USIC CHU Toulouse

Début 2025, une grève a éclaté parmi les soignants de l’unité de soins intensifs, au sein du service de cardiologie du CHU de Toulouse. A l’heure où nous écrivons, elle est toujours en cours. Causes du mouvement, perspectives de lutte… nous avons fait le point avec Victor Alava, infirmier gréviste et délégué SUD Santé Sociaux au CHU de Toulouse.


En décembre dernier, le magazine Le Point classait le CHU de Toulouse « meilleur hôpital de France ». A la même période, sur le site de Rangueil, les soignants de l’unité de soins intensifs du service de cardiologie (USIC) apprenaient que leur agent d’accueil ne serait pas remplacé après son départ à la retraite, le 27 janvier 2025. Le poste d’agent d’accueil remplit un rôle essentiel dans le service : accueil et sortie des visiteurs et des patients, permanence téléphonique, planning, etc. Concrètement, ne pas remplacer l’agent signifie que toutes ces tâches vont reposer sur les soignants. Dans une unité de soins intensifs, où ces derniers doivent être en permanence auprès des patients, on imagine le cauchemar d’un défilé d’infirmiers et d’aides-soignants courant sans cesse d’une chambre vers le guichet de l’accueil pour répondre au téléphone, renseigner un visiteur, transférer un mail, avant de repartir à toute vitesse vers le bloc opératoire.

La direction montre les dents

De toute évidence, le non-remplacement de l’agent d’accueil n’est justifié ni par l’efficacité, ni par le bien-être ou les bonnes conditions de travail du personnel ! Dans ce service où se posait déjà un problème d’effectifs, la grande majorité des soignants ont refusé d’accepter cette situation : un préavis de grève illimitée a été posé le 6 janvier.

La nouvelle équipe de direction explique cette situation en évoquant une mystérieuse « confiance » dans le personnel ; mais comme l’a bien rappelé Victor Alava, il s’agit de « la confiance des banques, des donneurs d’ordres. Ils veulent montrer qu’ils savent supprimer des postes d’agents d’accueil », ce qui s’est déjà fait dans d’autres CHU en France. Cette « technique » brutale de management permet en outre aux personnels de direction de se faire bien voir, de « marquer des points » quand ils passent d’un hôpital à l’autre. Rencontré par les grévistes le 31 janvier, le DRH du CHU leur a bien fait comprendre que son équipe pouvait faire bien pire. De son côté, l’Agence régionale de santé (ARS), pourtant en position d’autorité, déclare sobrement qu’elle ne souhaite pas s’en mêler, et refuse de recevoir les grévistes.

Passer à l’offensive !

Il est vrai qu’il y a un élément humain dans cette situation, une logique sordide qui permet à ces personnels de direction d’être bien vus par les « donneurs d’ordres » – c’est-à-dire par l’Etat français. Mais les véritables causes sont d’ordre économique : la bourgeoisie doit appliquer de solides cures d’austérité – fermetures de lits dans les hôpitaux, fermetures de classes dans les écoles, licenciements dans les services publics, coupes dans les diverses aides sociales… Toutes ces attaques sont une conséquence de la crise profonde du capitalisme français.

Cela pose nécessairement la question de la stratégie et des méthodes pour lutter contre l’austérité. Puisqu’ils travaillent dans la santé, les grévistes du CHU ne peuvent pas complètement cesser le travail : ils sont tenus d’accomplir les gestes de soin qui ne peuvent pas être reportés (on dit qu’ils sont assignés). Malgré cela, leur détermination ne faiblit pas : sur les 70 soignants que compte le service, une soixantaine de soignants (surtout des soignantes) sont grévistes ou se déclarent proches de la grève. Parmi eux s’opère une rotation, qui leur permet de faire des actions : lâcher une banderole devant l’hôpital, distribuer des tracts, faire signer une pétition et même intervenir à l’extérieur, par exemple sur un marché. Les grévistes souhaitent communiquer autant que possible sur leur lutte, se faire connaître du public. 

Enfin, leur mouvement tente de se lier à d’autres secteurs en lutte : récemment, ils ont ainsi rencontré les agents grévistes des bibliothèques municipales toulousaines. Cela leur a permis d’échanger sur leurs méthodes d’action et leurs stratégies de lutte. Par la suite, jeudi 13 février, un meeting public contre l’austérité a eu lieu à la Bourse du travail de Toulouse, rassemblant des grévistes de plusieurs secteurs, dont une délégation de soignants du CHU. Cette jonction des mouvements de grèves constitue la voie à suivre. Mais pour renforcer cette liaison et espérer remporter les batailles, il faut aller plus loin : pour contrer cette offensive généralisée de la classe dirigeante contre tous les services publics, les directions politiques et syndicales du mouvement ouvrier – en premier lieu la France insoumise et la CGT, qui sont capables de mobiliser des centaines de milliers de personnes – ont la responsabilité d’organiser un vaste mouvement social, sous forme de grèves reconductibles dans un nombre croissant de secteurs de l’économie. Seul un programme offensif permettra de mobiliser largement les travailleurs ; un programme qui devra revendiquer, notamment, une hausse massive du budget de la santé afin de doter les hôpitaux publics des moyens humains et matériels dont ils ont besoin. L’heure n’est pas à la négociation et au « conclave », ni à de vagues appels à se mobiliser ou encore aux joutes parlementaires, mais bien à la lutte de classes !

Nous invitons nos lecteurs à donner à la caisse de grève des soignants du CHU et à la partager.

Signez également la pétition !