Il ne se passe pratiquement plus une semaine sans qu’un haut représentant de l’administration américaine n’attaque publiquement le gouvernement Chavez. Aucune insulte ne leur semble trop basse, aucun mensonge trop flagrant. « Narco-trafiquant », « terroriste », « dictateur » : tout y passe. Début février, le ministre de la défense, Donald Rumsfield, est allé jusqu’à comparer le président du Venezuela à Adolf Hitler.
Ce flot de propagande a une fonction bien précise : préparer l’opinion publique à un renversement du gouvernement vénézuélien par la force. Le phénomène n’est d’ailleurs pas limité aux Etats-Unis. Partout, dans le monde, des journalistes à la solde de l’impérialisme noircissent des pages de calomnies contre le président vénézuélien. En France, Le Monde et Libération se sont acquittés de cette sale besogne en accusant Chavez d’être un antisémite.
Bush, Rice et autres « amis de la démocratie » ne reculeront devant rien pour renverser Chavez. Il est clair qu’ils étudient la possibilité de l’assassiner. Par ailleurs, ils n’hésiteront pas, si possible, à organiser une intervention militaire. Chavez en est parfaitement conscient. En conséquence, il achète des armes, ouvre aux masses les rangs de l’armée et prévient régulièrement les impérialistes que s’ils s’avisent d’envahir le Venezuela, ils seront accueillis par une révolution en armes.
Les menaces des Etats-Unis sont très sérieuses, et Chavez a parfaitement raison de se préparer à l’éventualité d’une intervention américaine. Cependant, à ce stade, les Etats-Unis ne peuvent pas envahir le Venezuela. L’une des raisons en est justement la mobilisation révolutionnaire des masses vénézuéliennes, qui opposeraient une résistance acharnée aux troupes étrangères.
Le bourbier irakien
Mais il y a une autre raison : l’impérialisme américain est complètement embourbé en Irak. Trois ans après l’invasion du pays, les Etats-Unis sont plus loin que jamais de leur objectif initial : installer un « gouvernement » irakien à la solde de Washington, laisser quelques milliers de soldats sur place et piller le pays en toute tranquillité. L’actuel gouvernement irakien n’a aucune légitimité, et ne tiendrait pas une semaine sans les 150 000 soldats américains que la résistance irakienne frappe chaque jour. A cela s’ajoute, aux Etats-Unis, la montée en puissance de l’opposition à la guerre. Dans ce contexte, même un imbécile comme Bush peut comprendre qu’il serait insensé d’ouvrir un nouveau front direct - qui plus est en Amérique latine, sachant que 36 millions de latinos vivent aux Etats-Unis.
L’option colombienne
Une intervention directe est donc exclue à ce stade. Cependant, il est possible que les Etats-Unis poussent leur allié colombien dans un conflit armé avec le Venezuela. Des incidents ont déjà éclatés à la frontière entre les deux pays. Sous prétexte de lutter contre le trafic de drogue, les Etats-Unis ont inondé la Colombie d’armes, d’argent et de « conseillers militaires ». Le « Plan Colombie » est justement destiné à des interventions militaires contre des révolutions ou des régimes de la région qui ne se soumettent pas aux diktats de l’impérialisme américain.
Cependant, du point de vue de Washington et du gouvernement colombien, une telle stratégie est extrêmement risquée. Uribe doit déjà faire face à une recrudescence d’activité des FARC, la guérilla colombienne. Une guerre avec le Venezuela signifierait donc l’ouverture d’un deuxième front. Et n’oublions pas que les révolutions ne respectent pas les frontières : une invasion du Venezuela par l’armée colombienne pourrait provoquer la chute, non du gouvernement de Chavez, mais de celui d’Uribe. Deux millions de Colombiens vivent au Venezuela, auxquels Chavez a accordé des droits civiques, et notamment le droit de vote. Leurs familles et amis, en Colombie, constitueraient un secteur de la population particulièrement opposé à une aventure militaire contre le Venezuela.
La révolution doit aller à son terme
Les ennemis de la révolution vénézuélienne sont-ils pour autant condamnés à l’impuissance ? Non. Les Etats-Unis travaillent sans cesse au renversement de Chavez. Ils financent les partis d’opposition. Ils ont leurs agents au sein même de l’appareil d’Etat vénézuélien. En janvier, par exemple, des officiers de la marine qui transmettaient des renseignements au Pentagone ont été découverts et arrêtés. Dans la direction même du mouvement bolivarien, l’aile droite, qui demande une « pause » dans le processus révolutionnaire, joue le rôle de courroie de transmission de Washington. Faute de pouvoir intervenir directement - encore une fois, à ce stade -, l’administration Bush s’appuie sur cette aile réformiste du mouvement bolivarien pour affaiblir la révolution.
A chaque étape, ce sont les masses qui ont balayé les offensives de la réaction. Cependant, comme Chavez lui-même l’a reconnu, la révolution n’a pas atteint le point de non-retour. Si une large part de l’économie demeure sous le contrôle de l’oligarchie, et si l’Etat n’est pas purgé de ses éléments contre-révolutionnaires, les masses vont inévitablement finir par se laisser gagner par le fatalisme et la lassitude. Cela modifierait le rapport de force entre les classes en faveur de la réaction, qui saisirait alors la première opportunité de tenter un nouveau coup de force. La seule alternative, c’est le parachèvement de la révolution bolivarienne, c’est-à-dire la réalisation de ses tâches socialistes.