ArcelorMittal occupe une place centrale dans la métallurgie française. Deuxième producteur mondial d’acier, le groupe emploie plus de 15 000 personnes en France et possède les deux derniers sites de production d’acier du pays : les hauts-fourneaux de Dunkerque et de Fos-sur-Mer. Les autres sites français du groupe se concentrent sur la transformation, le traitement et la distribution du métal, qui constitue un maillon essentiel de nombreux secteurs industriels : aéronautique, automobile, électronique, construction navale, ferroviaire...
Mais la production d’ArcelorMittal est perturbée par l’avalanche des mesures protectionnistes, par la concurrence de l’acier chinois et plus généralement par la perte de compétitivité de l’industrie française. Pour sauver leurs profits, les patrons d’ArcelorMittal ont annoncé un plan de licenciement massif. 636 emplois doivent être supprimés dans sept sites du Nord de la France : Dunkerque et Mardyck dans le Nord, Florange en Moselle, Basse-Indre en Loire-Atlantique, Mouzon dans les Ardennes, Desvres dans le Pas-de-Calais et Montataire dans l’Oise. Cette annonce fait suite à celle faite en février de la prochaine fermeture des sites de Reims et Denain, qui condamnait 130 emplois.
Surproduction massive
Ces cinquante dernières années, la métallurgie a perdu plus de la moitié de ses emplois en France. En 1975, alors que l’industrie française atteignait son plus haut niveau d’emploi, la filière comptait plus de 700 000 ouvriers. En 2021, ils étaient moins de 300 000. Le déclin n’est donc pas nouveau, mais il s’accélère.
La crise générale de l’industrie européenne, exacerbée par la guerre commerciale, fait chuter la demande en acier. Par ailleurs, la métallurgie française est incapable de rivaliser avec la métallurgie chinoise dont les coûts de production sont très bas, et dont les capacités ont grandi démesurément. Entre 1989 et 2009, la Chine a multiplié sa production par neuf – et l’a doublé depuis. Le marché est aujourd’hui saturé. En janvier dernier, Alain Le Grix de la Salle, président d’ArcelorMittal France, déclarait : « Les surcapacités mondiales [...] représentent actuellement 550 à 600 millions de tonnes de production annuelle, soit 4 à 5 fois la production de l’Europe. » Le résultat est sans appel : tandis que l’offre augmente, la demande baisse, ce qui fait chuter les prix et menace les profits des capitalistes.
L’annonce récente de ce plan massif de licenciements fait suite à la lente mise à mort des sites français d’ArcelorMittal, condamnés par les patrons du groupe qui préfèrent se concentrer sur leurs sites au Brésil ou en Inde, bien plus rentables. À Fos-sur-Mer, le groupe maintenait la production à des niveaux bien inférieurs aux capacités du site : alors qu’il peut produire jusqu’à quatre millions de tonnes d’acier par an, il n’en sort que 2 à 3,5 millions, selon les fluctuations du marché.
Cela ne les empêchait pas de profiter des multiples subventions gracieusement versées par l’Etat français, qui tombent directement dans les poches des actionnaires. À Dunkerque, où près de 300 postes devraient être supprimés, l’Etat avait ainsi versé une subvention de 850 millions d’euros pour financer la décarbonation du site, mais ArcelorMittal n’avait ensuite pas fait les investissements prévus. Les dirigeants du groupe ont empoché les millions avant d’annoncer que, tout compte fait, ils allaient licencier massivement plutôt qu’investir.
Nationalisation
Face à la vague de licenciements massifs qui touche le secteur de la métallurgie – et de nombreux autres – les dirigeants du mouvement ouvrier doivent adopter une position claire et offensive, sur une ligne de classe. Pourtant, la direction confédérale de la CGT, sous la houlette de Sophie Binet, tourne le dos à cette perspective.
Après avoir participé au « conclave » sur les retraites, la voilà désormais intégrée, aux côtés du patronat français, à une « cellule de crise » sur la guerre commerciale. Pourtant, ce n’est pas Trump, mais la classe dirigeante française et son gouvernement qui imposent des contre-réformes et ferment des usines. Le rôle de la CGT devrait être de diriger la lutte des travailleurs contre leurs patrons, plutôt que de soutenir ces derniers face à leurs rivaux américains ou chinois.
La position de la CGT de l’Union départementale du Nord est, en revanche, bien plus offensive. Jean-Paul Delescaut, son secrétaire, a ainsi affirmé qu’on « peut faire du métal sans Mittal […] la question de la nationalisation doit être dans la tête des travailleurs [car] ce sont eux qui produisent. Arrêtons de produire pour les capitalistes, produisons pour nous ! » Cette position tranche nettement avec la politique de collaboration de classe de la direction confédérale de la CGT – et a fortiori avec celle des syndicats plus droitiers.
Le mouvement ouvrier – à commencer par la CGT – devrait se battre pour arracher la métallurgie aux griffes du marché et la placer sous le contrôle démocratique des travailleurs eux-mêmes. C’est là le seul moyen de garantir à la fois le maintien durable des emplois et une amélioration significative des conditions de travail, tout en mettant l’industrie au service des besoins réels de la population – logements, transports, environnement – plutôt que de servir les profits d’une poignée de parasites.