Lula Da Silva, président de la République brésilienne entre 2003 et 2011, a été condamné en appel à 12 ans de prison pour « corruption », sans preuve. Le 4 avril dernier, la Cour suprême rejetait sa demande d’habeas corpus, c’est-à-dire son droit constitutionnel de ne pas être emprisonné sans jugement définitif. Trois jours plus tard, Lula était incarcéré.
Procès politique
La Constitution brésilienne dispose que « personne ne peut être déclaré coupable avant qu’une condamnation définitive ne soit prononcée ». Lula devrait donc être libre, puisque ses voies de recours ne sont pas toutes épuisées. Le texte est clair, mais les juges ne l’entendent pas ainsi. Ce n’est pas étonnant : cette affaire n’est pas seulement juridique, mais surtout politique.
Le système judiciaire n’a rien d’impartial. Il est au service de la classe dirigeante ; il est aussi notoirement corrompu, au Brésil. En 2012, déjà, une vaste campagne avait été menée pour criminaliser le Parti des Travailleurs (PT). Des dirigeants du PT ont été emprisonnés, sans preuve, dans le but de démoraliser et criminaliser la lutte des salariés. A l’époque, la section brésilienne de notre Internationale (la Gauche marxiste) avait participé à la résistance et défendu l’idée d’un front uni contre la criminalisation du mouvement ouvrier. Mais Luis Inàcio Lula et Dilma Roussef avaient choisi de ne rien faire. Ils ont laissé des dirigeants du PT se faire arrêter, sans y opposer de résistance.
Offensive bourgeoise
Officiellement, Lula est victime de l’opération « Lava Jato » (« lavage express »), qui vise à « nettoyer » – en apparence – un système politique pourri, dans le but de le sauver du discrédit et de la colère populaires. Les arrestations surmédiatisées de politiciens et d’hommes d’affaires veulent donner l’impression que « la loi est la même pour tous », que « les puissants aussi vont en prison ».
Dans le cas de l’incarcération de Lula, l’objectif politique est très clair. Ancien ouvrier métallurgiste, syndicaliste et fondateur du PT, Lula est toujours très populaire. L’emprisonner est un moyen de l’éliminer de l’élection présidentielle d’octobre 2018, dont il est – de très loin – le favori.
Lorsque Luiz Inàcio Lula, puis Dilma Rousseff (PT) ont dirigé le pays, ils ont mené une politique conforme aux intérêts de la bourgeoisie brésilienne. Mais celle-ci, justement, a choisi de mettre un terme à l’ère de la collaboration de classe avec le PT. Il est en effet devenu clair, pour la classe dirigeante, que le PT n’est plus capable de contrôler les masses. La profonde crise du capitalisme pousse donc la bourgeoisie à prendre elle-même les rênes de l’appareil d’Etat, dans le but d’attaquer durement la classe ouvrière.
C’est dans ce même sens que va la multiplication des violences de l’extrême-droite contre les militants de gauche, mais aussi les menaces venant d’une fraction de l’armée. Juste avant le procès de Lula, le général Eduardo Villas Bôa a déclaré qu’il ne « tolérerait pas l’impunité » et que l’armée brésilienne « porte une attention particulière à ses missions institutionnelles ». C’était une menace ouverte de coup d’Etat militaire – si Lula n’était pas emprisonné.
Pour un front uni des travailleurs
La TMI et sa section brésilienne s’opposent fermement à la condamnation et à l’incarcération de Lula. Nous défendons son droit à être candidat à l’élection présidentielle d’octobre 2018. Pour autant, cela ne nous oblige en rien à soutenir la direction du PT. Lorsque le PT était au pouvoir, il a attaqué les droits des travailleurs et a capitulé face à la bourgeoisie et à l’impérialisme. Un nouveau gouvernement du PT, en octobre 2018, n’apporterait rien de nouveau.
Nous soutenons le candidat du PSOL (Parti socialisme et liberté). Nous nous opposons à l’idée d’un « front pour la démocratie », c’est-à-dire à une alliance électorale conclue entre des partis ouvriers (PT, PSOL) et des partis bourgeois. Une telle « alliance » mènerait forcément une politique pro-patronale !
Le front uni des travailleurs dont nous avons besoin ne doit pas défendre la politique et le bilan des dirigeants du PT. Il doit unir les organisations ouvrières qui veulent rompre avec l’austérité. Il doit s’opposer fermement au système judiciaire corrompu, à l’emprisonnement de Lula et aux attaques contre les libertés démocratiques.
Face à la situation économique et politique, la colère des masses ne cesse d’augmenter. Le chômage reste élevé, les salaires diminuent. Tout cela entraîne des mobilisations de nombreux secteurs du salariat et de la jeunesse. Les révoltes, grèves et manifestations se multiplient dans tout le Brésil. Pour repousser l’offensive actuelle de la classe dirigeante et du gouvernement Temer, qui vise à affaiblir et démoraliser la classe ouvrière brésilienne, il faut commencer par refuser toute nouvelle forme de collaboration de classe. Il faut construire une alternative politique de gauche qui défend réellement les intérêts des travailleurs – et qui les mènera au pouvoir.