Le 20 août 1940, Trotsky était assassiné par un agent de Staline, au Mexique. A cette occasion, nous publions ci-dessous un article d’Alan Woods qui date de 1988.
Le 26 août 1879, quelques mois avant la naissance de Trotsky, un petit groupe de révolutionnaires de l’organisation terroriste secrète Narodnaya Volya (la Volonté du Peuple) prononçait la condamnation à mort d’Alexandre II, Tsar de Russie. Ainsi débuta une période de luttes héroïques, menées par un petit nombre de jeunes contre le puissant appareil d’Etat, et qui allait culminer, le 1er mars 1881, dans l’assassinat du Tsar. Ces jeunes intellectuels et étudiants, qui haïssaient la tyrannie, étaient prêts à donner leur vie dans la lutte pour l’émancipation des masses, mais s’imaginaient qu’il était nécessaire de provoquer la mobilisation du peuple au moyen de la « propagande par l’action ». Cependant, leurs efforts n’aboutirent à rien. Loin de susciter un mouvement de masse, les actions terroristes provoquaient l’effet inverse : elles renforçaient l’appareil répressif de l’Etat, isolaient et démoralisaient les cadres révolutionnaires - et provoquèrent finalement la destruction complète de l’organisation « populiste » Narodnaya Volya.
Le Populisme
L’erreur des populistes résidait dans leur incompréhension des processus fondamentaux de la révolution russe. En l’absence d’une classe ouvrière forte, ils cherchaient une autre base sociale à la révolution socialiste, et croyaient l’avoir découverte dans la paysannerie. Mais toute l’histoire démontre que la paysannerie est la classe sociale la moins capable de jouer un rôle politique indépendant. Ce n’est pas une classe homogène, comme le sont la bourgeoisie et la classe ouvrière. Ses couches supérieures penchent du côté de la bourgeoisie, tandis que les paysans pauvres sont les alliés naturels des travailleurs. La paysannerie, en tant que classe, manque de cohésion. Marx expliquait que les paysans ont entre eux un type de relation comparable à celui de « pommes de terre enfermées dans un même sac ».
Mais les terroristes idéalisaient la paysannerie. Ils parlaient toujours « au nom du peuple », c’est-à-dire au nom des paysans, qui formaient l’écrasante majorité du peuple russe. Ils ne comprenaient pas le rôle particulier de la classe ouvrière dans la lutte pour le socialisme. Pire encore, ils niaient l’existence de cette classe sociale. Les ouvriers d’industrie n’étaient à leurs yeux que des « paysans d’usines ». Au lieu de s’appuyer sur la classe ouvrière -, la seule classe capable de parvenir à une conscience collective socialiste, en raison de ses conditions de vie et de sa position dans l’économie - les populistes s’orientaient vers « le peuple », et s’efforçaient de susciter une conscience socialiste parmi les petits propriétaires terriens. L’échec du populisme est le fruit d’une tragique méprise au sujet de la question : quelle classe peut et doit accomplir la révolution socialiste en Russie ?
Les marxistes
Pour justifier leurs idées, les populistes attribuaient un destin particulier au peuple russe. Longtemps avant Staline, ils défendaient l’idée du « socialisme dans un seul pays ». A l’inverse, les premiers marxistes russes, autour de Plekhanov, niaient ouvertement cette possibilité, et expliquaient que le socialisme nécessitait une base matérielle qui ne peut surgir que du développement des forces productives, de l’industrie et de la science. Marx et Engels avaient déjà expliqué que dans toute société où la science et le gouvernement sont détenus par une minorité, cette minorité en abuse nécessairement pour son propre compte. Comme l’écrivait Marx, « là où la misère serait généralisée, tout le vieux fatras remonterait à la surface ». Il en sera ainsi dans tous les pays où les travailleurs se dépenseront huit, douze ou quinze heures par jour pour gagner leur vie.
C’est précisément pour cette raison que Marx et Engels prévoyaient que la révolution socialiste se déroulerait d’abord dans les pays développés, et seulement ensuite dans les régions arriérées telles que la Russie, l’Afrique ou l’Asie. Pour la même raison, Plekhanov et les marxistes russes expliquaient que pour qu’une révolution socialiste soit possible, un certain niveau de développement du capitalisme, de l’industrie et de la classe ouvrière était nécessaire.
Cependant, dans la décennie de 1880, la majeure partie de la jeunesse russe n’était pas attirée par les idées du marxisme. Son impatience la poussait à mépriser la « théorie ». Elle voulait de l’action. Elle ne comprenait pas la nécessité de gagner la classe ouvrière au moyen d’un patient travail d’explication, et tentait de détruire le tsarisme par les armes et le combat individuel.
