A l’heure où nous bouclons ce numéro de Révolution, le pays est suspendu à l’hypothèse d’un troisième confinement. Le 29 janvier, Jean Castex a pris la parole pour expliquer que les chiffres de l’épidémie étaient mauvais, certes, mais que le gouvernement voulait vérifier leur évolution à court terme avant un éventuel confinement.
La pertinence de cette décision fait débat parmi les scientifiques. Beaucoup estiment que c’est un pari très risqué. Mais par ailleurs, quelles mesures sérieuses le gouvernement prend-il pour éviter un troisième confinement – à part attendre, croiser les doigts et surveiller les courbes ? Aucune. La fermeture partielle des frontières, annoncée par Castex, aura surtout pour effet de réjouir les dirigeants du Rassemblement National, ces derniers n’ayant toujours pas compris que le virus circule et mute à l’intérieur de nos frontières.
Le 29 janvier, Castex a également déclaré : « Dans toutes les entreprises où cela est possible, le recours effectif au télétravail devra être renforcé ». Il a annoncé « une concertation (…) avec les partenaires sociaux pour en définir les modalités ». D’aussi vagues formules signifient que rien ne changera : les patrons garderont la main sur le télétravail, comme l’exige le Medef. Les contaminations au travail – et dans les transports en commun – vont donc suivre leur cours. Même chose dans les établissements scolaires. En conséquence, dans les semaines qui viennent, le personnel des hôpitaux risque d’être confronté à une situation catastrophique.
Le coupable idéal
Au fond, la principale « mesure » annoncée par Jean Castex, c’est une intensification de la répression contre « le non-respect du couvre-feu, l’organisation des fêtes clandestines et l’ouverture illégale de restaurants », car « les dérives de quelques-uns ne sauraient ruiner les efforts de tous ». C’est toujours la même manœuvre : le gouvernement fait porter à « quelques-uns » le chapeau de sa propre incurie. Oubliez le fiasco de la politique gouvernementale sur les masques, le dépistage et la vaccination. Oubliez les contaminations au travail et dans les établissements scolaires. Oubliez les dizaines de milliers de lits supprimés dans les hôpitaux, ces vingt dernières années. Oubliez tout cela et bien d’autres choses, car le gouvernement a trouvé le vrai coupable, celui qui menace de « ruiner les efforts de tous » : c’est cette jeunesse qui participe à des fêtes clandestines et fréquente les restaurants clandestins !
Ce serait risible si ce n’était pas aussi grave – et si des millions de jeunes ne souffraient pas autant de la crise actuelle. La jeunesse étudiante, notamment, subit une triple peine : 1) ses revenus ont drastiquement baissé, soit parce que d’innombrables « petits boulots » se sont volatilisés, soit parce que le soutien financier des parents s’affaiblit sous le poids de la crise, soit pour les deux raisons en même temps ; 2) la fermeture des universités dégrade énormément les conditions d’étude ; 3) les confinements et couvre-feux successifs, combinés à la fermeture des facs, ont plongé la masse des étudiants dans une solitude de plus en plus insoutenable.
En réponse, le gouvernement jette quelques pièces aux étudiants boursiers et leur offre trois séances de psychothérapie. Dans le même temps, il verse des dizaines de milliards d’euros dans les coffres du grand patronat, sous prétexte de relancer l’économie. Le contraste est colossal – et il alimente le brasier de la colère étudiante.
Sur les plateaux de télévision, des journalistes et des politiciens tentent de faire passer la pilule en sermonnant les jeunes sur le thème : « votre souffrance n’est rien comparée à celle de la jeunesse qui pataugeait dans la boue et le sang de la Première Guerre mondiale ». C’est ajouter l’insulte au mépris. De manière générale, les grands médias s’enlisent dans une épaisse couche de bêtise réactionnaire. Cette tendance, dont Zemmour est la pointe avancée, reflète le gouffre qui ne cesse de s’élargir entre les riches et les pauvres, entre les sommets de la société et la masse de la population. Les « puissants » bavardent entre eux. Ils sont complètement déconnectés des conditions de vie réelles de la vaste majorité de la population.
