Dans sa préparation des élections régionales de mars 2010, le PCF est confronté à des choix stratégiques et politiques dont la portée dépasse largement le cadre des élections elles-mêmes et de leur résultat. Le programme, les alliances avec le PS, les alliances avec le MoDem, la participation aux exécutifs locaux, la nature et les objectifs du « Front de gauche » : toutes ces questions sont d’une importance décisive, pour l’avenir du parti.
Depuis les élections régionales de 2004, les élus du PCF participent, aux côtés des élus du PS, à la direction de 18 régions sur 22. Quel bilan faut-il en tirer ? Lors de son rapport au Conseil National du 4 septembre dernier, Pierre Laurent a longuement abordé la question des régionales, mais il n’a pas dit un mot sur le bilan des six dernières années. De fait, le comportement de certains de nos élus régionaux ne pourrait pas susciter l’enthousiasme des militants communistes. En Ile-de-France, par exemple, le vice-président PCF en charge du « développement économique », Daniel Brunel, a donné son feu vert au versement de plus de 100 millions d’euros de crédits publics régionaux dans les caisses de grandes multinationales telles qu’Aventis, Thalès et Dassault – sous couvert de « recherche », « d’innovation » et de « lutte pour l’emploi ». Est-ce là le rôle d’un élu communiste ?
La crise du capitalisme et la politique réactionnaire du gouvernement signifient la régression sociale sur toute la ligne. Dans ce contexte, personne ne demande l’impossible aux élus locaux du parti, d’autant que le PCF est très souvent minoritaire, dans les collectivités locales de gauche. Mais ce que nous sommes en droit d’attendre de nos élus, c’est qu’ils soient les adversaires implacables non seulement de la droite et du patronat, mais aussi de cette lamentable politique de « gestion » que mènent tant d’élus socialistes, à coups de subventions aux capitalistes, de privatisations – rebaptisées « délégations de service public » – et ainsi de suite.
Les alliances avec le PS
La politique des élus locaux du PS est en phase avec la direction nationale du Parti Socialiste, qui poursuit sa longue dérive vers la droite. Les dirigeants du PS clament haut et fort leur adhésion à « l’économie de marché » – c’est-à-dire au capitalisme. En se tournant vers le MoDem, ils reconnaissent que rien de fondamental ne les distingue des idées et du programme réactionnaires de François Bayrou. Ceci est très clair aux yeux d’un nombre croissant de jeunes et de travailleurs, qui contemplent ce spectacle avec dégoût.
Dans ce contexte, la grande majorité des militants communistes souhaite que le PCF dirige des listes indépendantes du PS, au premier tour. C’est parfaitement correct. Le PCF doit se démarquer du PS, au premier tour, en présentant partout ses propres listes. Surtout, il doit défendre un programme qui s’attaque à la domination de l’économie par une poignée de capitalistes. Bien sûr, il faut au PCF un programme « régional », qui cadre avec les pouvoirs des Conseils Régionaux. Mais le parti doit aussi utiliser ces élections – comme toutes les élections – pour expliquer inlassablement les idées du socialisme aux travailleurs. Se distinguer du PS par des listes autonomes ne suffit pas : il faut aussi présenter une alternative politique et programmatique claire au réformisme insipide du PS.
La direction du parti, malheureusement, laisse ouverte la possibilité d’alliances avec le PS dès le premier tour, dans plusieurs régions. La raison principale, rarement évoquée, est cette barre des 5% de suffrages en dessous de laquelle une liste du PCF ne pourrait pas fusionner avec la liste du PS, au deuxième tour. Dans ces cas, le parti n’aurait aucun élu. Ce « risque » existe dans différentes régions. Mais nous pensons qu’il pèse beaucoup moins lourd que les conséquences négatives d’une stratégie de premier tour « à la carte », qui donnerait le sentiment que le PCF accorde plus d’importance à l’obtention de sièges qu’à ses principes.
Au deuxième tour, la direction du PCF prévoit de fusionner systématiquement avec le PS. Il faut « s’unir pour battre la droite », explique-t-elle. Nous sommes sensibles à cet argument, comme le sont de nombreux électeurs de gauche. Mais il a ses limites. Premièrement, le PCF ne devrait pas fermer les yeux sur le programme défendu par les candidats socialistes locaux. Lorsque ce programme comporte des mesures réactionnaires – ou lorsque les candidats socialistes ont mené des contre-réformes, lors du précédent mandat –, le PCF doit marquer son désaccord en refusant de « fusionner » avec le PS, au deuxième tour. Cela n’exclut pas la possibilité que le parti apporte un soutien critique à des candidats socialistes, dès lors qu’il explique clairement ses points de désaccord.
Deuxièmement, lorsque le PCF participe à une liste de deuxième tour avec le PS, il ne doit en aucun cas renoncer à présenter et défendre publiquement un programme communiste. Liste commune ne doit pas signifier fusion des programmes.
Pas d’alliance avec le MoDem !
Dans plusieurs régions, la direction du Parti Socialiste se prépare à conclure des alliances avec le MoDem. Nous avons déjà connu cette situation lors des municipales de mars 2008. A l’époque, le PCF avait accepté, dans plusieurs villes, de constituer des listes PS-PCF-MoDem, au deuxième tour. La Riposte avait exprimé son opposition catégorique à ces alliances avec un parti de droite (voir notre article à ce sujet). Lors du congrès du parti, fin 2008, nous avons présenté un amendement qui engageait le PCF à ne plus commettre cette erreur (voir ici). L’amendement s’est perdu, comme tant d’autres, dans le labyrinthe infernal des « commissions des amendements ». Mais aujourd’hui, la question refait surface. Et si la direction du parti ne prend pas une position de principe claire, elle risque de porter atteinte à la crédibilité du PCF auprès de sa propre base sociale.
