Qu’il y ait deux, trois ou quatre millions de chômeurs, cela ne porte pas atteinte aux capitalistes. Une entreprise ferme ? C’est que leur capital grandira mieux ailleurs. L’hôpital public manque de moyens ? Les retraites sont démantelées ? Peu leur importe ! Ils se soignent ailleurs et n’ont pas à s’inquiéter pour leurs vieux jours. Ils conservent la splendeur de leurs demeures, l’éclat de leurs bijoux et vêtements, l’extravagance de leurs tables, la magnificence de leurs voitures, bateaux et avions. Rien ne vient perturber leurs vies enchantées.
Pourquoi s’inquiéteraient-ils de l’avenir ? Ils se croient intouchables. Les scandales se succèdent : commissions occultes de l’affaire Karachi, affaire Woerth-Bettencourt, Légions d’honneur de complaisance, affaire de Compiègne, affaire du Médiator, caisses noires d’Omar Bongo – ils en rigolent ! Servier a gagné des millions d’euros par la vente d’un produit qui a tué des centaines de personnes ? Il s’en moque ouvertement. Cette assurance de la classe dirigeante tend à renforcer le scepticisme de nombreux travailleurs quant à la possibilité d’en finir avec le capitalisme. « Cela ne changera jamais ! », disent-ils. Nous pensons que cette idée est fausse. Non seulement une révolution est possible, mais elle est inévitable.
Une révolution est sourdement préparée par l’ordre social qui va la subir. Or, depuis de nombreuses années, la marche des événements souligne que pour la masse de la population, aucune issue n’est possible en dehors d’une révolution. Les intérêts capitalistes pèsent comme une charge de plus en plus insupportable sur le dos de la société. Ils l’empêchent de se relever. Le mécontentement se répand, s’enracine. Les gouvernements qui se succèdent n’apportent aucune solution. Ils sont acquis au capitalisme, qui ne peut pas résoudre les problèmes dont il est la cause. Les capitalistes ont la maîtrise des « institutions républicaines », qui ne sont que le masque de la dictature du capital. Ils peuvent compter sur la naïveté ou la complicité des dirigeants de la « gauche » et des syndicats, défaire les grèves sporadiques, ignorer les protestations et pétitions. Ils ont l’industrie audiovisuelle et la presse pour manipuler l’information. Tous ces moyens forment un barrage qui les protège, mais au prix de détruire la confiance de la population dans les lois, dans les institutions et dans la « classe politique ». Ce barrage finira donc par céder.
Certes, les masses n’ont – pour le moment – que peu de moyens d’expression directe. Qu’on ne s’imagine pas, au demeurant, que c’est parce qu’elles n’ont pas d’idées. Sur fond de débâcle économique et sociale, les affaires de corruption et de trafic d’influence qui défrayent la chronique contribuent à façonner la psychologie des travailleurs. Ils comparent ce qui se passe en haut à ce qu’ils vivent en bas. Ils voient que le profit capitaliste passe avant tout. Ils voient l’égoïsme des riches. Prenons aussi le cas de la réforme des retraites. Tous les sondages le confirmaient : l’immense majorité de la population y était hostile. Pour chaque jeune ou travailleur qui participait directement aux manifestations, aux grèves et aux blocages, 10 autres suivaient ce qui se passait comme des esclaves qui, à travers les grilles de leur cachot, observent avec espoir un soulèvement contre la servitude. Ils se battaient en pensée sous les drapeaux des défilés. A un certain stade, ils passeront de la pensée aux actes – et leurs idées deviendront alors une force matérielle d’une puissance extraordinaire.
Le Parti Communiste doit être à la hauteur de cette grande perspective. Or ceci est impossible sans prêter sérieusement attention aux questions de programme et aux bases théoriques du communisme. Par un effort commun, nous devons élaborer un programme et une stratégie pour en finir avec le capitalisme. Naturellement, les partisans du système capitaliste encouragent une attitude dédaigneuse à l’égard de la théorie, et surtout des idées théoriques révolutionnaires. Nous avons envie de leur répondre dans les mêmes termes que l’historien de la Révolution française, Thomas Carlyle. S’immisçant dans la conversation d’un groupe d’individus qui raillaient les « théories », il leur dit : « Vous oubliez, Messieurs, qu’il y avait autrefois un certain Jean-Jacques Rousseau. Il a écrit un livre qui n’était que des idées et les gens en riaient. Sachez tout de même que les carcasses de ceux qui riaient ont servi à relier la deuxième édition ! »