Depuis le 24 janvier, le Pass vaccinal est obligatoire – dès l’âge de 16 ans – pour accéder aux activités culturelles ou de loisirs, aux restaurants et bars, aux foires ou aux transports publics interrégionaux. Par ailleurs, de nombreux travailleurs risquent des suspensions de salaire s’ils ne peuvent pas justifier d’un schéma vaccinal complet, d’une primo-vaccination en cours ou d’une infection récente par le Covid.
L’été dernier, Macron déclarait que, bientôt, les mesures restrictives ne seraient plus qu’un mauvais souvenir... à une condition : que la population soit vaccinée ou immunisée à grande échelle. Nous y sommes aujourd’hui, puisque cela concerne plus de 80 % de la population métropolitaine. Et pourtant, nous sommes toujours soumis à une série de mesures restrictives de différents degrés.
Austérité
Dominant depuis le début de l’année 2022, le variant Omicron est très contagieux, mais moins sévère que ses prédécesseurs. Cela s’explique en partie par le fait qu’une fraction plus importante de la population est déjà immunisée par la vaccination ou la maladie, mais aussi par la moindre capacité de ce variant à infecter le système respiratoire inférieur (la trachée et les poumons).
La situation reste néanmoins extrêmement tendue, en premier lieu parce que l’hôpital public est toujours écrasé par des années de politiques d’austérité. 75 000 lits ont été fermés depuis la crise économique de 2008, soit près de 16 % des capacités totales. Ces fermetures ont continué sous le gouvernement Macron, avec près de 18 000 lits en moins – dont 5700 en 2020, en pleine pandémie. La casse prolongée du service public a aussi provoqué une nette dégradation des conditions de travail des soignants. Dans ce contexte, il devient plus difficile de recruter suffisamment de personnels pour satisfaire les besoins du secteur public hospitalier.
Pendant ce temps, les patrons et les actionnaires de Big Pharma accumulent, chaque année, des dizaines de milliards d’euros de chiffres d’affaires. Selon une étude de la People’s Vaccine Alliance, les profits de Pfizer et Moderna liés à la vente des vaccins s’élèvent à plus de 1000 euros par seconde ! Et cela n’est pas près de s’arrêter : ces entreprises privées vendent très cher l’immense majorité de leurs doses à des pays riches, aux dépens de l’accès à la vaccination des pays les plus pauvres.
Qui sont les « non-vaccinés » ?
Macron et les médias bourgeois dressent un portrait peu flatteur des « non-vaccinés » : il s’agirait d’obscurantistes et de complotistes endurcis. C’est vrai d’une partie – minoritaire – des non-vaccinés, qui occupent une place de choix dans les reportages télévisés. Mais l’autre partie des non-vaccinés appartient surtout aux couches les plus pauvres et les plus opprimées de la société : travailleurs précaires, sans-papiers, chômeurs, personnes âgées paupérisées et isolées, habitants des campagnes dont les hôpitaux ont été fermés, etc.
Souvent, leur statut vaccinal n’a souvent pas grand-chose à voir avec un quelconque « choix idéologique ». Ils ont des difficultés d’accès à la santé en général – y compris, donc, à la vaccination. La gestion calamiteuse de la campagne vaccinale par le gouvernement n’a fait qu’aggraver cette situation. Et ce sont ces catégories sociales que Macron veut « emmerder », comme il l’a déclaré lui-même.
C’est de ce point de vue de classe – et non du point de vue abstrait de la « liberté individuelle » – que la gauche et le mouvement ouvrier doivent s’opposer au Pass vaccinal. Nous devons expliquer, faits et chiffres à l’appui, que depuis le début de la crise sanitaire, la politique sanitaire du gouvernement a été subordonnée aux intérêts fondamentaux de la classe dirigeante. Nous devons refuser que les travailleurs paient les pots cassés d’une situation dont le gouvernement et le grand patronat sont entièrement responsables.
Alternative
L’alternative au Pass vaccinal est évidente : il faut embaucher massivement du personnel soignant et administratif, de façon à organiser une campagne de vaccination systématique au plus près des populations les plus pauvres et les plus isolées. Il ne s’agit pas d’obliger ces populations à se faire vacciner, et pas davantage de les « emmerder » ; il s’agit de faciliter leur vaccination en allant à leur rencontre, sur le terrain, ce qui n’est pas fait. Cela suppose de déployer d’importants moyens financiers et humains. Et c’est précisément ce que le gouvernement ne veut pas faire.
Macron et sa clique ne s’opposent pas seulement à la dépense immédiate des quelques milliards d’euros que coûteraient une telle campagne de vaccination des populations les plus pauvres et les plus isolées. L’opposition du gouvernement est plus profonde. C’est une opposition de principe, une opposition politique : il ne veut pas créer le précédent fâcheux – de son point de vue de classe – d’un Etat qui dépense et embauche massivement, fût-ce temporairement, pour s’occuper des couches les plus opprimées de la population. Cela irait à l’encontre de la politique que mène la bourgeoisie, depuis des décennies, et qu’elle veut intensifier dans la période à venir.