Malheureusement, le parti n’a toujours pas pris de position tranchée, sur cette question. D’un côté, certes, L’Humanité critique très souvent la main tendue des dirigeants du PS vers le MoDem. Le MoDem y est à juste titre caractérisé comme un parti de droite, c’est-à-dire comme un adversaire implacable de notre classe. Mais d’un autre côté, les dirigeants du parti se refusent à tirer toutes les conclusions de cette position – c’est-à-dire à exclure, d’avance et publiquement, toute alliance de second tour avec le MoDem.
Là encore, l’argument commence à circuler, dans le parti, qu’il faut « battre l’UMP » – quitte à s’allier avec le MoDem. Mais on ne bat pas la droite en s’alliant avec elle. En fait, c’est même le moyen le plus sûr de préparer la victoire complète de la droite, à terme. Au deuxième tour, le PCF doit refuser de fusionner avec des listes PS-MoDem, et expliquer : « Nous étions prêts à faire une alliance avec le PS. Mais les dirigeants du PS, eux, ont décidé de faire alliance avec un parti réactionnaire et pro-capitaliste : le MoDem. La base idéologique et programmatique d’une telle alliance, c’est nécessairement une soumission aux intérêts capitalistes. Nous, communistes, refusons de participer à cette tromperie qui ne sert en rien les intérêts des travailleurs. » Par cette position ferme et claire, le PCF perdra peut-être quelques élus, mais il gagnera l’estime et la confiance de nombreux salariés.
La question des exécutifs
Lorsqu’il participe à un exécutif régional, le PCF assume aux yeux de tous la politique qui y est menée. Or, même dans l’hypothèse d’une percée électorale du PCF, en mars 2010, c’est encore le PS qui obtiendra le plus d’élus, au sein de la gauche. Dans ce contexte, le PCF ne devrait pas exclure a priori toute participation aux exécutifs. Mais il devrait défendre publiquement un programme clair sur la base duquel il accepterait d’y siéger. Ce programme devrait exclure toute subvention aux capitalistes et alléger la fiscalité locale qui pèse sur les foyers modestes. L’axe central de ce programme devrait être la défense et le développement des services publics. Si le PS rejette ce programme, les élus communistes doivent renoncer à intégrer les exécutifs. Le PCF n’aura aucun mal à expliquer ce choix à la population.
Le « Front de gauche »
Dans la plupart des régions, les dirigeants du parti proposent de constituer des listes du « Front de gauche », au premier tour. Nous ne répèterons pas en détail, ici, notre point de vue sur la stratégie du Front de gauche (voir ici). Parmi les camarades qui défendent la démarche du Front de gauche, beaucoup disent : « Le PCF est affaibli. Nous ne pouvons prétendre faire la différence, à nous seuls. » On comprend cette préoccupation, et La Riposte n’est pas opposée, par principe, à des alliances avec d’autres forces de gauche. Mais l’affaiblissement du PCF n’est pas irréversible. Le parti peut et doit se renforcer. Cependant, la condition de ce renforcement est le réarmement idéologique et programmatique du parti, qui doit renouer avec les idées fondamentales du communisme. Quant à Jean-Luc Mélenchon ou Christian Picquet, ils n’apportent au parti que leur propre confusion politique. Ces généraux sans armée ne servent qu’à une chose : aligner des logos sur des tracts et des affiches « unitaires ». Ce jeu d’étiquettes ne fait pas avancer le parti d’un pouce.
On nous dit que le Front de gauche doit « s’élargir » jusqu’à constituer un « rassemblement majoritaire », au niveau national. Concrètement, cela signifie une majorité avec le Parti Socialiste. Là encore, si le PCF ne doit pas exclure a priori de participer à un futur gouvernement avec le PS, il doit par contre fermement conditionner cette participation à la mise en œuvre d’un programme sérieux de lutte contre le capitalisme. Les « ateliers de la gauche », organisés par le parti, sont justement présentés comme une tentative de dégager un programme « de rassemblement majoritaire ». Quel en est le bilan ? Des responsables socialistes se sont présentés poliment à ces réunions, y ont exposé quelques-unes de leurs vieilles lubies réformistes, y ont trinqué à la santé du PCF – puis sont retournés suivre les négociations du PS avec le MoDem. Il faut le dire ouvertement, ne pas cacher cette réalité derrière des déclarations générales sur l’objectif d’un « rassemblement majoritaire ».
Les élections régionales seront à l’ordre du jour du prochain Conseil National du PCF, les 24 et 25 octobre. Ce CN est censé préciser les propositions et la ligne stratégique du parti. Les idées que nous venons de formuler correspondent à l’opinion de nombreux militants communistes. En définitive, la question du programme est primordiale, pour l’avenir du parti. Aucune stratégie d’alliances ne peut se substituer à un programme correct. Les militants communistes doivent réarmer le PCF avec des idées et un programme révolutionnaires. La crise du capitalisme confirme les idées et les perspectives fondamentales du marxisme. Le PCF doit renouer avec ces idées. C’est la clé de son redressement.