Selon les derniers chiffres publiés par l’Insee, 2800 nouveau-nés et bébés âgés de moins d’un an sont décédés en 2023. A titre de comparaison, c’est 100 décès de plus qu’en 2020, et 400 de plus qu’il y a quinze ans.

Après une baisse importante et continue au XXe siècle, la mortalité infantile augmente donc en France de façon significative, alors qu’elle tend à baisser dans la plupart des pays de l’UE. Elle atteint désormais un taux de 4,1 décès pour 1000 naissances.

Fermetures de maternités

En 2013, une étude réalisée en Bourgogne a révélé que pour des temps de trajet domicile-maternité supérieurs à 45 minutes, le taux brut de mortalité néonatale [1] passe de 0,46 % à 0,86 %, et celui de la mortalité périnatale [2] de 0,64 % à 1,07 %. Pour diminuer ces taux, il faudrait commencer par couvrir l’ensemble du territoire de maternités publiques, gratuites et de qualité, se situant à moins de 45 minutes de toute femme en âge de procréer.

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C’est tout à fait possible, à condition d’y mettre les moyens. Mais c’est l’inverse qui est fait, depuis de nombreuses années, sous la forme de coupes budgétaires drastiques. Plus de 350 maternités – sur 853 – ont été fermées par les gouvernements successifs au cours des deux dernières décennies. Résultat : le nombre de femmes en âge de procréer qui vivent à plus de 45 minutes d’une maternité a plus que doublé, passant de 290 000 à 716 000.

Dans le Lot, par exemple, 3 des 4 maternités ont fermé. Sans surprise, ce département enregistre l’un des taux de mortalité infantile les plus élevés du pays : 6,2 décès pour 1000 naissances.

Multiples facteurs de risque

L’Insee pointe la hausse de l’âge moyen des femmes qui accouchent, avec davantage de grossesses à risque, ou encore une hausse du nombre de femmes décidant de poursuivre leur grossesse malgré le diagnostic d’une pathologie grave affectant le fœtus. Mais la pleine mise en pratique des connaissances scientifiques actuelles serait suffisante pour prendre en charge et diminuer de façon significative les risques encourus. 

Au lieu d’investir massivement dans les services publics périnataux, la loi de finances 2025 fixe à plus de 80 milliards d’euros les allègements de cotisations patronales, notamment au détriment du secteur de la santé. Les restrictions budgétaires successives augmentent l’insécurité sanitaire d’une très large part de la population, et baissent la qualité de leurs soins – au seul profit des gros actionnaires. Nos capacités de prévention et d’accompagnement parental diminuent, alors que les besoins augmentent constamment.

La hausse des décès néonataux est également corrélée à une hausse des femmes sans-abri, en surpoids, ou à un nombre plus élevé de femmes qui fument pendant la grossesse. Les départements avec les taux de mortalité les plus élevés (Outre-mer, Lot, Indre-et-Loire, Seine-Saint-Denis et Jura) accusent aussi une moins bonne santé des futures mères et un moindre accès public aux soins.

Mortalité infantile et mortalité évitable 

Une large majorité des décès périnataux (65 %) surviennent au cours des 28 premiers jours de vie. Ces dernières années, c’est la mortalité néonatale précoce dont la hausse est particulièrement marquée. On compte 200 décès de plus, lors de la première semaine de vie, qu’il y a 20 ans. Si la prématurité constitue l’une des premières causes, les immenses progrès de la médecine ont ouvert la voie à un bien meilleur pronostic pour ces bébés – qui seraient mort-nés le siècle dernier. 

Dans son livre sur Le scandale des accouchements en France, Anthony Cortes parle d’un épuisement du personnel et de son impact sur les prises en charge : « Une sage-femme m’a raconté avoir vécu le décès d’un nouveau-né, et faute de personnel, elle a dû enchaîner avec sept autres accouchements. Elle était harassée, comme de nombreuses autres collègues ».

Les services de Protection maternelle et infantile (PMI) voient leur budget diminuer. Alors que ces professionnels jouent un rôle clé pour éviter les « bébés secoués », pour promouvoir la santé ou la protection de l’enfance, les moyens pour y parvenir leur échappent de plus en plus, car ils se concentrent dans d’autres mains : celles des actionnaires.

Une société incapable de prendre soin de la majorité de ses membres, alors qu’elle dispose de tous les moyens requis, et qui traite si mal ceux qui ont fait du soin leur vocation – une telle société est malade. Le seul remède serait d’investir massivement dans le secteur de la santé et de permettre un accès gratuit et de qualité aux soins dont chacun a besoin. Le capitalisme est aux antipodes de cette ambition. Raison de plus pour le renverser.


[1] Au cours des 28 jours qui suivent la naissance.

[2] Entre le début de la 28e semaine de gestation et le septième jour après la naissance.