Des millions de foyers se replient sur eux-mêmes à cause du confinement. Vivre cette période entouré de ses proches, permet sans doute à des millions de personnes de mieux traverser cette épreuve. Mais dans le même temps, le confinement exacerbe tous les maux pesant sur la famille ou le couple et engendre des situations dramatiques.
Dans un récent rapport, l’ONU s’alarme d’une flambée des violences familiales à travers le monde. Aux Etats-Unis, en Malaisie, au Liban, en Chine, les appels liés aux violences familiales ont doublé voire triplé. En France, le Ministère de l’Intérieur parle d’une augmentation de 32 % des violences conjugales rien que sur la première semaine de confinement. Malheureusement, ces chiffres sous-estiment la réalité. Il est difficile de connaître le nombre réel de cas de violence envers les femmes et les enfants.
On ne peut pas faire confiance aux différents Etats pour lutter efficacement contre ces violences. Au contraire, la crise sanitaire que traverse le monde s’accompagne de nouvelles attaques envers les droits des femmes. Aux Etats-Unis par exemple, plusieurs Etats ont déjà décidé de suspendre l’accès à l’avortement, au motif qu’il mobiliserait du personnel soignant aux dépens de la lutte contre le COVID-19. En France, les mesures prises par le gouvernement sont insuffisantes : les belles paroles de la secrétaire d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes ont le mérite de ne pas coûter un centime.
La famille sous le capitalisme
L’argument du confinement et des souffrances qu’il entraîne est souvent mis en avant pour expliquer la montée des violences familiales. C’est vrai dans une certaine mesure. Mais les racines du problème sont en réalité plus profondes.
Contrairement à l’image idyllique promue au cinéma, la famille actuelle n’est pas un havre de paix protégée de la violence de la société. Le chômage, la précarité, la peur du lendemain, les préoccupations économiques, les logements insalubres ou inadaptés et la division des tâches domestiques affectent les relations au sein de la famille « traditionnelle » et l’épanouissement de ses membres.
La situation économique de nombreuses femmes les maintient dans une situation de dépendance à l’égard de leur conjoint. Les logements trop petits privent d’intimité les membres du foyer et favorisent les tensions. L’absence – ou l’insuffisance – de prise en charge par la société du soin aux enfants et aux personnes âgées, ainsi que des tâches domestiques reportent ces travaux sur les épaules des femmes.
Ces problèmes existaient avant le confinement. Le foyer familial était déjà le théâtre privilégié de toutes sortes de violences envers les femmes et les enfants. Avec le confinement, même les rares tâches assurées par la société ne le sont plus, et ce sont les femmes qui en font les frais. Les inégalités entre les sexes sont renforcées, ainsi que les violences qui en découlent. Des millions de femmes à travers le monde se retrouvent isolées dans leur foyer, ce qui rend encore plus difficile la possibilité de trouver de l’aide pour sortir d’une relation abusive.
Contre les violences domestiques, il faut encore et toujours des moyens !
Le gouvernement a récemment annoncé vouloir multiplier les moyens permettant aux victimes de se signaler. Il est désormais possible de pouvoir contacter la police par SMS au 114. Des points d’écoute, tenus par des associations, se mettent en place dans les supermarchés et les pharmacies. Ces initiatives vont dans le bon sens, mais les moyens financiers, que réclamaient déjà les associations avant le confinement, ne sont toujours pas là.
De nombreuses victimes n’osent pas se manifester, car elles savent qu’elles ne seront pas accompagnées dans cette épreuve. Il est nécessaire de prendre des mesures d’urgence. Des lieux d’accueil doivent être mis en place sur l’ensemble du territoire pour accueillir les femmes victimes de violence. Quand la situation l’exige, il faut pouvoir réquisitionner des chambres d’hôtel pour une durée illimitée. En fonction des situations, il faut privilégier l’éloignement de l’homme du domicile : ce n’est pas aux victimes de devoir fuir ce dernier. Une allocation d’un montant suffisant doit être attribuée aux femmes sans ressources victimes de violence. Les lieux d’écoute doivent être multipliés, animés par des femmes formées sur ces questions et rémunérées. De nombreuses associations assurent déjà ce travail : il faut leur donner les moyens financiers de le poursuivre et de se développer. Mais il faut aller encore plus loin.
Avant l’épidémie, des millions de femmes à travers le monde se sont mobilisées contre les violences sexistes, notamment lors de la journée du 8 mars. Ces mobilisations portaient un profond potentiel révolutionnaire. Aujourd’hui, ce sont bien souvent des travailleuses qui sont en première ligne dans la lutte contre le virus. Toutes ces femmes ne se satisferont pas d’un retour à une « situation normale » avec ses bas salaires, ses violences de toutes sortes, le mépris pour les professions fortement féminisées, etc.
Pour en finir avec ce monde, il faut poser les bases d’une société dans laquelle les femmes et les hommes seront libres de réaliser tout leur potentiel sans contrainte matérielle.