« La guerre est une chose terrible – oui, terriblement profitable », disait Lénine pendant la grande boucherie mondiale de 1914-18. De ce point de vue, la pandémie de Covid ressemble à une guerre, non seulement à cause du nombre de victimes, mais aussi au regard des profits grotesques qu’elle a générés pour les capitalistes. Chaque seconde, les fabricants de vaccin les plus importants (Pfizer, BioNTech, Moderna) réalisent, ensemble, plus de 1000 dollars de profits.
Argent public, profits privés
Pfizer est un exemple frappant de la façon dont Big Pharma peut exploiter une énorme crise sanitaire pour se remplir les poches. Cette entreprise américaine a réalisé 900 millions de dollars de profits au cours du seul premier trimestre de 2021. Bien sûr, la source de ces profits est à chercher dans les 2,3 milliards de doses de vaccins à ARN messager (ARNm) que les gouvernements du monde entier lui ont commandées.
Pourtant, Pfizer n’a contribué ni à la recherche scientifique autour de ce vaccin, ni à son développement. La technologie ARNm a été inventée dans les laboratoires de BioNTech. Et loin d’être le fruit miraculeux du « libre marché », cette innovation a été financée par d’énormes subventions publiques. Par exemple, l’Etat allemand y a investi 375 millions d’euros.
Mais puisque Pfizer possédait la capacité de produire ce vaccin en masse et détenait les brevets des procédés industriels utilisés, l’entreprise a pu vendre le vaccin comme son propre produit. La propriété privée des moyens de production a donc permis à Pfizer d’avoir la main sur une avancée scientifique financée, à l’origine, par de l’argent public.
Avidité maximale
D’emblée, la direction de Pfizer a publiquement assumé son objectif de faire un maximum de profits, plutôt que de combattre efficacement la pandémie. Elle a fixé des prix scandaleux : pour des frais de production s’élevant à 1,18 dollar par dose de vaccin, Pfizer a vendu au gouvernement américain la dose au prix de 19,50 dollars !
A mesure que progressait la pandémie, Pfizer a augmenté ses prix. Lorsque l’Union Européenne a décidé de multiplier par cinq son stock de vaccins Pfizer, l’entreprise a répondu en augmentant ses prix d’un peu plus de 25 %, passant de 15,50 euros par dose (ce qui avait été convenu au départ) à 19,5 euros par dose.
Les gouvernements des pays les plus pauvres n’ont pas les moyens d’acheter les vaccins de Pfizer à un prix aussi révoltant. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 66 % des habitants des pays du G7 – Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni – ont reçu au moins deux doses, contre à peine 6 % de la population globale du continent africain. Par ailleurs, Pfizer a donné moins de 2 % de ses doses de vaccin à COVAX, le programme de l’ONU censé fournir des doses aux pays pauvres.
Même du seul point de vue de l’évolution de la pandémie mondiale, c’est irresponsable. En laissant le virus circuler librement, on lui permet, à terme, d’échapper à l’immunité développée soit par la vaccination, soit par une contamination antérieure. Mais précisément, Pfizer et les autres groupes du secteur ont intérêt à ce que la pandémie dure le plus longtemps possible. Avec chaque nouveau variant vient une nouvelle dose… de profits !
Ce cynisme contribue, pour une bonne part, à la méfiance et au scepticisme que suscitent les vaccins dans de larges couches de la population. Et comme si cela ne suffisait pas, il est attesté, désormais, que Pfizer a mené des campagnes de désinformation visant ses concurrents. Ainsi, un documentaire diffusé par Channel 4, une chaine britannique, a révélé que Pfizer avait payé de prétendus « experts » pour affirmer que le vaccin d’AstraZeneca (beaucoup moins cher) pouvait entraîner un cancer – et menaçait la vie des patients immunodéprimés. Dans un contexte où prolifèrent toutes sortes de théories du complot, les magouilles de Pfizer ajoutent de l’huile sur le feu.
La vaccination et le capitalisme
S’il y avait eu une coordination mondiale de la production de vaccins et une distribution gratuite aux populations, la pandémie serait déjà terminée. Mais ceci entrerait en contradiction directe avec les intérêts de Big Pharma.
Pfizer est un opposant farouche à la levée des brevets, qui permettrait pourtant de développer plus de vaccins efficaces, pour un moindre coût. Pfizer veut conserver le monopole sur « son » vaccin – et donc ses moyens de pression sur les gouvernements. Les actionnaires n’attachent aucune importance au nombre de vies sacrifiées sur l’autel de leur avarice.
Tout ceci souligne, une fois de plus, qu’il est urgent de nationaliser l’ensemble des entreprises de l’industrie pharmaceutique. Ce serait la seule manière de garantir un accès à la vaccination pour toute la population mondiale. Mais aucun gouvernement capitaliste ne prendra une telle mesure, car elle touche à la sacro-sainte propriété privée des moyens de production. Il nous faudra donc renverser ce système – et le plus tôt sera le mieux.