Ces vingt dernières années, les plans d’austérité successifs ont supprimé plus de 100 000 lits – et au moins autant d’emplois de soignants. Récemment, le ministère de la Santé a confirmé que 3400 lits ont été fermés en 2019 – et que, depuis, des services ont été fermés dans de nombreux hôpitaux, faute de personnels. Les soignants paient très cher le prix de l’austérité : salaires insuffisants, épuisement professionnel, affaiblissement continu de la capacité hospitalière publique... La population, elle, subit une détérioration de l’accès aux soins et de la qualité de la prise en charge.
Les « plans blancs »
Avant la pandémie, 460 lits de réanimation, en région PACA, couvraient un territoire de cinq millions d’habitants. Selon la CGT, il manquait 230 lits de réanimation pour avoir une marge de manœuvre suffisante. Au centre hospitalier de Laval, en Mayenne, plus un seul lit n’était disponible en novembre 2019. Le « plan blanc » avait été déclenché, un an avant sa généralisation dans les établissements de santé du pays. Hier comme aujourd’hui, le plan blanc consiste à libérer de la disponibilité en lits et en effectifs, c’est-à-dire à reporter certains soins.
Un médecin hospitalier marseillais explique qu’on atteint un « point de rupture, où l’activité liée au Covid empiète sur l’activité non-Covid ». L’AP-HP (hôpitaux de Paris) a reporté plus de 20 % des interventions chirurgicales prévues. Au Mans, le directeur général du Centre hospitalier a justifié la déprogrammation « des activités de chirurgie, mais aussi des activités de médecine programmées en gastro-entérologie et en pneumologie, afin d’augmenter la capacité du service de réanimation. » En d’autres termes, le plan blanc national se traduit par la multiplication des douleurs, des handicaps, des angoisses – et des morts prématurées.
La réponse du gouvernement
Olivier Véran n’en démord pas : « la politique de redressement des comptes publics reste une nécessité ». Suite aux 2,6 milliards d’euros d’économies réalisés sur le budget hospitalier en 2018 et 2019, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) prévoit une économie supplémentaire de 900 millions d’euros en 2021. Autrement dit, il faudra faire mieux – avec toujours moins.
Le gouvernement se dit capable de passer de 5000 à 12 000 lits en réanimation. Mais il affirme aussitôt que ce n’est pas souhaitable, car cela aggraverait le plan blanc national, soit « une déprogrammation massive de toute la chirurgie programmée, et un nouveau retard de soins ». Par ailleurs, Olivier Véran ose affirmer que « plus il y a de lits de réas, plus il y a de décès » ! C’est une nouvelle version du vieil adage : « plus il y a de médecins, plus il y a de malades ».
Enfin, pour désengorger les urgences (qui pallient souvent au manque de médecins), le gouvernement prévoit une mesure « dissuasive » : un forfait « patient-urgence » à 18 euros. Or 45 % de la population renonce déjà à certains soins, faute d’argent.
Exproprier les magnats du secteur !
En 2009, on comptait 48 milliardaires parmi les actionnaires des hôpitaux et établissements privés. Ils se partageaient une fortune de 120,7 milliards d’euros, soit une moyenne individuelle de 2,5 milliards d’euros. Dix ans plus tard, ils sont 167 milliardaires et possèdent un pactole total de 482,9 milliards d’euros. Cela fait en moyenne 400 millions d’euros supplémentaires pour chaque milliardaire [1]. La santé publique est devenue une source de profits extrêmement rentable – au détriment, bien sûr, des soignants et de la population.
Ces 167 magnats de la santé – propriétaires de la moitié du secteur hospitalier ! – doivent être expropriés. Il faut nationaliser tous les établissements privés, sans indemniser les gros actionnaires. Ce serait une bonne base pour préparer un véritable plan d’urgence sanitaire national, sous le contrôle démocratique des soignants, qui doivent être décisionnaires des politiques de leurs établissements. Les Collectifs hospitaliers et les syndicats CGT et SUD ont tracé la feuille de route : 300 euros de salaire supplémentaire, la formation et l’embauche de 100 000 soignants, de 200 000 dans les EHPAD, de 100 000 aides à domicile, et la création d’infrastructures et de lits d’hôpitaux en nombre suffisant.
Face à l’urgence sanitaire actuelle, tous les acteurs du système de soins devraient être mobilisés de façon plus efficace. Pour cela, il faut faciliter la participation des 200 000 soignants libéraux (infirmiers et médecins) à des centres publics de santé, ce qui permettrait d’assurer la continuité des soins dans les meilleures conditions.
Dans une société socialiste, le paiement à l’acte et sa logique de rentabilité feront place à la garantie, pour les soignants, d’une rémunération salariée décente. Seul un système de soins entièrement public, financé sans contrepartie et planifié démocratiquement par ses acteurs, permettra d’en finir avec les « plans blancs » et le fonctionnement hospitalier à flux tendu.
[1] D’après un article publié dans Marianne le 8 octobre dernier : En dix ans, la fortune des milliardaires français a augmenté de 439 %