L’attentat contre le World Trade Centrer, à New York, en 2001, a servi de prétexte à l’invasion de l’Afghanistan par les Etats-Unis et leurs alliés, dont la France. Cette invasion répondait avant tout aux objectifs économiques, politiques et militaires des puissances impérialistes – Etats-Unis en tête. Du fait de sa position géographique, le contrôle de ce vaste pays est un enjeu stratégique majeur, pour toutes les grandes puissances.
C’est pour cette raison que, dans les années 80, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France, en collaboration avec l’Arabie Saoudite, ont mené une guerre « sainte » contre la présence de l’URSS en Afghanistan et pour renverser le régime « communiste » issu de la révolution de 1978. En 1985, Ronald Reagan reçut une délégation de fondamentalistes afghans, à la Maison Blanche. Il les présenta aux journalistes en ces termes : « Ces messieurs sont l’équivalent moral des pères fondateurs de l’Amérique ». Notons au passage qu’à l’époque, Bernard Kouchner était, lui aussi, un fervent partisan de ces prétendus « combattants de la liberté ».
Les fondamentalistes ont fini par prendre le pouvoir, en 1992. Les massacres qu’ils perpétraient ne suscitaient aucun commentaire négatif, dans les capitales occidentales. L’un de ces réactionnaires sanguinaires, le commandant Massoud, était même érigé en héros international. Cependant, une fois maîtres de Kaboul, les fondamentalistes n’avaient plus tellement besoin des Etats-Unis, qui en ont perdu le contrôle. D’où la nécessité, pour les impérialistes, de monter une nouvelle invasion, celle des talibans, en 1994-1997. A leur tour, les talibans furent présentés au monde entier comme des gens aux mœurs impeccables, et donc susceptibles de « mettre de l’ordre » et de garantir la stabilité du pays. La victoire des talibans fut vivement acclamée par les puissances occidentales. Mais les talibans, à leur tour, ne tardèrent pas à se retourner contre leurs « alliés » occidentaux.
L’invasion de 2001 poursuivait les mêmes objectifs que les opérations militaires précédentes. Sous couvert de croisade contre le terrorisme, il s’agissait d’une intervention impérialiste visant à placer l’Afghanistan sous le contrôle des impérialistes. Aussi La Riposte s’est-elle opposée à cette intervention, à l’époque – à la différence des instances dirigeantes et des parlementaires du PS et du PCF. Aujourd’hui, huit ans plus tard, la situation en Afghanistan confirme, dans leurs grandes lignes, les perspectives que nous avions élaborées au moment de l’invasion.
Une guerre perdue d’avance
Les Etats-Unis ne peuvent pas gagner cette guerre. Certes, on aurait tort de sous-estimer la puissance de feu de la première puissance mondiale. Dans une guerre « conventionnelle » en terrain ouvert, cette puissance de feu est dévastatrice pour les forces armées adverses. Mais dans le contexte géographique et social de l’Afghanistan, et compte tenu des méthodes de combat des miliciens talibans, cette supériorité militaire n’est pas déterminante.
Quel est le bilan de ces huit années de guerre ? C’est un bilan de mort et de destruction. Plusieurs millions de civils ont été déplacés. Des dizaines de milliers ont été tués ou blessés. La misère s’est aggravée, dans les villes comme partout ailleurs. La fabrication et l’exportation de drogues se sont massivement développées. Par exemple, la culture du pavot s’étendait sur 165 000 hectares de terre, en 2006, puis sur 193 000 hectares en 2007 – soit 28 000 hectares supplémentaires en l’espace d’à peine un an !
L’argent en provenance des grandes puissances a transformé la corruption des milieux gouvernementaux, des chefs de tribus, des soldats et des policiers en un véritable business de grande échelle. Hamid Karzai lui-même est un trafiquant notoire, comme la presse capitaliste est forcée de l’admettre. La méthode des alliés, qui consiste à proposer de généreuses récompenses pour chaque « terroriste » livré aux autorités militaires, a généré une forme de trafic hautement rentable, chez les seigneurs de guerre « amis ». Parmi les personnes incarcérées et torturées par les alliés, nombreux sont victimes de cette filière. Le mythe de la « démocratie » afghane n’a pas survécu à la fraude massive qui a marqué les dernières élections, au vu et au su de tous. Les soldats américains, britanniques, français et autres ne meurent ni pour la démocratie, ni pour un monde meilleur. Ils meurent pour perpétuer le pouvoir de gangsters tels que Karzai. Ils meurent pour des oléoducs, pour les intérêts des grandes compagnies pétrolières, des fabricants d’armes et autres profiteurs de guerre. Ils meurent pour que les gouvernements qui les ont plongés dans ce bourbier ne perdent pas la face.
Sur le plan opérationnel, les armées d’occupation ne pourront jamais faire mieux que « tenir » Kaboul et quelques autres villes, au prix d’une présence militaire massive et avec l’aide des quelques seigneurs de guerre qui veulent bien louer leur neutralité – pour un moment, et à des prix toujours plus exorbitants. L’envoi de 30 000 soldats supplémentaires, à l’initiative d’Obama, n’y changera rien. Certes, la puissance de feu des occupants peut prévenir une offensive générale des talibans contre Kaboul. Mais dès que les troupes étrangères se retireront, cette offensive aura lieu, et il ne se trouvera aucune force conséquente pour y résister. La majorité de l’armée formée par les alliés passera directement à l’ennemi, tout comme les seigneurs de guerre qui, jusqu’à présent, utilisent l’argent des alliés pour renforcer leur propre puissance militaire.
Les « grandes offensives » lancées périodiquement ne peuvent rien changer à cette situation. Quand une offensive est lancée, les talibans se mettent à l’abri, se fondent dans la population locale ou se replient vers des zones inaccessibles aux forces occidentales. Une fois la vague passée, ils reviennent occuper le terrain. Même avec dix fois plus d’effectifs, une armée d’occupation ne peut pas tenir un territoire dont la population lui est hostile. C’était vrai au Vietnam, comme l’ont appris les impérialistes français et américains. C’était vrai en Algérie, également. Ce simple fait voue à l’échec cette aventure impérialiste. Si par « victoire », on entend la possibilité de mettre fin à l’occupation en laissant sur place un gouvernement et un Etat stables et capables de défendre les intérêts stratégiques des impérialistes, alors une telle victoire est totalement exclue. Les peuples d’Afghanistan peuvent être pour ou contre les talibans, mais pratiquement aucun Afghan n’est favorable à l’occupation de leur pays par des puissances occidentales.
Le devoir internationaliste du mouvement syndical, du PCF et de toute la gauche, en France, est parfaitement clair : il faut s’opposer résolument à la guerre impérialiste en Afghanistan – et exiger l’arrêt des bombardements perpétrés par l’aviation française, ainsi que le retrait immédiat des troupes d’occupation.