Trotsky débuta sa vie politique dans un groupe populiste, tout comme Lénine, dont le frère aîné était également un militant terroriste. Le populisme était alors en déclin. Dans la décennie de 1890, le climat héroïque des premiers cercles d’intellectuels s’était transformé en déprime, mécontentement et pessimisme. Par ailleurs, le mouvement ouvrier était entré dans l’arène avec une vague impressionnante de grèves. En quelques années, avec la croissance spectaculaire des idées marxistes au sein de la classe ouvrière, la supériorité des « théoriciens marxistes » sur les « pragmatiques » du terrorisme individuel s’est vue confirmée. Après avoir commencé par des petits cercles de discussion marxistes, ce nouveau mouvement gagnait de plus en plus d’ouvriers. Trotsky rallia ces jeunes militants de la nouvelle génération de révolutionnaires - et connut la déportation dès l’âge de 19 ans, en 1898.
Lénine
Ce mouvement émergeant était cependant très dispersé et très peu organisé. La tâche d’organiser et d’unir les différents groupes marxistes russes fut prise en main par Lénine qui, avec Plekhanov, dirigeait le « Groupe pour l’Emancipation du Travail ». Lénine et Plekhanov étaient alors en exil à Londres.
Lénine et Plekhanov lancèrent un journal, l’Iskra (l’Etincelle), et réussirent à l’envoyer clandestinement en Russie, où il eut un énorme impact. Rapidement, les authentiques marxistes se regroupèrent autour de l’Iskra. En 1902, Trotsky s’échappe de Sibérie et se rend à Londres, où il intègre l’équipe de l’Iskra et collabore avec Lénine. Les relations, au sein de l’équipe du comité de rédaction, étaient très tendues. Lénine et Plekhanov s’affrontaient continuellement sur toute une série de questions politiques et organisationnelles. La vérité est que les vieux militants du « Groupe pour l’Emancipation du Travail » souffraient énormément de leur longue période d’exil, qui avait eu des répercussions sur leur travail politique, celui-ci se limitant essentiellement à des travaux de propagande développés en marge de la classe ouvrière russe. Il s’agissait d’un groupe d’intellectuels sans aucun doute sincères, mais qui accumulaient tous les défauts de l’exil. Leurs méthodes de travail les faisaient parfois ressembler davantage à un groupe de discussion ou à un cercle d’amis qu’à un Parti révolutionnaire se posant la question de la prise du pouvoir.
Lénine, qui dans la pratique réalisait la plus grosse partie du travail - avec l’aide de sa compagne, Kroupskaïa - lutta contre toutes ces tendances, mais avec peu de succès. Il plaça tous ses espoirs dans la convocation d’un Congrès du Parti, où la classe ouvrière mettrait de l’ordre dans « sa propre maison ». Beaucoup d’idées fausses ont été formulées sur ce fameux deuxième Congrès du Parti Ouvrier Social-Démocrate de Russie (POSDR).
Tout parti révolutionnaire passe nécessairement par une étape, plus ou moins longue, de formation des cadres et de travail de propagande. Cette période imprime inévitablement certaines habitudes, certaines façons de penser et de travailler qui, au bout d’un certain temps, se transforment en obstacles empêchant la transformation du Parti en organisation de masse. Si le Parti n’est pas capable, à un moment donné, de modifier ses méthodes, il finit par être réduit à l’état de secte sclérosée.
Les Bolchéviks
Le bras de fer, au Second Congrès, entre les deux ailes du groupe de l’Iskra, a surpris les protagonistes eux-mêmes. Il est né de l’incompatibilité entre la position de Lénine, qui voulait consolider un parti révolutionnaire de masse sur la base d’une discipline et d’une efficacité minimales, et la position des membres plus âgés du « Groupe pour l’Emancipation du Travail », qui s’étaient installés dans une routine et ne ressentaient aucun besoin de changement.
En général, l’une des caractéristiques des tendances petites-bourgeoises consiste dans leur incapacité à séparer les questions politiques des questions personnelles. Malheureusement, les vieux militants réussirent à impressionner Martov et Trotsky, qui acceptèrent les accusations de Zasulich, Axelrod et d’autres. La soi-disant tendance « modérée », dont le chef de file était Martov, restait minoritaire, mais refusait d’accepter les accords conclus lors du Congrès et de participer au Comité Central ainsi qu’au Comité de Rédaction. Lors du Congrès, toutes les tentatives de Lénine pour arriver à une solution de compromis échouèrent du fait de l’opposition de la minorité (les Menchéviks).
Bien qu’il ait soutenu Lénine au Congrès, Plekhanov ne résista pas aux pressions de ses anciens amis et camarades. Finalement, au début de l’année 1904, Lénine s’est vu obligé d’organiser « les Comités de la Majorité » (Bolchéviks) afin d’essayer de récupérer quelque chose des ruines du Congrès. La scission du Parti était donc devenue un fait. Dans un premier temps, Trotsky soutint la minorité contre Lénine. C’est d’ailleurs ce qui a alimenté la thèse falsificatrice d’un Trotsky « menchévik ». Ceci dit, lors du Second Congrès, le Bolchévisme et le Menchévisme ne s’étaient pas encore cristallisés comme tendances politiques. Ce n’est qu’un an plus tard que des différences politiques entre ces deux tendances allaient clairement se manifester. Ces différences n’avaient rien à voir avec la question du « centralisme » ou du « non-centralisme », mais portaient sur la question-clé de la révolution : la collaboration avec la bourgeoisie nationale ou l’indépendance de classe.
