Le 19 novembre dernier, en Argentine, le « libertarien » Javier Milei (extrême droite) a remporté l’élection présidentielle sur fond de grave crise économique (160 % d’inflation) et d’un discrédit frappant tous les partis qui se sont succédé au pouvoir ces dernières décennies.
Son adversaire, l’ex-ministre de l’Economie Sergio Massa, avait beau être soutenu par une vaste coalition de partis allant de la droite à la gauche réformiste, il était miné par son « bilan » anti-social au sein du gouvernement sortant. Face à lui, Milei a eu beau jeu de fustiger systématiquement la vieille « caste politique ».
Offensive brutale – et premières mobilisations
Investi le 10 décembre, Milei est passé à l’offensive trois jours plus tard : il a annoncé une dévaluation de 50 % du peso argentin (ce qui augmente les prix des marchandises importées) et la suppression des subventions sur les énergies et les transports. Ces mesures ont eu un impact immédiat et violent sur le pouvoir d’achat des travailleurs argentins. Alors qu’il avait promis de mettre fin à la crise inflationniste, le nouveau Président a fait passer en quelques jours le prix du carburant de 310 à 600 pesos le litre.
Il a aussi annoncé le licenciement de tous les fonctionnaires ayant moins d’un an d’ancienneté et la suspension de tous les projets de travaux publics. Dans le même temps, il s’est engagé à emprunter 30 milliards de dollars pour renflouer les entreprises importatrices dont les profits sont menacés par la dévaluation du peso. Ainsi, tout le poids des mesures d’austérité est placé sur les épaules des travailleurs et des pauvres.
Face à ces attaques sans précédent, les premières manifestations massives ont eu lieu dans tout le pays le 20 décembre, malgré la répression. Cependant, le soir même, Milei promulguait un décret comprenant plus de 300 mesures applicables immédiatement, sans passer par un vote du Parlement. Au programme, entre autres : la suppression de l’encadrement des prix et des loyers, la privatisation de plus de 40 entreprises publiques, la fin de l’indexation des retraites sur l’inflation et la limitation du droit de grève par l’imposition d’un « service minimum » dans un grand nombre de secteurs économiques.
Dès la fin de son discours, des milliers d’habitants de Buenos Aires sont à nouveau descendus dans les rues, spontanément, pour protester et appeler à la grève générale. Les gens criaient « que se vayan todos ! » (« qu’ils s’en aillent tous ! »), c’est-à-dire le mot d’ordre historique de l’« Argentinazo », ce mouvement de masse des travailleurs argentins qui a débuté exactement 22 ans plus tôt, le 20 décembre 2001, sur fond de crise économique et de répression policière. La classe ouvrière avait alors renversé trois présidents en l’espace d’une semaine.
Une situation explosive
Milei cherche à profiter de sa large victoire électorale (56 %) pour frapper vite et fort, dans l’espoir de sidérer et paralyser la classe ouvrière. La ministre de la Sécurité, Patricia Bullrich, a d’ailleurs mis en place un nouveau « protocole » de maintien de l’ordre. La police est désormais autorisée à relever l’identité des participants à un piquet de grève ou un rassemblement, à confisquer les véhicules permettant de l’organiser et à disperser les travailleurs mobilisés par la force sans avoir à passer par un juge. Le gouvernement a également promis de faire payer le coût de la répression des manifestations à leurs organisateurs et de suspendre les aides sociales des manifestants.
Ce faisant, Milei suscite une réaction de rejet dans une large fraction de son électorat le plus populaire, qui veut certes en finir avec la « caste politique » que le Président a fustigé démagogiquement, pendant la campagne électorale, mais ne soutient pas son programme de contre-réformes drastiques et de répression brutale des mouvements sociaux. D’après un sondage publié le 30 décembre par l’institut Zuban Còrdoba, la popularité de Milei est déjà en « chute libre » : 54 % des Argentins s’opposent au décret du 20 décembre ; 60 % estiment – à juste titre – qu’il fait payer le peuple au profit des grandes entreprises.
Seule une mobilisation massive de la jeunesse et de la classe ouvrière, qui renoue avec les traditions de l’« Argentinazo », pourra mettre un coup d’arrêt à l’offensive brutale de la classe dirigeante. La Confédération Générale du Travail, qui est la plus puissante organisation syndicale du pays, a déjà lancé un appel à la grève générale pour le 24 janvier. Nos camarades argentins de la Tendance Marxiste Internationale y interviendront pour défendre un programme communiste, qui lie étroitement le combat contre l’offensive de Milei à la nécessité de porter la classe ouvrière au pouvoir et d’en finir avec le capitalisme argentin, dont la profonde crise condamne les masses à la misère et une régression sociale permanente.