Les profits de Big Pharma
Fin 2020, le gouvernement claironnait : la campagne de vaccination était imminente et allait permettre de rapidement tourner la page de l’épidémie. La seule ombre au tableau, nous disait-on, c’était le pourcentage trop élevé de personnes qui se méfiaient des vaccins. Dans les grands médias, les chevaliers de la lutte contre le complotisme s’en donnaient à cœur joie, brandissaient fièrement les bannières de la Science et de la Raison.
Deux mois plus tard, le nombre de personnes disposées à se faire vacciner a nettement augmenté. Les « anti-vax » ne sont plus du tout le problème. Le problème central, désormais, est beaucoup plus grave : c’est la pénurie de doses disponibles. La Science et la Raison se heurtent, une fois de plus, à un obstacle colossal : la course aux profits, qui est le moteur du système capitaliste. C’est la cause fondamentale de la criminelle pagaille qui règne dans la campagne vaccinale, en France et ailleurs.
La course au vaccin, ces douze derniers mois, annonçait déjà la couleur : au lieu d’une coopération mondiale des chercheurs et des laboratoires pour mutualiser les forces et parvenir le plus vite possible au meilleur résultat, ce fut le règne sauvage de la « libre concurrence » – soutenue, au passage, par des milliards d’euros de subventions publiques. Ce fut un gigantesque gâchis de travail, de compétences et de savoirs.
A présent que différents vaccins sont disponibles sur le marché mondial, on découvre que les capacités productives sont très loin de pouvoir fournir le nombre de doses requis pour réaliser une campagne vaccinale rapide, ce qui est pourtant indispensable pour éviter l’apparition de nouveaux variants – et, tout simplement, sauver un maximum de vies. Pourquoi les capacités productives sont-elles insuffisantes ? Parce que les grandes multinationales de l’industrie pharmaceutique n’ont pas voulu construire des usines et acheter des machines qui leur resteraient sur les bras au lendemain de la campagne vaccinale. C’est aussi simple que cela. Les patrons du secteur ont sorti leur calculette et se sont contentés des investissements nécessaires à la réalisation d’un profit maximal. Le grand Capital s’est comporté ici comme ailleurs. Qu’il vende des vaccins ou des artichauts n’y change rien, car son unique objectif – la rentabilité – est exactement le même dans les deux cas.
Dans ce contexte de pénurie délibérée, car parfaitement évitable, les grandes puissances se disputent les doses – et les laboratoires font monter les enchères. Naturellement, les pays les plus pauvres seront les derniers servis. C’est une aberration sanitaire, même du seul point de vue des grandes puissances capitalistes, car le virus ne respecte aucune frontière. Mais cela ne fait ni chaud ni froid au grand Capital. Chaque année, dans les pays les plus pauvres, des millions de personnes meurent de maladies que l’on sait parfaitement soigner. Elles en meurent parce que le fait de les soigner ne serait pas profitable. Ainsi va l’économie de marché.
Depuis le mois de mars dernier, le capitalisme n’a cessé de démontrer son incapacité à résoudre la crise sanitaire. Certes, cette épidémie finira sans doute par être maîtrisée, tôt ou tard. Mais d’autres crises sanitaires éclateront – sur fond de crises économique, sociale et écologique. Cette vérité commence à pénétrer la conscience des masses aux quatre coins du monde. Peu à peu, un nombre croissant de jeunes et de travailleurs comprennent que le capitalisme condamne l’humanité à une longue descente aux enfers. Les mots célèbres de Rosa Luxemburg – « socialisme ou barbarie ! » – n’ont jamais aussi bien exprimé la situation dans laquelle se trouvent la jeunesse et le mouvement ouvrier du monde entier. La lutte pour le socialisme, pour une planification rationnelle et démocratique de l’économie, n’est plus seulement d’une grande actualité ; elle est une urgente nécessité. Pour nous aider dans ce combat, rejoignez Révolution, rejoignez la Tendance Marxiste Internationale !
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