1905 : une répétition générale
En pleine guerre entre la Russie et le Japon, le pays se trouvait dans une situation pré-révolutionnaire. Les manifestations étudiantes succédaient aux vagues de grèves. Cette agitation ne plaisait guère aux bourgeois libéraux, qui se lancèrent dans une campagne de banquets en se basant sur les « Zemvstos », des comités locaux situés à la campagne et qui leur servaient de plate-forme politique.
La question de l’attitude que devaient avoir les marxistes vis-à-vis de cette campagne ne fit que renforcer leur division. Les menchéviks étaient en faveur d’un appui total aux libéraux. Les bolchéviks, à l’inverse, s’opposaient radicalement à un rapprochement avec les libéraux. Trotsky, pour sa part, adopta la même position que les bolchéviks, ce qui le conduisit à rompre avec les menchéviks. Dès lors, et jusqu’en 1917, Trotsky allait se maintenir formellement indépendant des deux tendances, bien que, sur les questions politiques, il fût toujours plus proche des bolchéviks que des menchéviks.
La situation révolutionnaire mûrissait très rapidement. Les défaites militaires de l’armée tsariste contribuèrent à la montée du mécontentement, qui éclata à la suite de la répression sanguinaire de la manifestation du 9 janvier 1905, à Saint-Pétersbourg. Celle-ci sonna le départ de la révolution de 1905, dans laquelle Trotsky joua un rôle de tout premier plan.
La Révolution permanente
Dès avant 1905, dans les discussions sur les politiques d’alliances, Trotsky avait élaboré la trame de la théorie de la « Révolution permanente », une des plus brillantes contributions au marxisme. En quoi consiste cette théorie ?
Selon les menchéviks, la révolution russe aurait un caractère démocratique bourgeois. La classe ouvrière ne devait donc pas aspirer au pouvoir, mais soutenir la bourgeoisie libérale contre le tsarisme. Par ce raisonnement mécanique, les menchéviks caricaturaient les idées de Marx sur le développement des sociétés. La théorie menchévique « des étapes » repoussait la perspective d’une révolution socialiste à un avenir lointain. En attendant, la classe ouvrière devait se contenter de jouer le rôle d’appendice de la bourgeoisie libérale. C’est cette même théorie réformiste qui aboutira, plus tard, aux défaites de la classe ouvrière en Chine en 1927, en Espagne en 1936-39, en Indonésie en 1965 et au Chili en 1973.
Trotsky répondait à ces idées de la façon suivante : « S’il s’agit effectivement d’une révolution démocratique bourgeoise, la question centrale en est la terre. Le pouvoir passera aux mains de la classe qui dirigera la paysannerie contre le Tsarisme. Néanmoins, la bourgeoisie est arrivée trop tard pour pouvoir jouer un rôle révolutionnaire. Le terrain principal est déjà occupé par le prolétariat. Une lutte révolutionnaire s’opposera au tsarisme ; elle déclenchera la mobilisation de la classe ouvrière, qui ne s’arrêtera pas aux limites imposées par les soi-disant libéraux bourgeois. C’est pour cela que les libéraux trahiront la révolution et soutiendront le tsarisme contre les ouvriers et les paysans. En plus, la bourgeoisie, en Russie, est liée par des milliers de fils aux propriétaires terriens à travers le système bancaire. Seule la classe ouvrière, organisée et dirigée par les marxistes, pourra mener les paysans à la victoire, en renversant l’Etat tsariste et en menant à bien les tâches de la révolution démocratique bourgeoise. Mais les choses ne s’arrêteront pas là. Un gouvernement ouvrier et paysan se verrait obligé d’appliquer des mesures socialistes dès le premier jour. La tâche à laquelle doit se préparer la classe ouvrière n’est ni plus ni moins que celle de la prise du pouvoir. »
En 1905, Trotsky se trouvait seul à défendre l’idée de la possibilité du triomphe de la révolution socialiste en Russie, avant l’Europe Occidentale. Lénine n’avait pas encore clarifié sa position. De manière générale, le point de vue de Trotsky était très proche de celui des bolchéviks, comme l’admettra plus tard Lénine. Mais en 1905, Trotsky s’avéra être le seul à affirmer, avec audace et clarté, la nécessité d’une révolution socialiste en Russie. Douze ans plus tard, l’Histoire lui donna raison. Nous ne nous étendrons pas ici sur la révolution de 1905. L’un des meilleurs livres sur ce sujet est celui de Trotsky : 1905. Ce classique du marxisme a d’autant plus de valeur qu’il a été écrit par l’un des principaux dirigeants de cette révolution. Trotsky fut en effet le Président du Soviet de Saint-Pétersbourg. Après la défaite de la révolution, il fut emprisonné avec d’autres membres du Soviet et à nouveau déporté en Sibérie, d’où il s’échappa - pour la deuxième fois - en 1906.
