Le 23 janvier dernier, le Parlement a enfin adopté la proposition de loi visant à allonger les délais de l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG), après de longs mois de discussions. C’est un pas en avant, mais il reste très insuffisant par rapport à la masse des obstacles qui bloquent encore l’accès au droit à l’avortement. D’autant plus que le gouvernement Macron a ajouté encore d’autres obstacles.
Les marxistes luttent fermement contre les oppressions. C’est pourquoi nous soutenons l’élargissement du droit à l’avortement et nous approuvons toutes les avancées concrètes des droits des femmes. Mais nous prévenons aussi : ces droits ne sont pas garantis. Ils restent constamment menacés et seront les premiers remis en cause dans le contexte actuel d’une profonde crise du système capitaliste.
L’allongement des délais de l’IVG
Cette loi allonge le délai légal pour pratiquer une IVG de 12 à 14 semaines de grossesse. Cela doit permettre de faciliter l’accès au droit à l’avortement et de mieux prendre en compte des situations complexes, comme par exemple le déni de grossesse ou la détection tardive de syndromes graves chez le fœtus. L’adoption de cette loi constitue donc un progrès, en ce qu’elle permet de combler une partie du retard de la France dans ce domaine. Dans l’Union européenne, les délais pour pratiquer une IVG sont en moyenne de 13 semaines (14 semaines en Espagne, mais jusqu’à 22 aux Pays-Bas).
Les courts délais de l’IVG en France poussent chaque année entre 3 000 et 5 000 femmes à aller avorter à l’étranger. Cette expérience éprouvante coûte aussi assez cher (entre 300 € et 2 000 € pour avorter en Espagne, en plus des frais liés au voyage). Cette solution était donc inaccessible pour de nombreuses femmes. Elles étaient donc parfois contraintes de recourir à des méthodes improvisées et souvent dangereuses.
Ceci dit, l’allongement des délais de l’IVG ne règle pas tous les problèmes de l’accès à l’avortement ou à la contraception en général. La France a notamment de sérieuses lacunes en termes d’éducation sexuelle et de prévention, alors même que ce sont les jeunes femmes qui sont les plus concernées par l’IVG. Par ailleurs, les coupes et les attaques continuelles contre le système de santé publique dégradent les conditions d’accès et la qualité des soins. Nombre de centres de santé pratiquant l’IVG ont été fermés ces dernières années. De nombreuses femmes se retrouvent alors dans des déserts médicaux, loin des structures spécialisées qui pourraient les aider. Le Planning familial joue un rôle important dans ces cas-là, mais, en 2019, le gouvernement Macron a justement baissé les subventions publiques qui lui étaient versées. Depuis, elles sont restées au même (bas) niveau, ce qui a considérablement gêné le travail de l’association.
Par ailleurs, la proposition de loi a été adoptée sous une forme nettement moins progressiste que celle qu’elle avait à l’origine. En effet, les députés se sont opposés en deuxième lecture à la suppression de la « clause de conscience ». Celle-ci permet aux médecins de refuser de pratiquer une IVG (hors cas d’urgence). C’est évidemment un obstacle pour les femmes souhaitant avorter puisque ces refus peuvent provoquer des délais imprévus, forcer des femmes à faire des dizaines de kilomètres pour trouver un nouveau médecin, voire même leur faire dépasser les délais légaux alors qu’elles ont effectué les premières démarches parfaitement dans les temps.
La crise du capitalisme menace les droits des femmes
Ces difficultés sont loin d’être particulières à la France. Nous vivons dans une crise profonde du capitalisme. Celle-ci touche particulièrement les femmes, qui subissent le plus les temps partiels et les contrats précaires, et qui sont donc souvent les premières à être licenciées. En pleine impasse économique, la classe dirigeante cherche à détruire les conquêtes sociales des dernières décennies, mais aussi à attiser les divisions au sein de la classe ouvrière.
C’est ce contexte qui explique que le droit à l’avortement, et les droits des femmes en général, soient attaqués dans nombre de pays à travers le monde. Une députée anti-avortement maltaise a été élue à la tête du Parlement européen. Au Texas, les conditions d’accès à l’IVG ont été tellement restreintes que cela revient à une interdiction de facto. En Pologne, une loi similaire a récemment causé la mort d’une jeune femme, qui avait été contrainte de garder dans son ventre un fœtus mort in utero.
Ces exemples barbares ne sont qu’un aspect de la situation. En Pologne, cette même loi réactionnaire a provoqué un mouvement de masse, et même des mobilisations de solidarité de la part des syndicats. Dans de nombreux pays, l’oppression des femmes et les attaques contre le droit à l’avortement provoquent des réactions profondes, notamment dans la jeunesse. Ces mobilisations de masse montrent la voie à suivre. Pour garantir les droits des femmes à pouvoir disposer de leurs corps, il faut mobiliser massivement les travailleuses et les travailleurs, mais aussi la jeunesse, et s’attaquer au système qui entretient le sexisme et multiplie les politiques d’austérité, c’est-à-dire au capitalisme.