La dette publique de la France dépasse désormais le chiffre stupéfiant de 1600 milliards d’euros, soit 84 % du PIB. En 2010, la charge de la dette – c’est-à-dire le paiement desseuls intérêts – se situera entre 42 et 48 milliards d’euros, soit environ 15 % du budget de l’Etat, 70 % du budget de l’Education Nationale ou encore deux fois le budget de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur. Cette somme est supérieure à la recette totale de l’impôt sur le revenu.
L’endettement de l’Etat avait déjà atteint des niveaux très élevés avant la décision du gouvernement de renflouer les banques françaises à hauteur de plusieurs centaines de milliards d’euros. La dette publique a été aggravée, également, par l’« aide » financière massive – et très profitable, pour les capitalistes français – accordée à la Grèce. Cette aide visait avant tout à protéger les intérêts des banques françaises, lourdement impliquées dans les finances publiques grecques. Le bouclier fiscal et autres largesses à l’égard des riches, tout comme les subventions accordées aux grands groupes industriels, étaient censés garantir la croissance économique et la création d’emplois. C’est du moins ce qu’on nous expliquait. Mais le résultat est là. L’économie stagne et le chômage continue d’augmenter. Les mêmes entreprises qui ont été subventionnées suppriment des emplois et délocalisent. Le gouffre de la dette publique est un monument à la faillite du capitalisme français.
Les restrictions budgétaires draconiennes appliquées par le gouvernement entraîneront une nette dégradation du niveau de vie. Mais elles ne suffiront pas pour réduire la dette. Frappant la santé, la sécurité sociale, l’éducation, l’emploi et l’ensemble des services publics, la politique de rigueur de Sarkozy réduira les dépenses publiques d’environ 40 milliards d’euros, sur un an. Or, le déficit annuel de l’Etat s’élève à près de 180 milliards d’euros ! Ceci signifie que même dans le cas d’une politique d’austérité permanente, la dette va augmenter massivement, pour dépasser d’ici quelques années le seuil de 100 % du PIB. La population dans son ensemble – sauf les capitalistes – va s’appauvrir, et l’Etat s’acheminera vers une faillite similaire à celle qui s’annonce en Grèce. Voilà ce que nous réserve l’avenir sur la base du capitalisme.
Pour que la courbe ascendante de la dette commence à s’inverser, il faudrait combiner une politique d’austérité encore plus sévère avec une augmentation importante des recettes fiscales. Le problème, c’est que toute augmentation significative de la fiscalité pesant sur les ménages (impôt sur le revenu, TVA, etc.) réduira d’autant la demande intérieure et aggravera la crise – qui est, rappelons-le, une crise de surproductioncapitaliste. De même, toute tentative d’alourdir les charges fiscales des capitalistes – et Sarkozy fait plutôt l’inverse – se heurterait à des mesures de rétorsion immédiates de la part de la classe dirigeante. Les capitalistes ont toujours exercé un « chantage à l’emploi », dans ce domaine. « Si vous nous taxez », disent- ils, « nous investirons moins, et nous déplacerons les entreprises vers des pays plus accueillants. » Effectivement, sous le capitalisme, toute attaque sérieuse contre les profits se traduit par une contraction des investissements et de l’activité économique en général, surtout dans le contexte où le capitalisme français perd du terrain sur les marchés intérieur et extérieurs, comme c’est le cas actuellement et depuis de nombreuses années.
Sur la base du capitalisme, la dette publique de la France ne pourra pas être résorbée. Elle s’alourdira sans cesse davantage. Sous l’Ancien Régime, l’endettement de l’Etat était la cause initiale de l’agitation populaire qui a débouché sur la révolution de 1789. La question qui se posait à l’époque se pose aujourd’hui avec encore plus d’acuité : qui payera ? La réponse à cette question sera tranchée au terme d’une période d’intenses luttes entre les classes. En dernière analyse, pour que les travailleurs ne payent pas la dette engendrée par la crise du capitalisme, ils devront prendre le pouvoir et en finir avec ce système lui-même.