La réaction
Les années de réaction qui suivirent la défaite de la révolution de 1905 furent sans doute la période la plus difficile de l’histoire du mouvement ouvrier russe. Les masses étaient fatiguées de se battre. Les intellectuels étaient démoralisés. L’ambiance générale était au pessimisme, à la morosité, voire même au désespoir. Dans ce climat de réaction généralisée, les idées mystiques et religieuses gagnaient du terrain parmi les intellectuels. Cela se refléta également, au sein du mouvement ouvrier, par des tentatives de réviser les conceptions philosophiques du marxisme.
A l’époque de l’essor révolutionnaire, les deux ailes du mouvement ouvrier russe s’étaient à nouveau unies. Mais cette unification resta plus formelle que réelle. Avec le nouveau reflux, les tendances opportunistes du menchévisme réapparurent (voir la célèbre phrase de Plekhanov : « les travailleurs n’auraient pas dû prendre les armes »). Les divergences entre les tendances se renforcèrent une nouvelle fois. A cette époque, Trotsky avait une position politique proche de celle des bolchéviks. Au Congrès de Londres (1907), Lénine déclara : « Trotsky pense que le prolétariat et la paysannerie ont des intérêts communs dans la révolution actuelle (...), ce qui veut dire qu’ici nous avons des positions communes en ce qui concerne notre attitude fondamentale à l’égard des partis bourgeois. »
Malgré cela, Trotsky refusait d’intégrer la tendance bolchévique, et pensait qu’un nouvel essor de la révolution rendrait possible une fusion des meilleurs éléments des deux tendances. Cette position « conciliatrice » fut l’une des plus grandes erreurs de sa vie, comme il l’admettra plus tard lui-même. Il ne faut toutefois pas oublier que les choses étaient loin d’être claires à ce moment-là. Lénine lui-même tenta plus d’une fois de se rapprocher de certaines fractions des menchéviks. En 1908, lorsqu’il arriva à un accord avec Plekhanov, Lénine « rêvait », selon Lounatcharsky, « d’une alliance avec Martov ». Mais l’expérience allait démontrer l’impossibilité d’un tel rapprochement. Les deux tendances, la révolutionnaire et la réformiste, évoluaient dans un sens opposé. Tôt ou tard, une rupture complète était inévitable.
La Guerre mondiale
En Russie, une nouvelle période de lutte s’amorça en 1911. Elle fut interrompue par la Première Guerre mondiale. Mais cette fois-ci, les bolchéviks regroupaient une majorité décisive de la classe ouvrière. Les 4/5ème des ouvriers organisés de Saint-Pétersbourg appuyaient les bolchéviks et leur quotidien, La Pravda. Les menchéviks, par contre, s’étaient discrédités par leur politique de collaboration avec la bourgeoisie. En 1912, la scission définitive du Parti était consommée et un Parti Bolchevik indépendant fut fondé. Trotsky s’opposa à nouveau à la scission, et tenta en vain de promouvoir l’unité.
La scission, en Russie, était l’anticipation d’une scission beaucoup plus importante : celle de l’Internationale. La position que prirent les dirigeants des partis de la Deuxième Internationale lors de la Première Guerre Mondiale signifiait, de facto, l’écroulement de cette Internationale.
A partir du mois d’août 1914, la question de la guerre occupa l’attention des socialistes de tous les pays. Trotsky adopta immédiatement une position clairement révolutionnaire contre la guerre. A la conférence de Zimmerwald, qui réunit en 1915 tous les socialistes s’opposant à la guerre, Trotsky fut chargé de rédiger le Manifeste, qui, malgré les divergences entre les participants, fut approuvé par tous. Depuis Paris, Trotsky lançait un journal russe qui défendait les principes de l’internationalisme révolutionnaire : Nasche Slovo (Notre Parole). Trotsky et quelques collaborateurs réussirent, grâce à d’énormes sacrifices, à en faire un quotidien, ce qui poussa les autorités françaises, sous la pression du gouvernement russe, à l’interdire et à expulser Trotsky du pays.
Après un bref séjour en Espagne, où il se familiarisa avec les prisons, Trotsky fut à nouveau expulsé vers New York. Là, il collabora avec Boukharine et d’autres révolutionnaires à la publication du journal Novy Mir. C’est à cette époque qu’il prit connaissance des premières nouvelles confuses d’un soulèvement à Petrograd. La deuxième Révolution russe venait de commencer.
