Etre animateur socioculturel n’est pas qu’un métier : c’est une passion, un goût pour le partage avec autrui. Et ça, les employeurs le savent bien et en jouent, voire même en profitent… Ils savent que nous tenons aux personnes à qui nous rendons des services, que nous nous sentons liés à eux. L’idée même d’être en arrêt de travail nous met mal à l’aise et nous fait culpabiliser de ne pas être présents pour eux. Il faut dire que parfois, souvent même, participer à l’une de nos activités est la seule sortie de la semaine pour certaines personnes. Chez les aînés, c’est presque toujours la seule occasion de retrouver des amis, d’anciens collègues, des voisins et de rompre l’isolement de la vie solitaire des veuf(ve)s qui ne reçoivent pas régulièrement la visite de leurs enfants.
Il faut savoir que les postes à plein temps, en CDI, ne sont pas monnaie courante dans la filière de l’animation. A moins de décrocher une place dans le service jeunesse d’une commune ou d’une communauté de communes, on se retrouve dans des structures associatives qui ont plus ou moins de moyens financiers pour assurer le poste et les prestations de services. C’est d’ailleurs plus souvent « moins » que « plus », car ces structures dépendent énormément des subventions.
Il y a quelques années, le gouvernement Sarkozy, dans son infinie bonté, a créé un dispositif d’aide à l’embauche pour les associations, dont il a délégué la gestion aux Conseils Généraux, avec une enveloppe pour le financement du projet. Le but était simple et louable : aider les associations à se développer en créant des emplois en CDI à temps plein dans les structures. Ce dispositif, appelé « emploi solidaire », permettait aux associations de bénéficier d’un financement pour la création de postes pouvant aller jusqu’à 75 % du salaire (SMIC chargé), sur 3 ans renouvelables 3 années supplémentaires. La contrainte pour les associations était d’embaucher obligatoirement en CDI à 35 heures par semaine les bénéficiaires de ces postes créés.
Les associations ont donc usé et abusé de ces contrats, créant à tout va des postes, embauchant des animateurs à la pelle. Elles ont développé leurs activités à des prix attractifs. « Après tout, nous sommes là pour rendre service, pas pour nous enrichir sur le dos des gens. Et puis, il y a 3 ans, voire 6 même, pour trouver un moyen de pérenniser les emplois… » C’est là que le bât blesse. Les années passent très vite et la préoccupation principale des animateurs devient de trouver des subventions pour garder leur emploi, car les recettes des activités ne sont pas suffisantes pour ça.
Au bout des 3 ans, une jolie surprise attend les associations pour les renouvellements : l’Etat a coupé le robinet des subventions pour le dispositif et les Conseils Généraux se voient contraints de sélectionner les associations qu’ils vont soutenir et aider (et laisser mourir les autres). En plus de cela, le taux d’aide est largement diminué et des associations qui ont été subventionnées à hauteur de 60, 70 ou 75 % se retrouvent à 40 % ou moins et pour une année seulement au lieu des 3 initialement prévues.
Les dirigeants des associations, pris au dépourvu, se retrouvent constraints de recourir à des licenciements économiques, n’ayant plus les moyens de garder tous leurs effectifs, malgré le réel besoin pour la structure et les activités. Quand nous ne sommes pas licenciés, on nous fait « gentiment » savoir que la porte est ouverte si nous souhaitons partir de nous même… On nous annonce que notre temps de travail va être réduit à un temps partiel et que si nous le refusons, on sera « obligé » d’envisager le licenciement économique… On nous met la pression pour que nos actions deviennent « rentables », que plus d’argent renfloue les caisses, mais sans augmenter d’un centime les cotisations, ni les coûts des activités pour les adhérents. Il faut donc faire plus d’activités – et donc plus d’heures qui, elles, ne sont pas payées. Il ne faut surtout pas qu’il nous vienne à l’esprit de donner notre avis ou de refuser ces heures de « bénévolat d’employé », sinon les comportements virent au harcèlement moral, discret, sans témoin, sans preuves, pour que nous fassions ce qu’on nous demande – ou que nous partions.
Le gouvernement a ainsi créé des CDI aussi éphémères que les papillons, laissant dans la précarité des animateurs qui, ayant goûté à l’attrait d’un emploi durable (en théorie), avaient entamé des projets de vie (enfant, achat de voiture, de maison) et se retrouvent au point de départ avec des dettes et des contraintes familiales en plus. L’Etat leur a fait miroiter un avenir merveilleusement stable qui s’avère au final totalement désastreux pour eux.