Lundi 8 septembre, un mouvement révolutionnaire a éclaté au Népal. En l’espace de vingt-quatre heures, des dizaines de milliers de jeunes sont descendus dans les rues, ont mis le feu au Parlement, obtenu la démission du Premier ministre et de son gouvernement, et forcé les politiciens les plus détestés à fuir par hélicoptère.
Népotisme et censure
Le Népal est un des pays les plus pauvres du monde. Le salaire moyen est de 1400 dollars par an, un jeune sur cinq est au chômage, et 20 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. La situation est si désastreuse qu’elle pousse quotidiennement près d’un millier de personnes à émigrer pour trouver du travail. L’argent envoyé au pays par cette diaspora constitue 26 % du PIB.
Dans ce contexte, les inégalités sociales sont devenues un ferment de révolte. Alors que quelques familles contrôlent à la fois l’économie et la vie politique du pays, les vidéos se sont multipliées ces derniers mois sur les réseaux sociaux pour dénoncer l’opulence des « nepo-babies », les enfants de la classe dirigeante qui vivent dans le luxe sur le dos de la pauvreté des masses.
Le Premier ministre Khadga Prasad Sharma Oli, dirigeant du soi-disant « Parti communiste du Népal (marxiste-léniniste unifié) » - qui gouverne le pays depuis 2008 en alternance avec un autre parti « communiste », tous deux étant alliés avec divers partis bourgeois - a réagi à la mobilisation en ligne contre le népotisme en annonçant le 4 septembre la fermeture des principales plateformes de réseaux sociaux. Cette tentative de censure a déchaîné la colère des masses.
L’embrasement
Dans un pays dont l’âge moyen est de 23 ans, la révolte a surtout mobilisé les jeunes. Le 8 septembre, des dizaines de milliers d'entre eux se sont rassemblés à Katmandou devant le Parlement pour protester contre la censure, la corruption et les inégalités. Débordée par une masse croissante, la police s’est mise à tirer sur les manifestants, dans l’espoir de les terroriser.
Cette répression meurtrière n'a fait que jeter de l’huile sur le feu. Les manifestants se sont emparés du Parlement et l’ont incendié, tandis que des émeutes éclataient d'un bout à l’autre du pays. Dans la nuit du 8 au 9, les jeunes ont embrasé les sièges des principaux partis politiques, la Cour suprême, la maison du Premier ministre et celles de plusieurs politiciens.
Face à l’ampleur de cette mobilisation révolutionnaire, Oli a été forcé de démissionner et de prendre la fuite. Le Président de la République et le maire de Katmandou ont appelé au calme et à la retenue après cette première victoire du mouvement, tandis que l’armée tentait de reprendre la situation en main en établissant un couvre-feu.
Quelle direction ?
Le mouvement semble depuis avoir reflué. Le Président a appelé l’ancienne juge Sushila Karki à former un gouvernement d’intérim, dans l’attente de prochaines élections en mars. Après avoir balayé les partis du système, les masses népalaises attendent désormais de voir si cette politicienne « indépendante » satisfera leurs revendications.
La mobilisation révolutionnaire de la jeunesse népalaise est une nouvelle démonstration de la puissance des masses et de la radicalité à laquelle elles peuvent arriver spontanément. Les colères et les frustrations accumulées peuvent provoquer des explosions révolutionnaires capables de faire tomber des régimes de façon spectaculaire. Mais le retour au calme et l’avènement de Sushila Karki témoignent d’une autre loi de la révolution : sans une direction révolutionnaire à la tête du mouvement des masses, la bourgeoisie finira toujours par reprendre le contrôle.
Karki semble peut-être moins corrompue que les autres politiciens, mais elle reste une représentante du système. Or, aucun des problèmes fondamentaux qui ont poussé la jeunesse népalaise sur la voie de la révolution ne sera résolu dans le cadre du capitalisme. Au Népal comme ailleurs, la classe ouvrière et la jeunesse ont besoin d’un parti révolutionnaire qui soit à la hauteur du potentiel des masses.