La Révolution de 1917
Lénine se trouvait en Suisse et Trotsky à New York lorsqu’éclata la Révolution de Février. Mais malgré la distance énorme qui les séparait, ils arrivèrent à des conclusions identiques. Les articles de Trotsky dans Novy Mir et les textes de Lénine sont pratiquement identiques en ce qui concerne les questions fondamentales de la Révolution : l’attitude vis-à-vis de la paysannerie et de la bourgeoisie libérale, le gouvernement provisoire, la révolution mondiale. Ces faits démasquent les mensonges des staliniens, qui ont essayé d’ériger une muraille de Chine entre Lénine et Trotsky. Au moment de la Révolution, le trotskisme et le léninisme étaient totalement identiques. Dans une situation révolutionnaire, le Parti, et surtout sa direction, subissent les terribles pressions des classes ennemies, de « l’opinion publique » bourgeoise, et même des préjugés de la masse des travailleurs. Pas un seul des dirigeants bolchéviks, à Petrograd, ne fut capable de résister à ces pressions. Aucun d’entre eux n’affirma la nécessité de la conquête du pouvoir par la classe ouvrière comme unique moyen de faire aboutir la révolution. Tous ont abandonné le point de vue de classe pour une vulgaire position démocratique. Staline, Kamenev, Rykov, Molotov et les autres étaient en faveur d’un appui critique au Gouvernement Provisoire, et voulaient fusionner avec les Menchéviks.
Les « Thèses d’Avril »
C’est seulement après l’arrivée de Lénine que le Parti Bolchevik modifie sa position, à la suite d’une lutte interne centrée autour des « Thèses d’Avril » de Lénine, qu’il publia dans La Pravda sous sa signature. Dans un premier temps, aucun autre dirigeant bolchevik n’osait s’identifier avec les « thèses » de Lénine. La vérité est qu’ils n’avaient pas compris la méthode de Lénine et qu’ils avaient transformé les consignes de 1905 en fétiches. Le « crime » de Trotsky résidait dans le fait d’avoir prévu tout cela l’avance, et de façon claire. Les événements de 1917 confirmaient brillamment la théorie de la Révolution Permanente. A partir de ce moment, plus rien ne séparerait politiquement Lénine et Trotsky. Toutes les divergences du passé cessaient d’exister. Le groupe de révolutionnaires animé par Trotsky, les Mezhrayontsi, fusionna avec le Parti Bolchévik. Plus tard, le 1er novembre 1917, au cours d’une réunion, Lénine déclara que depuis qu’il avait compris l’impossibilité de l’unification avec les menchéviks, « il n’était pas meilleur bolchévik que Trotsky. »
Nous ne traiterons pas en détail le rôle joué par Trotsky dans la révolution d’Octobre. Mais nous devons ici souligner, sur base de l’expérience de la Révolution Russe, l’énorme importance du facteur subjectif et du rôle de l’individu dans l’Histoire.
Le marxisme est déterministe, mais non fataliste. Les vieux populistes et terroristes russes étaient des volontaristes et des utopistes. Ils s’imaginaient que toute l’Histoire dépendait de la volonté des individus, de grands personnages et de héros, indépendamment des conditions objectives et des lois historiques. Ceci dit, il y a des moments, dans l’histoire de la société, où toutes les conditions objectives de la Révolution sont réunies, et où le facteur subjectif, à savoir la direction du mouvement, devient le facteur décisif. Dans ces moments-là, tout le processus historique dépend de l’activité d’un petit groupe d’individus, et parfois même d’une seule personne.
Engels aimait répéter qu’il y a des époques de l’histoire « où 20 ans passent comme un seul jour », autrement dit où rien, en apparence, ne bouge. Malgré une intense activité, rien ne change. Mais il affirmait également qu’il y a d’autres époques où 20 années d’histoire peuvent être concentrées dans l’espace de quelques semaines ou de quelques jours. Si, dans de telles époques, un parti révolutionnaire et sa direction ne savent pas tirer profit de la situation, cette occasion peut être perdue pour 10 ou 20 ans.
Le rôle du Parti
Dans un laps de temps de neuf mois, entre février et octobre 1917, les questions de la classe, du parti et de sa direction ont démontré toute leur importance. Le Parti Bolchevik était le parti le plus révolutionnaire de toute l’histoire de l’humanité. Mais malgré cela, et malgré la force et l’expérience énormes qu’avait accumulées sa direction, les dirigeants de Petrograd commencèrent, au moment décisif, à hésiter. Une crise s’ouvrit. Le destin de la Révolution dépendait en dernière analyse de l’activité de deux hommes : Lénine et Trotsky. Sans eux, la Révolution n’aurait pas été victorieuse. A première vue, cette affirmation peut sembler être une réfutation de la conception marxiste du rôle de l’individu dans la société. Mais il n’en est rien. Sans le Parti, Lénine et Trotsky auraient été totalement impuissants dans la tourmente révolutionnaire. Près de 20 ans de travail avaient été nécessaires pour construire et perfectionner cet instrument, pour l’enraciner profondément dans les masses, dans les entreprises, dans les casernes et dans les quartiers ouvriers. Aucun homme, quel que soit sa stature, n’aurait pu se substituer à cet instrument, qui ne s’improvise pas.
La classe ouvrière a besoin d’un parti pour changer la société. Sans un parti révolutionnaire, capable de donner une direction consciente à l’énergie révolutionnaire de la classe, cette énergie se dépensera inutilement, comme la vapeur non orientée dans un piston.
