S’il suffit de s’armer d’un pistolet pour atteindre son but, à quoi bon les effets de la lutte de classe ? Si un dé à coudre de poudre et un petit morceau de plomb sont suffisants pour traverser le cou de l’ennemi et le tuer, quel besoin y a-t-il d’une organisation de classe ? (Léon Trotsky, « Pourquoi les marxistes s’opposent au terrorisme individuel »)
L’assassinat de Charlie Kirk, le plus influent des propagandistes MAGA, a bouleversé la politique américaine. Kirk était un infect réactionnaire et nous ne pleurons pas sa mort. Mais nous devons souligner que cet acte aura des conséquences réactionnaires. Avant cet assassinat, le mouvement MAGA commençait à se fracturer sur des lignes de classe. Loin de contribuer à élever la conscience de classe, l’assassinat de Kirk va aider les réactionnaires comme Trump à semer encore d’avantage de confusion.
Un martyr de la « guerre culturelle »
Kirk a été abattu durant une conférence alors qu’il parlait des fusillades de masse, qu’il décrivait comme une « guerre spirituelle » menée par les Trans contre la Chrétienté. Cette idée absurde est devenue un thème récurrent de la droite réactionnaire après la fusillade de Minneapolis en août, au point que le Département de la justice a envisagé d’interdire aux Personnes transgenres de posséder des armes.
Steve Bannon, autre célèbre idéologue MAGA, était en direct lorsque la mort de Kirk a été annoncée. Sa réaction a été : « Charlie Kirk est mort au combat. Nous sommes en guerre dans ce pays. » Le soir même, Donald Trump dénonçait la « violence politique de la gauche radicale » et jurait de retrouver « chacun de ceux qui ont contribué à cette atrocité et à d’autres violences politiques, y compris les organisations qui les financent et les soutiennent ». Elon Musk a posté : « la gauche est le parti du meurtre ». Andrew Tate s’est contenté de deux mots : « guerre civile ».
L’assassinat de Kirk a permis à l’extrême-droite américaine de s’unir autour de son martyr, et à ses membres de se présenter comme des rebelles menacés par l’ordre établi et par la gauche. Comme la tentative d’assassinat contre Trump l’été dernier avait permis à ce dernier de gagner définitivement l’ascendant sur Biden, cet assassinat est utilisé pour tenter de combler les failles croissantes au sein du mouvement MAGA. Au passage, Trump l’utilise comme prétexte pour justifier l’intensification de la répression.
Mais, comme nous l’avons expliqué plusieurs fois, la base électorale de Trump n’est pas un bloc réactionnaire homogène. C’est un assemblage instable qui ne peut que se désagréger sous les coups de la crise du capitalisme.
Durant la dernière période, le mouvement MAGA se divisait de plus en plus sur une ligne de classe, particulièrement dans la jeunesse. D’après un sondage de CBS, Trump est passé entre février et juillet de 55 % à 28 % d’opinion positive parmi les moins de 30 ans.
En plus des tarifs douaniers, de la guerre en Ukraine, du soutien au génocide des gazaouis ou du scandale Epstein, c’est l’économie qui joue là le rôle décisif dans cette division. L’inflation et l’endettement ne font que s’aggraver, tandis que les chiffres du chômage viennent d'être révisés à la hausse, atteignant leur maximum depuis la pandémie de COVID. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que 70 % de la population déclare ne plus croire au « Rêve américain ».
L’assassinat de Kirk va – ne serait-ce que temporairement – aider à ressouder le mouvement MAGA. Il marque donc un recul, et pas un progrès, de la lutte des classes.
Révolution
En dehors des rangs MAGA, les politiciens bourgeois, démocrates comme républicains, ont unanimement condamné la « violence politique », qui « n’aurait pas sa place aux Etats-Unis ». Elle est pourtant devenue un élément récurrent de la vie politique américaine. Depuis l’été dernier, il y a eu deux tentatives d’assassinat contre Trump, l’assassinat de deux députés démocrates au Minnesota, et un attentat contre la maison du gouverneur de Pennsylvanie. Il y a eu encore d’autres attaques, dont une contre un bâtiment de l’Office de lutte contre les épidémies.
La responsabilité de cette violence retombe sur la classe dirigeante américaine. En ce moment même, ces politiciens bourgeois – qui condamnent la « violence » – aident Israël à exterminer les Gazaouis, soutiennent des dictatures meurtrières et mènent une sanglante guerre par procuration en Ukraine. Aux Etats-Unis, c’est le capitalisme qui est responsable des meurtres racistes commis par des policiers, mais aussi de l’oppression des migrants, des Trans, des femmes, etc.
La classe ouvrière est la seule force capable de mettre un terme à la violence provoquée par ce système. Mais elle doit être unie sur la base d'une alternative de classe, qui puisse capter la colère des travailleurs que la démagogie de Trump a détourné à son profit. Cela suppose, non pas des actes individuels de violence, mais la construction d’une organisation révolutionnaire, basée sur les idées et les méthodes du marxisme !