Pour la première fois en France, l’exploitation de lignes de TER est attribuée à un opérateur privé. Fin octobre 2021, le Conseil régional de la région PACA a voté l’attribution du « lot » Marseille-Toulon-Nice à l’entreprise Transdev. Dans le même temps, elle a attribué le « lot » de l’étoile niçoise à SUD Azur, une filiale de la SNCF.
Le contrat entre la région PACA et Transdev sera effectif à partir de juillet 2025, pour 10 ans. Il stipule que la région versera 870 millions d’euros à l’opérateur privé, en échange d’un doublement des allers-retours quotidiens sur la ligne, qui passeraient de 7 à 14 – mais sans pour autant augmenter les effectifs.
Cette privatisation aggravera l’exploitation des cheminots. Elle engendrera une plus grande compétition entre les opérateurs privés et la SNCF, laquelle devra s’aligner sur la concurrence lors des prochains appels d’offres. Evidemment, ce sera au détriment des salariés de la SNCF, mais aussi des usagers.
Quel sort pour les cheminots ?
Les salariés de la SNCF vont être transférés chez le concurrent. Pour Transdev, l’appel au volontariat – auprès des cheminots de la SNCF – sera lancé le 2 janvier 2023, pour une clôture le 2 avril. Durant cette courte période, l’ensemble des cheminots du TER devront se positionner.
Le 2 mai 2023, la liste des cheminots transférés – qu’ils soient volontaires ou non – sera officialisée. Les agents non volontaires auront jusqu’au 4 juillet pour accepter ou refuser le transfert. S’ils ne souhaitent pas partir de la SNCF, ils devront changer de poste. Mais s’ils refusent l’offre de reclassement proposée par la SNCF, ils pourront être licenciés.
Le 21 juillet 2023, Transdev et SUD Azur recevront la liste des agents transférés. Le 15 décembre 2024 pour SUD Azur et le 29 juin 2025 pour Transdev, le transfert sera effectif pour le démarrage de l’exploitation.
Pendant qu’on privatise la SNCF, sa direction annonce un bénéfice net de 821 millions d’euros en 2021. En revanche, les salaires des cheminots sont gelés depuis 8 ans, et les suppressions de postes se comptent, chaque année, par paquets de 2000 !
Des cadeaux pour le privé
La privatisation s’accompagne de toutes sortes de cadeaux aux patrons du privé. Par exemple, Transdev utilisera 16 trains neufs comptant deux niveaux et 418 places assises. Ces trains sont financés par le Conseil régional, à hauteur de 200 millions d’euros. La SNCF a aussi rénové un technicentre, sur Nice, pour le livrer clés en main à la concurrence.
Pour que la région puisse financer la nouvelle ligne Azur, le ministre des Transports a annoncé que les investissements de la région seront financés par l’impôt – c’est-à-dire en piochant dans le portefeuille des plus modestes.
Enfin, alors qu’on nous répétait que la concurrence ferait baisser les tarifs des transports, on nous annonce une augmentation de 2,2 % des prix des billets de TER.
La concurrence
L’ouverture à la concurrence est une aberration. La circulation des trains et leurs correspondances sont très complexes. L’entretien du réseau et sa modernisation nécessitent de gros investissements. Soit dit en passant, SNCF Réseau sous-traite une grande partie de son activité au privé. La privatisation avance sur plusieurs fronts.
Suite aux réformes de 1997, 2014 et 2018, le système ferroviaire est devenu une usine à gaz. Son fonctionnement est entièrement subordonné à l’objectif de le privatiser et de maximiser sa profitabilité.
Depuis janvier 2020, la SNCF est éclatée en cinq Sociétés Anonymes : SNCF (maison mère), SNCF Réseau (travaux et gestion du réseau), SNCF Voyageurs (pour le transport des usagers), SNCF Fret (pour le transport de marchandises), SNCF Gares et Connexions. Mais en réalité, toutes ces entités sont interdépendantes, connectées, et devraient donc être centralisées dans une seule entreprise publique. C’est d’ailleurs une revendication centrale des syndicats.
Cependant, aujourd’hui, les directions syndicales des cheminots se retrouvent à négocier les conditions de transfert dans les entreprises privées, tout en négociant l’accord de branche du ferroviaire. Faute de perspectives, elles n’organisent plus vraiment la lutte pour l’embauche « au statut » et une entreprise unifiée.
Renationaliser le rail !
Contrairement aux arguments avancés par les défenseurs du privé, la privatisation du rail entraînera la déliquescence du réseau et l’augmentation des prix. L’objectif des entreprises privées – et du capitalisme en général – n’est pas de servir l’intérêt public, mais de faire des profits. Si, demain, une ligne n’est pas rentable, elle sera fermée immédiatement par les exploitants privés, à moins que ceux-ci ne décident d’augmenter les tarifs ou de faire des économies sur les salaires ou la sécurité, quitte à risquer la vie des usagers. Cela sera d’autant plus vrai si des entreprises privées se font concurrence.
Plutôt que d’éparpiller les ressources en les bradant au privé, il faut mettre en place un véritable monopole public des chemins de fer, pour les utiliser de la façon la plus rationnelle et efficace possible. Cela suppose que le transport ferroviaire, fret compris, soit entièrement renationalisé, et placé sous le contrôle démocratique de ses salariés et usagers.