Chaque parti a un côté conservateur. Les révolutionnaires sont parfois les plus conservateurs. Ce conservatisme est le fruit d’années de routine, certes indispensables, mais qui engendrent certaines habitudes qui, si elles ne sont pas vaincues par la direction, s’avèrent être un frein dans une situation révolutionnaire. C’est à ce moment décisif, quand la situation exige un changement brusque de l’activité et de l’orientation du parti, quand il faut passer de la routine quotidienne à la question de la prise du pouvoir, que les vieilles habitudes entrent en conflit avec les exigences de la nouvelle situation. C’est précisément dans ce contexte que le rôle de la direction devient vital.
Un parti, en tant qu’organe de lutte d’une classe contre une autre, peut être comparé à une armée. Le parti a également ses généraux, ses officiers, ses sous-officiers et ses soldats. Comme dans une guerre, le temps est, dans une révolution, une question de vie ou de mort. Sans Lénine et Trotsky, les bolchéviks auraient certainement corrigé leurs erreurs - mais à quel prix ? La révolution ne peut attendre des années que le parti corrige ses erreurs, car la défaite est le prix de l’hésitation et des reculs. Cela a été clairement démontré par l’expérience de la révolution allemande de 1923. La politique révolutionnaire est une science. L’étude attentive des révolutions antérieures n’est pas un jeu, mais une façon de se préparer pour l’avenir. Personne ne prenait Trotsky au sérieux quand il défendait, avant la première guerre, la possibilité de l’éclatement d’une révolution ouvrière en Russie avant qu’une telle révolution n’éclate en Europe occidentale. C’est seulement en octobre 1917 que la preuve a été donnée de la supériorité de la méthode marxiste sur l’empirisme.
Le socialisme
La Révolution d’Octobre fut l’événement le plus important de l’histoire de l’humanité. Pour la première fois - à l’exception de la courte expérience de la Commune de Paris -, les masses opprimées de la société ont pris leur destin en main et se sont attelées à la tâche de construire une nouvelle société.
La révolution socialiste est totalement différente de toutes les autres révolutions, du fait du rôle qu’y joue le facteur subjectif. Dans une révolution socialiste, le facteur subjectif devient, pour la première fois, le moteur de l’ensemble du processus social. La révolution bourgeoise, à l’inverse, peut se réaliser d’une façon presque automatique, sans direction consciente. Sous le capitalisme, les forces du marché agissent de manière incontrôlée, sans le moindre plan établi ou sans intervention de l’Etat. La révolution socialiste met fin à l’anarchie de la production et impose le contrôle et la planification des forces productives de la société. La conséquence en est que même après la révolution, le facteur subjectif (la conscience de classe) reste le facteur décisif. Selon Engels, le socialisme se définit comme « le saut du règne de la nécessité vers le règne de la liberté ». Mais la conscience des masses n’est pas séparable de leurs conditions de vie, de leur niveau culturel, de la durée de la journée de travail, etc. Ce n’est pas par hasard que Marx et Engels insistaient sur le fait que les conditions matérielles pour le socialisme dépendaient du développement des forces productives. Quand les menchéviks invoquaient l’absence de conditions matérielles pour le socialisme en Russie, et s’opposaient ainsi à la Révolution d’Octobre, ils avaient en partie raison. Mais ces conditions objectives étaient réunies à l’échelle internationale.
L’internationalisme des bolchéviks ne relevait pas du sentimentalisme. Lénine a répété des centaines de fois que la Révolution russe devait s’étendre à d’autres pays, sans quoi elle serait vouée à l’échec. De fait, la Révolution russe provoqua une vague de situations révolutionnaires et pré-révolutionnaires dans de nombreux pays (Allemagne, Hongrie, Italie, France...). Mais celles-ci échouèrent, du fait de l’absence de partis révolutionnaires de masse, ou plus précisément à cause de la trahison des dirigeants sociaux-démocrates. Du fait de cette trahison, en Allemagne et dans d’autres pays, la Révolution russe resta limitée àun seul pays arriéré, où les conditions de vie étaient très pénibles. En une seule année, des millions de personnes moururent de faim. A la fin de la guerre civile, la classe ouvrière était épuisée.
La bureaucratie
Dans cette situation, la réaction était inévitable. Les résultats ne correspondaient pas aux espérances des masses. Une partie importante des ouvriers les plus conscients et combatifs étaient morts dans la guerre civile. D’autres, fatigués par les travaux administratifs dans l’industrie ou dans l’Etat, s’éloignaient petit à petit du reste de la classe. C’est dans une ambiance de fatigue croissante, de démoralisation et de désorientation des masses, que l’appareil d’Etat s’éleva de plus en plus au-dessus de la classe ouvrière. Chaque pas en arrière, de la part des travailleurs, renforçait les positions des bureaucrates et des carriéristes. C’est sur cette toile de fond que s’est cristallisée une couche de bureaucrates et de fonctionnaires auto-satisfaits qui désapprouvaient les idées « utopiques » sur la révolution mondiale. Ces mêmes éléments allaient réserver un accueil enthousiaste à la théorie - énoncée, pour la première fois, en 1924 - du « socialisme dans un seul pays ».
