Les militants communistes sont appelés à voter, du 16 au 18 juin, sur le candidat à la présidentielle que soutiendra le PCF. Depuis que Chassaigne a maintenu sa candidature et que Gérin a retiré la sienne, lors de la Conférence Nationale, trois noms figurent sur le bulletin de vote : Jean-Luc Mélenchon, André Chassaigne et Emmanuel Dang Tran.
Le maintien d’André Chassaigne n’était pas acquis. La direction du parti s’était prononcée à plusieurs reprises contre la possibilité que Mélenchon et Chassaigne figurent tous deux sur le bulletin de vote. Le maintien de ce dernier est le résultat d’une pression venue de la base du parti. Il n’aurait pas été acceptable qu’on propose simplement aux communistes de voter « pour » ou « contre » la candidature de Jean-Luc Mélenchon (celles de Dang Tran et Gérin n’ayant aucune chance de l’emporter).
En conséquence, la résolution adoptée par la Conférence Nationale affirme que les délégués sont « attachés à ce que chaque communiste puisse s’exprimer avec l’ensemble des options qui ont été portées dans le débat ». Cependant, dès le lendemain de la Conférence Nationale, Pierre Laurent déclarait sur RFI que si les militants communistes désignaient André Chassaigne, « ça ferait rentrer le Front de gauche dans une période d’instabilité, de non-décision. Je crois que ça serait problématique. » Depuis, pas un jour ne passe sans que des dirigeants du parti n’avertissent les militants communistes : la désignation de Chassaigne serait « problématique ». Voire pire que problématique. Dans une tribune publiée sur le site de L’Humanité, Robert Injey, membre de l’Exécutif national, affirme carrément que ce serait « tuer l’espoir ».
Des milliers de communistes vont voter pour André Chassaigne. Est-ce qu’on peut sérieusement les soupçonner de vouloir « tuer l’espoir » ? Evidemment pas. La grande majorité de ces camarades soutient la démarche du Front de gauche. Mais ils n’acceptent pas l’idée que la candidature de Jean-Luc Mélenchon soit la condition sine qua non de cette démarche. Et pourtant, c’est bien ainsi que les choses ont été conçues, de longue date, au sommet du parti. Comme tant d’autres camarades, nous l’avions anticipé et expliqué bien avant que Pierre Laurent ne prenne publiquement position en faveur de Mélenchon. L’attitude de la direction du parti vis-à-vis de la candidature d’André Chassaigne en était le signe le plus évident. Elle ne l’a pas soutenue. Et en l’absence de toute autre candidature émanant de la direction du parti, cela signifiait qu’elle se préparait à soutenir Mélenchon.
Robert Injey affirme que si Chassaigne l’emporte, il faudrait envisager de « laisser le double ou le triple des circonscriptions à nos partenaires », aux élections législatives. Ainsi, le PCF, qui constitue plus de 90 % des forces militantes du Front de gauche, devrait laisser 40 à 60 % des circonscriptions au Parti de Gauche et à la Gauche Unitaire, sous prétexte qu’un communiste serait investi à la présidentielle ! C’est absurde. Mais en réalité, Robert Injey lui-même ne prend pas cette hypothèse au sérieux. Il cherche simplement à effrayer les camarades qui sont tentés de voter pour André Chassaigne. Car la direction du parti n’a jamais envisagé et n’envisage toujours pas de « scénario Chassaigne ». Les « arguments » de Robert Injey visent à assurer la majorité la plus large possible à la candidature de Mélenchon, en transformant la consultation des communistes en un vote « pour » ou « contre » le Front de gauche, le « pour » s’identifiant alors au choix de Mélenchon. Il l’écrit même assez franchement : « l’enjeu du vote des communistes […] n’est pas le choix d’un individu, mais bien celui de la mise en œuvre d’une orientation stratégique, celle du Front de Gauche. »
Nous maintenons notre appel à voter pour André Chassaigne et à doter le PCF d’un programme véritablement communiste. La désignation de Jean-Luc Mélenchon encouragerait les dirigeants qui veulent transformer le PCF en une nouvelle force politique. Et quel que soit le candidat désigné, il faudra résister au projet de transformer le Front de gauche en un nouveau parti dont le PCF ne serait qu’une « composante ».
Pour autant, il ne faudrait pas se méprendre sur les motivations politiques des militants qui soutiennent la candidature de Mélenchon. La plupart d’entre eux veulent maintenir et renforcer le parti. Ils cherchent un moyen d’inverser le déclin qu’a connu le PCF depuis plusieurs décennies. Ils ont en tête les scores du parti aux deux dernières élections présidentielles. Ils craignent de revivre un tel échec. Nous ne partageons pas la conclusion qu’ils en tirent sur la question de la candidature à la présidentielle. Surtout, la clé du redressement du parti ne réside pas, en premier lieu, dans des formes d’alliance ou de rassemblement, mais dans un retour aux idées fondamentales du communisme : les idées du marxisme. Cela vaut également dans l’hypothèse d’une candidature d’André Chassaigne, qui en elle-même ne comblerait pas les carences du « programme populaire et partagé ». La question centrale qui se pose au parti, c’est la nécessité de mobiliser la jeunesse et les travailleurs autour d’un programme qui vise à remplacer le capitalisme par une autre société, une société socialiste, fondée sur la propriété publique des banques et des grands moyens de production. C’est à la fois la seule alternative au capitalisme en crise et la seule garantie d’un redressement durable du PCF.