société ne peut s’enfoncer indéfiniment dans la régression sans provoquer, à un certain stade, une explosion de la lutte des classes. En réaction au discours de Fillon, lundi, Marie-George Buffet a déclaré : « On ne peut s’empêcher de penser à Louis XVI voulant préserver la noblesse du paiement de l’impôt dans une France de 1788 en faillite ». C’est très bien dit.

Il n’y aura pas de solution à cette crise sur la base du capitalisme. Plus exactement, la « solution » capitaliste consiste à refouler la société des décennies en arrière – jusqu’aux conditions de vie des années 30. Pour éviter que cela se produise, la jeunesse et la classe ouvrière n’auront pas d’autres choix que d’engager des luttes massives et acharnées. Le rôle du PCF et de Front de gauche est d’expliquer patiemment et systématiquement qu’il y a une autre solution au problème – une solution révolutionnaire. Il faut intégrer au Programme populaire et partagé du Front de gauche des mesures visant à briser définitivement la domination des grands capitalistes sur l’économie. Les banques, la grande industrie et la grande distribution doivent être arrachées des mains des capitalistes, intégrées au secteur public et placées sous le contrôle démocratique des salariés. Il n’existe pas d’alternative à ce programme qui soit conforme aux intérêts de la masse de la population. « Socialisme ou barbarie » : ces mots de Rosa Luxemburg résument les deux seules voies qui s’ouvrent à nous dans la période à venir.

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