Le marxisme explique que les idées « ne tombent pas du ciel ». Quand une idée qui apparaît trouve un appui massif, elle reflète nécessairement les intérêts d’une classe ou d’une caste sociale. Aujourd’hui, les historiens bourgeois essayent de présenter le bras de fer entre Staline et Trotsky comme un « débat » portant sur des questions théoriques. Or, le facteur déterminant, dans l’histoire, n’est pas la lutte des idées, mais bien la lutte entre les intérêts de classe et les forces matérielles. La victoire de Staline n’était pas basée sur sa supériorité intellectuelle. Dans le domaine théorique, Staline était en réalité le plus médiocre des dirigeants bolchéviks. Mais les idées qu’il défendait représentaient les intérêts et les privilèges de la nouvelle caste bureaucratique en formation. A l’inverse, Trotsky et l’« Opposition de Gauche » défendaient les idées d’Octobre et les intérêts de la classe ouvrière, qui étaient soumis aux attaques de la bureaucratie, des petits bourgeois, des koulaks, etc.
Le Stalinisme
Les idées et l’action de Staline n’obéissaient pas non plus à un plan préétabli. Au début, il ne savait pas où il allait, et si il avait su, en 1923, où allait aboutir ce processus, il ne s’y serait probablement jamais engagé. Conscient du danger qui menaçait, Lénine tenta - pendant la période de sa dernière maladie - d’enrayer le processus de bureaucratisation. Dans ce but, il alla jusqu’à proposer la formation d’un bloc avec Trotsky pour combattre Staline au XXIème Congrès du Parti. Mais il mourut avant de pouvoir mettre à exécution ce dernier projet.
Quoiqu’il en soit, même l’intervention de Lénine n’aurait pas suffi à interrompre le processus. Les causes ne se trouvaient pas dans les individus, mais bien dans la situation objective d’un pays arriéré, affamé, et que le recul de la Révolution socialiste en occident plongeait dans l’isolement. En 1926, lors d’une réunion de l’Opposition de gauche, la veuve de Lénine, Kroupskaïa, s’écriait avec amertume : « Si Lénine était encore vivant, on le jetterait en prison ! ». La raison de la défaite de Trotsky et de l’Opposition se trouve dans le moral des masses, qui restaient indifférentes aux luttes internes au Parti. L’ascension de la nouvelle caste dominante relevait de causes sociales profondes. L’isolement de la Révolution était la cause principale de l’ascension de Staline et de la bureaucratie. Mais cela provoqua en retour de nouvelles défaites de la Révolution internationale : en Bulgarie et en Allemagne (1923), en Angleterre (1926), en Chine (1927) et enfin - la plus terribles des débâcles - dans l’Allemagne de 1933. Chaque défaite de la Révolution internationale accentuait la démoralisation de la classe ouvrière russe, et par conséquent renforçait les bureaucrates et les carriéristes. L’Opposition fut expulsée au lendemain de la terrible défaite de la révolution chinoise de 1927. Cette défaite était la conséquence directe de la politique dictée au Parti Communiste chinois par Staline et Boukharine. Trotsky fut exilé en Turquie : la bureaucratie n’était pas encore assez solide pour se permettre de l’assassiner ! De son exil, entre 1927 et 1933, Trotsky s’est consacré à l’organisation de l’Opposition Internationale de Gauche, qui se fixait pour but de redresser la situation en URSS et dans l’Internationale Communiste. Mais la terrible défaite de la classe ouvrière allemande, fatiguée et usée par la politique des staliniens et des sociaux-démocrates, ainsi que l’absence totale d’autocritique et de discussion au sein des partis de l’Internationale Communiste, amenèrent Trotsky à conclure à l’irréversible dégénérescence du Komintern. Alors que, dans ses premières années, la bureaucratie ne s’était pas encore consolidée comme caste dominante, il était devenu évident, en 1933, qu’on ne faisait plus face à une déviation provisoire qui pouvait être corrigée par la critique et la discussion. La contre-révolution avait triomphé, détruisant tous les éléments de démocratie ouvrière établis par la Révolution d’Octobre.
Les purges
La meilleure illustration de la nouvelle situation réside dans les tristement célèbres « Procès de Moscou », que Trotsky qualifiait de « guerre civile unilatérale contre le Parti Bolchévik ». Entre 1936 et 1939, tous les membres du Comité Central de l’époque de Lénine qui vivaient en URSS furent assassinés. Il y eut « le procès des 16 » (Zinoviev, Kamenev, Smirnov, etc), « le procès des 17 » (Radalev, Piatakov, Sojoknikov, etc), « le procès secret des militaires » (Toukachevski, etc), et « le procès des 21 » (Boukharine, Rykov, Rakovsky, etc). Les anciens camarades de Lénine furent accusés, de manière grotesque, d’avoir commis des crimes contre la Révolution. On les accusait généralement d’être des agents d'Hitler. De même, en France, à l’époque thermidorienne, les Jacobins se voyaient accusés d’être des agents de l’Angleterre.
