« Le loi est comme un toile d’araignée : les petits s’y font prendre et les grands la déchirent ». Anacharsis, philosophe grec (640 av JC)
Le 27 septembre dernier, le Conseil de Paris adoptait, à une large majorité, un « protocole d’indemnisation » en vertu duquel Jacques Chirac et l’UMP verseront 2,2 millions d’euros à la Mairie de Paris. En retour, celle-ci renonce à être « partie civile », lors du procès de Jacques Chirac sur les emplois fictifs. Autrement dit, Jacques Chirac aura la partie judiciaire plus facile. Le jour de ce vote au Conseil de Paris, Le Mondeécrivait : « Lors de son procès, fin 2010 ou début 2011, [Chirac] fera face à un banc des victimes déserté, en plus d’une accusation vraisemblablement passive puisque le parquet était opposé au renvoi devant le tribunal. »
Bertrand Delanoë justifie cet accord scandaleux dans les termes suivants : « comme tout justiciable, il y a une personne mise en cause par la justice qui propose de réparer ; elle répare, la victime retire sa plainte et le procès a lieu après que la victime ait retiré sa plainte […] C’est ce qui est ouvert à n’importe quel citoyen, nous appliquons la loi ». Delanoë oublie un petit détail : « n’importe quel citoyen » n’a pas les moyens de réunir 2,2 millions d’euros pour se payer un procès paisible ! C’est là le privilège d’une petite minorité de citoyens très riches – comme Jacques Chirac – et entourés comme lui d’amis très haut placés.
Des amis, Chirac en a d’ailleurs à tous les étages, y compris bien sûr au sommet de l’Etat, comme en témoigne la bienveillance du parquet. Le « protocole » offre à Chirac un renfort supplémentaire. On est face à un cas flagrant d’indulgence judiciaire à l’égard d’un riche et d’un puissant. C’est très certainement ce qu’ont pensé beaucoup de jeunes et de travailleurs qui ont suivi cette affaire, même de loin.
En votant en faveur de ce « protocole », au Conseil de Paris, les élus communistes ont commis une grave erreur qui a suscité de nombreuses critiques, dans les sections du parti. L’explication de vote de Ian Brossat, président du groupe communiste, n’apporte pas de justification valable. « Payer, c’est avouer », nous dit-il. Déjà, il faut pouvoir payer 2,2 millions d’euros, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Mais surtout, depuis quand suffit-il d’« avouer » ses fautes pour bénéficier d’une justice clémente ? Ce n’est pas le sort qui est généralement réservé à « n’importe quel citoyen » confronté à la justice ! Ian Brossat balaye d’un revers de main cet aspect du problème. Il nous rappelle que « le procès de [Chirac] aura bien lieu ». Puis il nous dispense une rapide leçon de « droit français » – sur les rôles respectifs de la partie civile et du parquet – censée nous convaincre que le protocole ne facilitera pas le travail des avocats de Jacques Chirac. Mais c’est simplement faux. Tout le monde sait qu’ajoutée à la bienveillance du parquet, l’absence de partie civile offre des conditions idéales à Jacques Chirac et à ses avocats (il peut, lui, s’en payer plusieurs).
Jacques Chirac a consacré toute sa vie à la cause des exploiteurs. Il a porté de très nombreux coups aux pauvres et aux travailleurs de France et d’autres pays. Un procès en bonne et due forme, avec une municipalité de gauche comme partie civile, aurait été l’occasion de mettre en accusation non seulement Chirac, mais tout le « système RPR/UMP ». Les partis de droite sont et ont toujours été rongés par la corruption, les passe-droits et les magouilles diverses. C’était vrai à l’époque de Jacques Chirac et c’est toujours vrai aujourd’hui, comme le souligne le cas d’Eric Woerth. Le rôle du PCF, dans ce genre d’affaires, c’est d’en profiter pour ouvrir les yeux des travailleurs sur la nature et les pratiques nauséabondes des représentants de la classe capitaliste. Le PCF doit apparaître comme l’ennemi le plus implacable de toute forme de corruption – mais aussi de toute forme de complaisance judiciaire à l’égard des riches et des puissants qui ont été pris la main dans le sac.