Debut août, en moins d’une semaine, deux mosquées de l’agglomération lyonnaise ont été incendiées. Ces incendies se sont produits en pleine nuit et n’ont pas été revendiqués, mais l’enquête a révélé qu’ils sont d’origine criminelle. Ils s’ajoutent donc à la longue liste des actes islamophobes et racistes perpétrés par des groupuscules fascistes, particulièrement actifs à Lyon. En juillet, un restaurant lyonnais tenu par un homme de confession musulmane a été saccagé et couvert de tags racistes. Le même mois, des menaces étaient envoyées aux recteurs de plusieurs mosquées de la ville.
Passivité complice de l’Etat
En 2019, les chiffres fournis par le ministère de l’Intérieur montraient une hausse de 50 % des actes islamophobes, en France, par rapport à 2018. Ce chiffre est d’autant plus impressionnant qu’il est sans aucun doute inférieur à la réalité, car il ne prend en compte que les agressions ayant été suivies d’une déclaration officielle.
Comme nous l’avons souvent rapporté dans nos différents articles, les agressions perpétrées par l’extrême droite sont devenues régulières, notamment dans l’agglomération lyonnaise : agressions racistes ou homophobes, attaques de bars associatifs, saccages de locaux de partis de gauche…
A l’échelle nationale comme au niveau local, le silence des autorités de l’Etat est assourdissant. Après les incendies de mosquées lyonnaises, une manifestation a été organisée par le Conseil des mosquées du département. Mais le nouveau Conseil municipal, dirigé par les écologistes, n’a apporté aucune réponse sérieuse au problème. Les incendies ont été traités comme des faits divers parmi d’autres.
Comment ne pas combattre le fascisme
S’il n’a pas répondu aux inquiétudes des musulmans lyonnais face aux attaques dont ils sont victimes, le nouveau Conseil municipal a, par contre, répondu aux souhaits des militants racistes des Jeunesses Identitaires. Un de leurs locaux lyonnais avait été fermé après une longue mobilisation des associations antifascistes. Cependant, le motif officiel de cette fermeture était le « non-respect des normes de sécurité ». Or, une fois les travaux effectués dans le local fasciste, la mairie de Lyon a immédiatement autorisé sa réouverture – et celle d’une salle d’entraînement aux sports de combat.
Cet exemple montre bien que la politique adoptée par la plupart des organisations de gauche, pour lutter contre le fascisme, est non seulement inefficace, mais aussi contre-productive. De nombreuses associations et partis de gauche (PCF, FI, etc.) ont mené une longue campagne pour faire pression sur la municipalité et la justice, afin qu’elles ferment le local des Jeunesses Identitaires. La décision administrative de fermeture avait été saluée comme une victoire. Mais aujourd’hui, tout est à refaire. Et si la gauche ne change pas de méthode, le résultat sera le même. Ce travail de Sisyphe ne peut aboutir qu’à la démoralisation des militants qui s’y impliquent – ce qui, au final, affaiblit le mouvement antifasciste.
Nous l’avons souligné à de nombreuses reprises : il est absolument illusoire d’attendre de l’appareil d’Etat bourgeois qu’il lutte sérieusement contre les organisations fascistes. D’une part, les militants fascistes se recrutent principalement parmi les rejetons de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie. D’autre part, la classe dirigeante n’a aucun intérêt à éliminer les organisations fascistes, qui ne contestent pas son pouvoir – mais, au contraire, se proposent de le consolider en faisant couler le sang. Autant la bourgeoisie française, à ce stade, n’a ni le besoin, ni la possibilité de s’orienter vers un régime fasciste, autant elle considère les groupuscules fascistes comme d’utiles forces d’appoint contre la gauche et le mouvement ouvrier. On le voit bien en ce moment aux Etats-Unis.
La gauche et le mouvement syndical ne doivent pas entretenir d’illusions sur la véritable nature de l’Etat capitaliste. Il faut regarder les choses en face : pendant que la gauche réformiste s’épuise dans des procédures juridiques et des appels aux préfets, les fascistes, eux, continuent leurs attaques, car ils savent qu’ils n’ont pas grand-chose à craindre du côté de l’Etat.
Autodéfense
La lutte contre le fascisme est une tâche vitale pour le mouvement ouvrier. Même si les syndicats ne sont pas souvent directement visés par ces attaques, chaque coup porté par les fascistes touche l’ensemble du salariat. Par leur racisme et leurs attaques, ils divisent les travailleurs, alors que la grande force de ces derniers réside dans leur unité. C’est pour forger et défendre cette unité que le mouvement ouvrier doit prendre à bras le corps la question de la lutte antifasciste.
Loin d’attendre le salut de la bourgeoisie et de ses institutions, les travailleurs ne doivent compter que sur leurs propres forces. Ils ne doivent pas laisser passer la moindre provocation fasciste. Chaque attaque doit être suivie d’une mobilisation d’ampleur, par les syndicats et les partis de gauche. Puisque la police ne protège pas les manifestations ou les locaux de gauche, c’est au mouvement ouvrier lui-même d’assurer sa propre défense. Et puisque la bourgeoisie ne veut ni détruire les groupes fascistes, ni fermer leurs locaux, c’est au mouvement ouvrier de s’en occuper. Il en a les forces.