L’objectif de la bureaucratie était simple : liquider totalement les éléments qui auraient pu servir de point de rassemblement au mécontentement des masses. Elle réussissait même à emprisonner et à tuer des milliers de personnes fidèles à Staline, dont le seul crime était leurs liens directs avec l’expérience d’Octobre. Il était dangereux d’être l’ami, le voisin, le père ou l’enfant d’un prisonnier. Des familles entières furent envoyées dans les camps de concentration, y compris les enfants. Le fils du Général Yakir, assassiné en 1938, a passé 14 ans avec sa mère dans les camps staliniens. Le principal accusé n’était pourtant pas présent lors de son procès. Léon Trotsky, qui s’était vu refuser tout droit d’asile dans les pays européens, se trouvait alors au Mexique, d’où il organisait une campagne internationale de protestation contre les procès de Moscou.
Un État ouvrier déformé
Pourquoi la bureaucratie avait-elle si peur d’un seul homme ? La Révolution d’Octobre avait établi un régime de démocratie ouvrière qui laissait la plus grande liberté aux travailleurs. La bureaucratie, par contre, ne pouvait dominer qu’à travers la destruction de la démocratie ouvrière et l’établissement d’un régime totalitaire. Elle ne pouvait tolérer la moindre liberté d’expression ou de critique, et ce dans le domaine de la politique comme dans celui de l’art, de la science ou de la littérature. En superficie, le régime de Staline ressemblait à celui de Hitler, Franco ou Mussolini. Mais il existait une différence fondamentale : en URSS, la caste dominante se basait sur les nouvelles relations économiques établies par la Révolution d’Octobre. Il existait une situation contradictoire. Pour défendre son pouvoir et ses privilèges, cette caste parasitaire se voyait obligée de défendre l’économie nationalisée et planifiée, qui représentait une conquête historique de la classe ouvrière. Les bureaucrates privilégiés, ayant détruit les conquêtes politiques d’Octobre et annihilé le Parti Bolchevik, se voyaient obligés de maintenir une fiction de « Parti Communiste », de « Soviets », etc. Ils devaient aussi développer les forces productives basées sur l’économie nationalisée et planifiée. Ainsi, en développant l’industrie, ils jouaient un rôle relativement progressiste.
La Démocratie Ouvrière
Les marxistes ne défendent pas la démocratie pour des raisons sentimentales. Comme l’expliquait Trotsky, « une économie planifiée a besoin de démocratie comme le corps humain a besoin d’oxygène ». Le contrôle asphyxiant d’une bureaucratie omnipotente est incompatible avec le développement d’une économie planifiée. L’existence d’une bureaucratie engendre inévitablement, à tous les niveaux, diverses formes de corruption, de mauvaise gestion et d’abus de pouvoir. C’est pourquoi, à la différence de la bourgeoisie, la bureaucratie ne peut tolérer les critiques et les pensées indépendantes. Dans les années 30, Trotsky analysa le nouveau phénomène que constituait la bureaucratie stalinienne dans La Révolution Trahie - un grand classique du marxisme. Il y prônait une nouvelle révolution - une révolution politique - destinée à régénérer l’URSS. Tout comme les autres classes ou castes dominantes de l’histoire, la bureaucratie russe ne disparaîtra pas « d’elle-même », bien qu’elle soit en contradiction avec le développement des forces productives.
Le travail de Trotsky et de ses collaborateurs politiques constituait un danger mortel pour la bureaucratie, qui y répondit par une campagne massive d’assassinats, de persécutions et de calomnies.
Le 20 août 1940, après plusieurs tentatives manquées, la G.P.U. réussit finalement à assassiner Trotsky par le biais d’un de ses agents. Trotsky avait déjà vécu l’assassinat de l’un de ses fils, la disparition d’un autre, le suicide de sa fille, l’extermination de ses amis et de ses collaborateurs en URSS et à l’étranger, ainsi que la destruction des conquêtes politiques de la Révolution d’Octobre.
Malgré tout cela, Trotsky n’a jamais cessé de défendre ses idées révolutionnaires. Son testament dégage un énorme optimisme quant au futur socialiste de l’humanité. Mais son véritable testament réside dans l’ensemble de ses livres et écrits, qui constituent un énorme trésor d’idées marxistes pour la nouvelle génération de révolutionnaires. Le fait qu’aujourd’hui encore, le « spectre du trotskisme » continue de hanter les maîtres du Kremlin est une preuve de la vitalité de ses idées - les authentiques idées du bolchévisme et du marxisme, qui ne seront détruites ni par les mensonges des calomniateurs, ni par les balles des assassins.
Alan Woods, 1988.