Le mercredi 30 mars, le gouvernement a pris la décision de dissoudre le « Groupe Antifasciste Lyon et Environs » (GALE). Au-delà de toutes les divergences politiques que nous pouvons avoir avec la GALE, cette décision devrait susciter l’opposition du mouvement ouvrier lyonnais. Le gouvernement dissout une organisation de gauche, aussi petite soit-elle, sous des prétextes complètement fallacieux et en avançant des justifications particulièrement floues.
Dans le décret du 30 mars qui annonce la dissolution, le gouvernement affirme que la GALE inscrit « sa stratégie dans la récurrence d’actions violentes, légitimées par un discours idéologique dirigé contre ce qui est présenté comme la violence et le racisme d’État ». Aucune preuve sérieuse n’est avancée pour détailler en quoi la GALE serait responsable d’« actions violentes récurrentes ». La seule véritable justification mise en avant par le ministère est donc d’ordre politique : la GALE est hostile à la « violence et au racisme d’Etat ». Darmanin veut aussi faire oublier le fiasco de la dissolution ratée de Nantes révoltée. Il a donc choisi une nouvelle cible, la GALE, qu’il tente de faire passer pour une menace pour l’ordre public.
En réalité, en dehors des dénonciations de la politique du gouvernement et de l’extrême droite sur les réseaux sociaux, la GALE est une petite organisation qui concentre l’essentiel de son activité sur la participation à des manifestations et des rassemblements antifascistes, et fait parfois le coup de poing pour défendre les locaux ou les militants anarchistes contre les fascistes lyonnais.
L’extrême-droite est en effet particulièrement active à Lyon et y attaque régulièrement des mosquées, des locaux et des militants de gauche ou même de simples passants. En juin, plusieurs dizaines de fascistes avaient ainsi descendu une rue commerçante en agressant violemment de nombreux riverains. En juillet, des sympathisants de la GALE ont aussi été agressés par des fascistes lors d’une manifestation contre le PASS vaccinal cet été. De façon complètement surréaliste, la police lyonnaise a ensuite initié de son propre chef des poursuites contre sept des antifascistes en question. Ceux-ci avaient été arrêtés en pleine nuit chez eux puis quatre d’entre eux avaient été maintenus de longs mois en détention préventive. Lors du procès, le vide de l’enquête avait été flagrant : les « victimes » fascistes n’avaient pas porté plainte et la police refusait de communiquer les enregistrements des caméras de surveillance, car ceux-ci risquaient de disculper les accusés. Les antifascistes accusés avaient pour la plupart été acquittés ou condamnés à des peines relativement minimes. Aucune poursuite n’a jamais été engagée contre les fascistes auteurs de l’agression.
Cette mansuétude de la justice envers les groupes d’extrême-droite lyonnais n’est pas un accident isolé. Non seulement aucune procédure de dissolution n’est engagée contre ces groupes qui organisent régulièrement des raids violents dans les quartiers populaires lyonnais, mais la mairie EELV de Lyon leur a même permis l’an dernier de rouvrir leurs locaux, notamment celui qui leur sert de salle d’entraînement aux arts martiaux.
L’hypocrisie de cette politique à deux vitesses est flagrante : les antifascistes sont poursuivis et leurs organisations dissoutes, mais les fascistes ont toute latitude pour s’organiser et agresser les jeunes immigrés ou les militants de gauche. Si le mouvement ouvrier laisse le gouvernement dissoudre arbitrairement des organisations de gauche sans réagir, le ministère de l’Intérieur ne pourra que s’enhardir et risque de s’attaquer ensuite à d’autres organisations.
Cet épisode est une nouvelle démonstration du fait que le mouvement ouvrier et la gauche ne doivent pas compter sur l’Etat bourgeois pour lutter contre les fascistes. La police, la justice et les fascistes servent chacun à leur manière les mêmes intérêts de classe : ceux de la bourgeoisie, qui utilise le racisme pour diviser les travailleurs et compte sur les fascistes pour intimider les militants de gauche. Pour autant, notre condamnation totale de cette dissolution ne signifie pas que nous approuvons les méthodes de la GALE, qui cantonne l’antifascisme à l’action isolée de petits groupes. Pour avoir une chance de mettre fin aux attaques des fascistes, c’est le mouvement ouvrier dans son ensemble qui doit prendre en main cette question et assurer lui-même sa propre défense.