Mille milliards de dollars, ce n’est pas seulement le titre d’un célèbre film de politique-fiction ; c’est aussi le chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique en 2014, à l’échelle mondiale. Cette industrie tentaculaire, avec ses secrets bien gardés et la face cachée de son activité, notamment ses lobbies et les hommes politiques qu’elle corrompt, n’a pas fini de faire des profits sur la santé des peuples. Son chiffre d’affaires devrait atteindre environ 1300 milliards de dollars en 2018.
On entend parfois que les médicaments génériques vont briser les monopoles de ce secteur. En réalité, le chiffre d’affaires global des génériques exposés à la concurrence atteignait seulement 30 milliards de dollars en 2014 et retombera à environ 22 milliards en 2017, des sommes inférieures aux dépenses en marketing des seuls groupes américains, estimées à plus de 30 milliards.
La course aux profits constitue le moteur du système capitaliste. Dans toutes les sphères de la société, l’obsession de la classe dirigeante est la rentabilité maximale. Dans le domaine de la santé, cette recherche d’un maximum de profits prend un caractère particulièrement inhumain. Aux yeux des capitalistes, les soins et les traitements ne sont que des marchandises et la santé, un vaste marché.
L’affaire du Mediator était une illustration tragique de ce phénomène. La vente de ce médicament s’est poursuivie des années après l’établissement des premières preuves de sa nocivité. Combien de médicaments nocifs sont encore commercialisés ?
Un autre scandale récent concerne le médicament Sovaldi, un médicament contre l’hépatite C très efficace, mais dont le traitement est vendu 41 000 euros. Selon certaines estimations, cette somme serait 280 fois supérieure au coût de production de ce médicament. Les lobbies objectent : « nos investissements dans la recherche sont importants et nous devons les rentabiliser ». En réalité, les sommes engagées dans la recherche sont en moyenne deux fois inférieures aux dépenses en marketing.
Le groupe pharmaceutique Sanofi, qui a engagé un plan de suppression de postes il y a quelques années, réalise d’énormes profits sur la santé des populations. Entre 2005 et 2010, les dividendes versés à ses actionnaires ont augmenté de 65 %. Sur les 8,8 milliards de bénéfices réalisés en 2011, l’entreprise a distribué 3,5 milliards d’euros de dividendes. Mais ce n’est pas encore assez. La direction a pour objectif, d’ici 2015, de distribuer 50 % de ses bénéfices sous forme de dividendes aux actionnaires !
Parasitisme
Comme l’explique notre brochure sur Le capitalisme et la santé, il existe pourtant un remède pour en finir avec ce parasitisme : la nationalisation de l’ensemble de l’industrie pharmaceutique, sans indemnisation des grands actionnaires, en la plaçant sous le contrôle des salariés et de la population. Cela permettrait d’orienter la recherche en fonction des priorités publiques et de l’intérêt général, et non plus de l’intérêt privé. La cupidité n’aurait plus de place dans le processus de production. Une telle mesure aurait les avantages suivants :
1) Elle permettrait de réduire considérablement le coût des médicaments. Pas de dividendes à verser à des actionnaires, c’est autant d’argent mobilisable à d’autres fins, dont la baisse du prix des médicaments. Le « marketing » capitaliste disparaitrait. Les programmes de recherches seraient transparents, l’information délivrée ne serait plus biaisée par la volonté de refourguer le médicament à tout prix. L’argent englouti dans la publicité pourrait être en partie orienté vers la formation des soignants à la balance bénéfice/risque des traitements, en toute indépendance puisqu’il n’existerait plus de conflits d’intérêts.
2) Elle dynamiserait la recherche. Les programmes de recherches scientifiques seraient financés par la société – et donc à la hauteur des enjeux définis par elle-même. L’ensemble des programmes pourrait être coordonné. Les savoirs des laboratoires seraient mutualisés ; les capacités de recherche en seraient décuplées. Libérés des entraves de la rentabilité, les domaines de la recherche jusque-là quasiment inexplorés, car non « rentables », seraient ouverts aux scientifiques.
3) L’« offre » de médicaments serait également simplifiée en supprimant les médicaments dangereux, inutiles ou encore les nombreux doublons. Au lieu des noms accrocheurs attribués par les laboratoires dans le seul but de mieux les vendre, les médicaments seraient nommés selon leur Dénomination Commune Internationale (DCI), plus claire pour les professionnels de santé.
4) Enfin, si l’on prend le problème à l’échelle mondiale, cela permettrait de répondre en priorité aux besoins criants des pays dits « en voie de développement ». Chaque année, ce sont des millions de personnes qui meurent, non pas de maladies dont on ne sait rien, incurables ou difficiles à prendre en charge, mais faute des soins les plus basiques et des médicaments les plus courants : antituberculeux, antipaludéens, anti-VIH, mais aussi matériel stérile, antibiotiques… Produire en quantité suffisante les médicaments qui manquent cruellement, les rendre accessibles à un prix dérisoire, voire gratuitement, devrait être la priorité absolue de toute société dite « civilisée ».