La stratégie du Front de Gauche est à l’ordre du jour du « Congrès d’étape » du PCF, qui se tiendra fin juin. L’un des deux documents présentés au Conseil National du 16 avril dernier propose de s’engager dans une « nouvelle phase » du Front de Gauche – qui, nous dit-on, doit marquer un « saut quantitatif et qualitatif ».

La Riposte n’est pas hostile à la conclusion d’alliances avec d’autres formations de gauche. Cela vaut pour les élections comme pour l’activité quotidienne du PCF, en dehors des campagnes électorales. Cependant, les alliances, accords ou « fronts » dans lesquels s’engage le parti devraient toujours être subordonnés à un objectif central : le renforcement du mouvement et des idées communistes au sein de la jeunesse et du salariat. Et pour cause : le programme et les idées du communisme sont la seule alternative sérieuse au capitalisme en crise et à ses conséquences sociales désastreuses. Tel est notre point de départ, sur la question du Front de Gauche.

Les causes du déclin du PCF

Malheureusement, la direction du parti ne pose pas le problème dans ces termes. Par exemple, le document présenté au CN du 16 avril justifie la stratégie du Front de Gauche de la façon suivante : « Pour riposter à la politique réactionnaire de la droite et relever ce défi de l’alternative à gauche, […] nous avons décidé d’engager une démarche politique nouvelle, en rupture avec des conceptions et des pratiques politiques qui ne nous avaient pas permis de résister à la vague néolibérale de la fin du XXe siècle. »

Avec quelles « conceptions et pratiques politiques » passées faut-il rompre, précisément ? Ce n’est pas dit. Mais comme ce texte défend la stratégie du Front de Gauche, on suppose qu’il veut dire : il faut rompre avec la stratégie d’alliances du PCF des années 90. En somme, on doit comprendre que si le PCF avait adopté la stratégie du Front de Gauche il y a vingt ans, il aurait pu « résister à la vague néolibérale » qui a suivi la chute des régimes staliniens. Mais c’est faux. Les raisons du déclin électoral et organisationnel du parti ne résidaient pas dans sa stratégie d’alliance, en premier lieu. Ce déclin était d’abord la conséquence d’une série de renoncements politiques qui ont culminé lors des privatisations pilotées par un ministre « communiste », sous le gouvernement Jospin. Non seulement les dirigeants du parti n’ont pas « résisté à la vague néolibérale » des années 90, mais ils en ont été eux-mêmes des acteurs, dans une certaine mesure. Ils avaient renoncé aux idées et au programme du marxisme.

Ce problème est-il réglé ? Toujours pas. Nous l’avons dit à de nombreuses reprises : la principale faiblesse de la direction du PCF réside, non dans sa stratégie d’alliance, mais dans ses idées et son programme, qui ne remettent plus en cause le contrôle des grands leviers de l’économie par une poignée de capitalistes. C’est à ce problème que les militants communistes doivent s’attaquer en priorité. Il faut réarmer le parti avec les idées du marxisme, dont la crise actuelle souligne la validité. Or, comme le montre la citation ci-dessus, la tentation existe de chercher des expédients organisationnels – un jour des « collectifs anti-libéraux », un autre des « fronts » – à un problème politique et idéologique. Voilà, selon nous, le risque principal que renferme la stratégie du Front de Gauche.

Renforcer le parti

Mais ce n’est pas le seul risque. Il y en a un autre – directement lié au premier – que beaucoup de militants communistes soulignent : celui d’un affaiblissement et d’un « effacement » du PCF. De nombreux camarades disent : « le Front de Gauche, d’accord, mais le PCF doit conserver son identité, sa visibilité, et doit se renforcer ». C’est une question décisive. Or, le document de Congrès que nous avons cité n’éclaire pas cette question. En particulier, il ne prend pas concrètement position sur ce que proposent Jean-Luc Mélenchon et la direction du Parti de Gauche (PG).

Mélenchon insiste pour que le Front de Gauche devienne une « force politique » à part entière – avec des comités locaux, une véritable direction nationale et des adhésions « directes » au Front de Gauche, « sans adhérer à l’un des partis qui le constituent ». Dans les faits, cela signifierait la formation d’un nouveau parti (réformiste) dont le PCF constituerait « l’une des composantes » – et dont Mélenchon serait bien sûr le principal dirigeant, fort de ce qu’il appelle lui-même son « caractère », en toute modestie.

Nous sommes fermement opposés à cette idée. Le PCF constitue l’écrasante majorité des forces militantes du Front de Gauche. S’il s’arme d’un programme et d’idées justes, le parti peut renouer avec de larges couches de la jeunesse et de la classe ouvrière. Mais pour cela, le PCF doit exister pleinement – avec ses tracts, ses affiches, son journal, ses campagnes, ses réunions publiques, sa vie et sa démocratie internes, etc. Ce que propose Mélenchon ne règlerait rien, sur le plan politique. Par contre, cela désorganiserait l’activité des communistes, disperserait leurs forces et réduirait la visibilité du parti. Lorsque des militants du PG insistent pour que tel tract comporte uniquement le sigle du Front de Gauche, sans mentionner le PCF, cela peut sembler un détail. Mais en fait, cela donne une bonne idée de la position qu’occuperait le PCF au sein de cette « nouvelle force politique » que le PG appelle de ses vœux. Cela se traduirait par un effacement du PCF derrière le Front de Gauche.

Sensibles aux propositions de Mélenchon, des dirigeants du PCF posent la question des « adhésions » au Front de Gauche en ces termes : « Des sympathisants du Front de Gauche ne veulent adhérer à aucun de ses partis constituants. Il faut trouver une moyen de les intégrer ». Comment ? « Grâce à une autre organisation à laquelle ils pourraient adhérer ». Mais qui, au juste, va créer cette autre organisation ? Les sympathisants « sans-parti » eux-mêmes ? Non : « les militants du PCF et du PG » ! Résumons : on nous propose de mobiliser des forces militantes du PCF – et une partie de son appareil, de ses moyens, etc. – pour « créer une organisation » destinée à accueillir tous ceux qui… ne veulent pas adhérer au PCF ! Ce n’est pas seulement dangereux : c’est ridicule.

Pour des raisons semblables, La Riposte est favorable à une candidature communiste aux présidentielles de 2012, que ce soit, ou non, dans le cadre du Front de Gauche. Nous ne sommes pas frappés par la « force d’évidence » que Mélenchon voit dans sa propre candidature. Nous y reviendrons en détail dans un autre article. Quant au Congrès d’étape du PCF, en juin, il faut qu’il clarifie la position du parti, sur ces questions. Surtout, il faut armer le parti d’un programme et d’une perspective à la hauteur de la crise du capitalisme. A plusieurs reprises, ces derniers mois, Marie-George Buffet a déclaré que le PCF devait militer pour un « socialisme d’émancipation ». Cette formule va dans la bonne direction : celle d’un programme de rupture avec le capitalisme, pour une société socialiste.

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