En mars dernier, une dizaine de travailleurs sans-papiers sont sortis de l’ombre, dans un restaurant prestigieux du 16ème arrondissement de Paris. Comme tant d’autres, ils étaient à la fois victimes d’un gouvernement qui traque les sans-papiers et d’employeurs cyniques trop contents d’exploiter une main d’œuvre « docile ».
Une action de la CGT, qui a organisé l’occupation du restaurant, a permis de révéler jusqu’où les patrons sont prêts à aller, dans leur soif de profits. En effet, sur une dizaine de travailleurs sans-papiers, plusieurs étaient déclarés comme… « auto-entrepreneurs » ! C’est évidemment le patron qui leur avait imposé ce contrat – « ou bien c’était la porte », comme l’a rapporté l’un des sans-papiers, devant les caméras de télévision. Ainsi, des petits « auto-entrepreneurs » sans droits et sous-payés préparaient la nourriture de très très gros « auto-entrepreneurs »…
Ce scandale lève le voile sur la logique qui est à l’œuvre derrière la création de ce statut « d’auto-entrepreneur ». L’objectif est de nous ramener à l’époque des journaliers et autres « tâcherons » !
Dès le lancement de ce nouveau statut, le gouvernement l’a encensé comme l’outil qui allait permettre de « libérer les énergies », « faciliter l’investissement », etc. A écouter certains, c’était même LA solution au chômage de masse. Que chacun fonde sa propre entreprise – et le tour sera joué ! Comme le disait déjà la première vache folle, Margaret Thatcher, « Small is beautiful » – « ce qui est petit est magnifique ! » Si tout le monde devient « auto-entrepreneur », il n’y aura plus de chômeurs !
En réalité, il s’agit d’une attaque en règle contre le Contrat à Durée Indéterminée (CDI) et autres contrats protégés par le Code du Travail. Car bien souvent, le statut « d’auto-entrepreneur » permet de masquer la subordination du salarié à l’employeur. Formellement, il s’agit d’un contrat de Société à Société. Mais l’une des deux sociétés se trouve être beaucoup plus grosse que l’autre ! Et « l’auto-entrepreneur », très souvent, se voit attribuer des tâches qui, en fait, sont celles de salariés.
Le cas des sans-papiers de ce restaurant parisien confirme qu’un nombre croissant d’« auto-entrepreneurs » vendent un travail qui était jusqu’alors réalisé par un salarié (du secrétariat, par exemple). Le but est de rendre le salarié encore plus malléable et dépendant des donneurs d’ordre.
Ces soit-disant « auto-entrepreneurs » ne sont ni des artisans, ni des commerçants : ils n’ont pour vivre que leur force de travail – et rien de plus. Après avoir créé la filialisation pour diviser les travailleurs, les capitalistes re-créent ce que les salariés avaient réussi à tuer : le « statut » de travailleur-entrepreneur – en d’autres termes, de journalier, de tâcheron.
Rien n’empêchera les sociétés donneuses d’ordre de pressurer ces fameux « auto-entrepreneurs » en les soumettant à une concurrence acharnée, en les payant à la tâche, en les jetant d’un trait de plume. Bref, c’est une version moderne de ce que nos aïeux ont connu et combattu. Mais heureusement, l’histoire ne se répète pas à l’identique, et les travailleurs ont des organisations puissantes qui peuvent et doivent déjouer ces pièges – car le statut d’« auto entrepreneur » est un vrai piège !