Les banques, les organismes de crédit et les assureurs privés peuvent se frotter les mains. Ce sont eux qui vont directement profiter du nouveau coup porté contre nos retraites. Mais à l’issue de l’épreuve de force avec le mouvement syndical, le gouvernement broie du noir. Sous couvert d’anonymat, les ministres se lamentent. Pour l’un, « cela laisse des traces, mêmes des brûlures ». Un autre met en garde le président de ne pas « survendre » le remaniement gouvernemental, de ne pas « créer des attentes » qui ne pourront pas être satisfaites. La même morosité s’exprime dans les journaux et dans les médias en général.
L’explication de ce paradoxe réside dans le fait qu’indépendamment de son résultat immédiat, la lutte contre la réforme des retraites a montré l’existence d’une hostilité profonde, dans le pays, non seulement à l’égard du gouvernement, mais aussi à l’encontre des innombrables injustices et humiliations que les « petits » de ce monde se voient infligés par les « grands ». Ce n’est pas pour rien que les représentants de ce système saluent unanimement la « responsabilité » et la « modération » des directions syndicales. Les capitalistes, les ministres, Sarkozy, tous savent bien que sans cette modération des directions confédérales, la colère et la haine populaires accumulées auraient pu trouver une expression encore plus massive et puissante. C’est comme si la classe capitaliste se disait : « Encore quelques victoires comme celle-là, et nous sommes tous perdus ! »
Désormais, la France est entrée dans une phase d’instabilité et de troubles profonds. Sarkozy navigue à vue, passant d’un expédient à un autre, à la recherche d’un « nouveau souffle » – en vain. A défaut de solutions, il se rabat sur des diversions, comme l’attaque contre les Roms, ou, plus récemment, la menace terroriste. Mais ni lui ni personne ne peut résoudre le problème de fond. Le capitalisme a épuisé son rôle historique. Il a fait son temps. Nous en sommes arrivés au point où le mode de production capitaliste s’avère incapable de développer l’économie et d’élever la société à de nouvelles hauteurs. Au contraire, il impose le rabaissement de tout ce qui rendait la vie tolérable à la masse de la population, non seulement du fait de la politique gouvernementale, mais aussi et surtout par les mécanismes de l’économie capitaliste, que personne ne contrôle.
Les travailleurs ne demandent pas la lune. Ils sont, d’habitude, extrêmement « modérés ». Ils acceptent de porter sur leur dos toute cette classe de parasites riches, arrogants et méprisants – à condition, en retour, de pouvoir vivre décemment, sans craindre pour leur avenir, avec la possibilité d’éduquer leurs enfants, de se soigner quand ils tombent malades, de conserver leur emploi, et de profiter encore de la vie à la retraite, à l’abri des difficultés matérielles. Tant que ces conditions sont remplies, la plupart des travailleurs ne s’occupent pas trop de politique. Mais avec chaque année qui passe, ces conditions sont de moins en moins réunies. Le capitalisme est incompatible avec tout ce que nombre de travailleurs considéraient comme des acquis définitifs de la civilisation. Et les grandes luttes de ces derniers mois prouvent qu’ils commencent à s’en rendre compte. La classe dirigeante a donc raison de s’inquiéter, car c’est ainsi que se préparent les révolutions.
Nous devons assimiler l’expérience que nous venons de vivre. Est-il encore possible de croire en l’efficacité de journées d’action intermittentes ou de grèves disparates ? Lors des prochaines épreuves, il faudra organiser et coordonner le mouvement à l’échelle nationale – et faire appel à la solidarité internationale, également – pour accroître l’impact de la mobilisation. Parallèlement à la discussion sur les questions stratégiques et organisationnelles, les militants syndicaux et les militants du PCF, en particulier, devront se concentrer sur la question du programme qui permettra de porter un coup décisif aux capitalistes. Jusqu’à présent, dans tous les domaines, les travailleurs se trouvent confrontés à des choix terribles, ou plus exactement à un chantage abject : soit ils acceptent de se serrer la ceinture, soit ils subissent des pertes plus graves encore. C’est le choix qui a été imposé aux travailleurs de Continental. C’est le choix qui se pose lors de toutes les menaces de fermeture ou de délocalisation. Dans la propagande gouvernementale, c’est le choix qui justifiait la dégradation des retraites.
Plutôt que d’être sur la défensive, de subir les attaques de nos ennemis, nous devons passer à l’offensive. Cela implique de nous armer d’un programme qui fasse peur aux capitalistes, qui représente une menace pour leurs intérêts vitaux. Les capitalistes, dont les intérêts façonnent la politique de Sarkozy, sont après tout peu nombreux. Ils représentent une petite minorité. Mais ils sont puissants parce qu’ils sont les propriétaires des banques, de l’industrie et de la grande distribution. Le programme offensif dont nous avons besoin doit se fixer comme objectif l’expropriation des capitalistes et la transformation de leur propriété en biens publics. La nationalisation des banques et des secteurs clés de l’économie mettrait fin au pouvoir capitaliste et permettrait aux travailleurs de ce pays d’utiliser ses richesses et ses ressources économiques pour le bien commun.