Se loger est un besoin élémentaire qui est de plus en plus difficile à satisfaire. La situation à Lyon en est une bonne illustration : la ville est la deuxième plus chère de France pour les achats immobiliers, et les baux locatifs y ont augmenté de 18 %, en moyenne, entre 2018 et 2020. En 2020, les foyers lyonnais les plus modestes consacraient en moyenne 50 % de leurs revenus à leur logement. Dans certains cas, ce chiffre pouvait atteindre jusqu’à 72 %.
Zone tendue
Les causes de cette situation sont multiples. Tout d’abord, la ville et les communes avoisinantes sont en zone dite « tendue ». Concrètement, pour chaque offre de location, il y a plus de six demandes. Pour les logements sociaux, c’est encore pire : en 2020, à peine une demande sur dix était satisfaite.
Croix-Rousse, la Confluence, Gerland et depuis quelques années la Guillotière : les anciens quartiers ouvriers et industriels, jusque-là bon marché et proches du centre-ville, ont été « gentrifiés ». Des opérations immobilières, la construction de logements dits de « standing » et des politiques de « réhabilitation » ont fait augmenter les loyers et ont poussé les pauvres de plus en plus loin du centre, vers les banlieues, mais aussi vers les villes et les départements voisins. En conséquence, aujourd’hui, un tiers des salariés de Lyon ne vit pas dans la ville.
Pourtant, malgré cette très forte demande, de nombreux logements restent vides. En 2020, la mairie de Lyon estimait à 30 000 le nombre de logements inoccupés (soit 10 % du parc immobilier de la ville), dont 9000 sont vacants depuis au moins un an. Le problème est simple : le marché de l’immobilier n’est pas là pour répondre aux besoins, mais pour générer du profit. Donc, si un appartement n’est pas loué, le propriétaire ne baissera pas le loyer, mais préférera le laisser vide en espérant le louer plus tard. Par ailleurs, certains promoteurs ou propriétaires achètent des logements non pour les louer, mais pour spéculer sur les prix. En réduisant l’offre disponible, ces logements laissés vacants nourrissent la hausse des loyers.
Les « efforts » de la mairie
Pour tenter d’endiguer ce problème, les majorités municipales qui se sont succédé (PS, puis LREM, et désormais EELV) ont eu principalement recours à deux « solutions » : la construction de logements sociaux et, depuis peu, l’encadrement des loyers sur la base d’une loi datant de 2014, la loi ALUR.
Sur les logements sociaux, la Mairie se félicite d’avoir tenu les objectifs qu’elle s’était fixés entre 2016 et 2019, soit 4800 logements construits en trois ans. Cependant, ces chiffres sont très insuffisants, car 90 % des demandes de logements sociaux demeurent toujours insatisfaites. Ces chiffres sont aussi trompeurs, car ils comprennent des logements étudiants, qui sont distincts du parc de logement social « normal » – et qui, d’ailleurs, souffrent des mêmes problèmes.
En ce qui concerne l’encadrement des loyers, il a été officiellement mis en place à Lyon depuis novembre 2021. Théoriquement, les loyers des baux signés depuis novembre dernier ne doivent pas dépasser de plus de 20 % le loyer « de référence », fixé par le Préfet à 11,80 euros le mètre carré. Auparavant, la moyenne des annonces était de 14,90 euros le mètre carré. Cette mesure est donc censée limiter la hausse des loyers, voire même les faire baisser. Mais en réalité, à Lyon comme dans les autres villes où elle a été appliquée, elle est inefficace. Une bonne partie des annonces – près de 50 % en décembre 2021 – dépassent le plafond fixé par le Préfet. C’est qu’une entourloupe permet de contourner l’encadrement : si le logement a des caractéristiques « déterminantes pour la fixation du loyer », un « complément de loyer » peut être appliqué. Et comme ces caractéristiques ne sont pas clairement définies, les loyers réels échappent à tout encadrement.
Comme si cela ne suffisait pas, la loi en question précise que le loyer « de référence » sera révisé annuellement pour « tenir compte de l’évolution des marchés » (et non des salaires). Donc, au mieux, l’augmentation des loyers ne peut qu’être ralentie par cette mesure ; au pire, celle-ci n’aura aucun effet.
Sur cette question, le programme officiel de la France insoumise propose un certain nombre de mesures qui vont dans le bon sens, comme une réduction drastique des loyers, la réquisition des logements vides et un grand plan de rénovation et de construction de logements sociaux. Cependant, ces mesures ont une limite claire : elles laissent la majorité du parc immobilier entre les mains de grands propriétaires privés, des promoteurs et des spéculateurs. Au lieu d’« encadrer » le marché de l’immobilier, il faudrait nationaliser les grandes entreprises de l’immobilier, mais aussi les banques et les propriétés des spéculateurs. Tant que l’essentiel de ce secteur restera entre les mains des capitalistes, la crise du logement ne pourra pas être réglée.