Pour défendre 1000 emplois, les travailleurs de Cipla et d’Interfibra ont occupé leurs usines en 2002. Ces derniers jours, la menace d’emprisonnement à l’encontre de Serge Goulart, le dirigeant du Comité de lutte, a sérieusement augmenté. Les autorités évoquent la nécessité de faire évacuer les usines par la police. Nous publions ci-dessous une lettre de Serge Goulart, qui nous a contacté en nous demandant de mobiliser la solidarité internationale. Aussi, nous demandons aux militants syndicaux, aux militants du du PCF et du PS, ainsi qu’aux travailleurs et à la jeunesse en général, d’envoyer des protestations pour exiger du gouvernement Lula qu’il mette un terme immédiat aux menaces qui pèsent sur les travailleurs brésiliens concernés. Vous trouverez ci-dessous, après la lettre de Serge Goulart, un modèle de résolution.
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Lettre urgente au président Lula :
Camarade,
En 2002, les travailleurs de Cipla et d’Interfibra ont occupé leurs usines pour défendre 1000 emplois. De notre point de vue, cela ne sera possible qu’avec la nationalisation de ces entreprises, conformément a ce qui a été décidé par un rassemblement massif des travailleurs concernés. Il y a deux ans, tu as déclaré que bien que tu n’étais pas d’accord avec cette revendication, tu chercherais une autre solution et sauverais tous les emplois. Nous avons respectueusement attendu cette solution jusqu’à ce jour.
Maintenant, en tant que coordinateur des usines occupées, je viens de recevoir un courrier de la Cour Fédérale me demandant de payer près de 2 millions de reals de dettes contractées par les anciens propriétaires des entreprises. Le même courrier spécifie que si je ne paie pas cette somme, je ferais l’objet d’un mandat d’arrêt dès le 19 juin.
L’argent en question représente de vieilles dettes, que les anciens employeurs ont contractées auprès de la sécurité sociale et des autorités fiscales, et dont les travailleurs qui occupent les usines depuis le 31 octobre 2002 n’ont pas moindre responsabilité. Tout cela, tu le sais très bien.
Cette menace d’emprisonnement vient directement de deux ministres de ton gouvernement. Or, nous avons essayé, en vain, d’obtenir la possibilité de rencontrer ces deux ministres. Ils ont même ignoré une demande provenant de la direction nationale du Parti des Travailleurs, dont je suis membre, ainsi qu’une demande du Comité exécutif national de la CUT. Ces deux ministres n’auraient aucune difficulté à suspendre les actions judiciaires en question.
Satisfaire les exigences de la Cour Fédérale et payer les 2 millions de reals signifierait la fermeture des entreprises, ce qui condamnerait des milliers de familles ouvrières au désespoir et à de nombreuses autres conséquences tragiques.
Je ne peux pas le faire. Je ne le ferai pas !
Le comité de lutte, dont je suis le coordinateur, et les travailleurs qui occupent les usines ont décidé, ensemble, de continuer à payer les salaires, et de sauver les 1000 emplois.
Est-ce que je vais aller en prison pour cela ?
Qui pourrait accepter pareille chose ? Est-ce que les travailleurs et leurs organisations peuvent l’accepter ? Peux-tu l’accepter ? Je te le demande, camarade Lula.
Lorsque tu as été jeté en prison, en 1980, pour avoir défendu les revendications des travailleurs de la métallurgie d’ABC, tous les travailleurs se sont levés comme un seul homme, et j’en faisais partie, pour te faire sortir de prison et lutter contre la peine qu’on t’infligeait au nom de la Loi de Sécurité Nationale !
Aujourd’hui, tu es au pouvoir. Nous t’avons élu Président de la République. Tu peux prendre les mesures nécessaires pour empêcher cette injustice, pour mettre un terme aux menaces d’emprisonnement et de fermeture des entreprises.
En même temps que les milliers de camarades de Cilpa et Interfibra, je te demande d’agir immédiatement pour annuler les menaces d’emprisonnement, dont le véritable but est de mettre au chômage des milliers de travailleurs et de transformer ces entreprises en champ de ruines.
Camarade Lula, nous tiendrons bon, en attendant que tu agisses pour faire en sorte que les choses ne se terminent pas ainsi.
Fraternellement,
Serge Goulart
Le 10 juin 2005
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Modèle de résolution :
Au Président de la République Brésilienne, Luiz Inácio Lula da Silva
Monsieur le Président,
Nous avons appris avec énormément d’inquiétude les récents développements concernant les usines occupées de Cilpa et Interfibra. Le droit au travail est un droit humain élémentaire, tout comme le droit de vivre. Dans leur lutte pour défendre leurs emplois et leurs familles, ces travailleurs ne font qu’exercer ce droit. Le peuple brésilien vous a élu pour défendre ses droits, et c’est également ce que nous attendons de vous.
D’après les informations à notre disposition, la Justice a envoyé une convocation à l’un des leaders des usines occupées, lui demandant de payer environ 2 millions de reals, sous peine de faire l’objet de poursuites judicaires pouvant aller jusqu’à l’incarcération. Il apparaît que cette somme d’argent représente les dettes que les anciens employeurs ont contractées auprès de la sécurité sociale et des autorités fiscales. Les travailleurs qui occupent les usines depuis 2002 n’en sont nullement responsables.
Il est absolument injuste de demander aux travailleurs d’assumer l’irresponsabilité financière et la corruption des anciens employeurs.
C’est également complètement inacceptable dans la mesure où le paiement de cette somme signifierait la fermeture immédiate des entreprises et la perte de 1000 emplois.
Comment justifier cela sous un gouvernement socialiste ?
Nous vous demandons de prendre les mesures nécessaires pour annuler les menaces en question, et défendre le droit au travail des salariés concernés en nationalisant les entreprises en question et en fournissant les fonds nécessaires à l’investissement dont elles ont besoin.
Fraternellement.