La Direction Générale du Travail (c’est-à-dire la direction du Ministère du Travail) prétend être impartiale dans les relations entre patrons et salariés. Elle vante son rôle « protecteur » des conditions de travail dans les entreprises. Mais alors que le capitalisme en crise impose des suppressions massives d’emplois et une baisse générale de la masse salariale, il n’est plus question d’impartialité et de « protection ». Et des divisions apparaissent de plus en plus nettement dans les rangs de l’administration.
Par exemple, l’Inspection du Travail est compétente pour autoriser, ou non, le licenciement des représentants du personnel et des délégués syndicaux. Mais les recours sur ses décisions relèvent de la direction du Ministère. Les divergences entre les deux sont de bons indicateurs de la polarisation en cours dans la Fonction publique, entre le bas de l’échelle, plus engagé dans la défense des intérêts des salariés, et les hautes sphères, soucieuses de réguler les rapports sociaux dans l’intérêt du système capitaliste.
Le licenciement des « Molex » et des « Conti »
Parmi les affaires traitées par l’Inspection du Travail, il y a eu les demandes d’autorisation de licenciements des délégués de l’usine Molex de Villemur-sur-Tarn et des délégués des « Conti » de Clairoix, dont les luttes ont été très médiatisées. Pour Molex, l’Inspection du Travail a estimé que l’employeur n’a pas fait la démonstration que l’entreprise connaissait des difficultés économiques justifiant ces licenciements. Elle a constaté que le comité d’entreprise (CE) n’a pas été normalement consulté, fait pour lequel les dirigeants de Molex ont été condamnés à une peine d’emprisonnement avec sursis. Mais saisi d’un recours sur cette décision de l’Inspection du Travail, le Ministère du Travail a levé l’obstacle en reconnaissant un motif économique, sans plus de détail, et en éludant les manquements aux missions du CE.
Pour les « Conti », le Ministère a cette fois plié sous l’évidence des manquements du patronat dans la procédure de licenciement, à une exception notable près : celle de Xavier Mathieu, le délégué syndical CGT, qui est le seul des 9 délégués dont le licenciement a été autorisé. Le Ministère s’est pour cela appuyé sur un mensonge : le prétendu refus de l’intéressé d’accepter un poste de travail de « reclassement », alors qu’il a fait part de son « réel intérêt » pour le poste proposé, par courrier recommandé.
Ces deux affaires sont des symboles. Les travailleurs de ces deux usines se sont soulevés contre l’injustice. Ils ont rencontré un écho très favorable parmi les travailleurs de tout le pays. Du point de vue des intérêts capitalistes, la nécessité de détruire des pans entiers de l’appareil de production est une raison suffisante pour que l’administration autorise ces licenciements et punisse « pour l’exemple » des figures de proue de la contestation, comme Xavier Mathieu.
Atteinte au droit de grève
Au cours du dernier mouvement contre la casse des retraites, l’Etat a tout fait pour mettre un terme aux grèves, notamment en réquisitionnant des grévistes de dépôts de carburant. Le Ministère du Travail a, lui aussi, contribué au contournement de la grève. Pour faciliter les approvisionnements en carburant, la Direction du Travail a fait passer la consigne d’autoriser des dépassements des durées maximales de travail pour les transporteurs routiers. Pour justifier cette consigne, le Ministère a fait valoir que « les situations de panne sèche sur les grands axes présentent des risques importants pour la sécurité routière ». L’objectif officiel était donc de limiter les accidents de la route ! Cet argument fallacieux n’a pas trompé les agents du Ministère. La CGT et de nombreuses autres organisations syndicales ont dénoncé cette évidente instrumentalisation de l’administration à des fins politiques.
L’administration du Travail, comme les autres organes de l’Etat, n’est pas suspendue dans les airs. Elle ne fonctionne pas indépendamment du cours de la lutte des classes. En dernière analyse, elle n’est guidée ni par une volonté de « protéger » les salariés, ni par un souci d’arbitrer les litiges entre patrons et salariés de façon « impartiale ». Sa mission fondamentale est d’assurer le bon fonctionnement de l’économie capitaliste.
Sur le terrain, dans les entreprises, les fonctionnaires du Ministère du Travail constatent la détérioration générale des conditions de travail et de salaire. Ils voient s’accumuler les dossiers de plans sociaux, sur leurs bureaux. Ce sont eux aussi des salariés qui, dans leur immense majorité, veulent sincèrement défendre les acquis sociaux, les emplois et les conditions de travail des salariés. Les prises de position de la direction du Ministère, qui facilite les fermetures d’entreprise et porte atteinte au droit de grève, suscitent l’indignation d’un grand nombre d’agents.