Le 3 décembre dernier, à 23 heures, le président sud-coréen Yoon Suk-yeol est apparu dans une allocution télévisée surprise pour accuser les parlementaires d’opposition du Parti démocrate d’être des agents nord-coréens et annoncer la proclamation de la loi martiale. Cela a provoqué une puissante réaction des masses. Des foules sont descendues spontanément dans les rues de Séoul pour bloquer les convois militaires et défendre le Parlement, tandis que la centrale syndicale KCTU proclamait la grève générale.

La bourgeoisie coréenne et les impérialistes américains ont été saisis d’une profonde panique à l’idée que cette crise ne provoque un soulèvement révolutionnaire des masses. La proclamation de la loi martiale a donc été unanimement condamnée par les porte-paroles de la classe dirigeante et rejetée par les députés, y compris ceux du parti de Yoon. La tentative de coup d’Etat s’est effondrée en quelques heures. Mais cette crise a mis à nu les profondes contradictions du capitalisme sud-coréen et de son régime politique.

Le régime de Yoon

L’économie sud-coréenne est très dépendante de ses exportations. Elle a donc été durement frappée par la crise mondiale du capitalisme et par la multiplication des mesures protectionnistes aux Etats-Unis et en Europe. Cela a eu des conséquences sur le niveau de vie des masses sud-coréennes. Par exemple, le coût du logement a quasiment doublé entre 2017 et 2021.

Au pouvoir entre 2017 et 2022, le Parti démocrate (centre gauche) a mené essentiellement une politique de défense des intérêts des grands groupes financiers. Ce faisant, il s’est aliéné une partie significative de l’électorat populaire et a pavé la voie à un démagogue réactionnaire, Yoon Suk-yeol, qui a été élu de justesse à la présidence de la république en 2022.

Mêlé à plusieurs scandales de corruption, Yoon a aussi multiplié les attaques contre la classe ouvrière – par exemple en tentant d’augmenter à 69 heures la durée maximale de travail hebdomadaire. Il s’est heurté à une résistance acharnée du mouvement ouvrier. Sa popularité s’est rapidement effondrée et son parti a été largement battu aux élections législatives d’avril dernier.

Minoritaire au Parlement, Yoon a tout fait pour se maintenir au pouvoir, alors que les appels à sa destitution devenaient de plus en plus nombreux. Pour distraire l’attention des masses, il a même tenté de provoquer une crise avec la Corée du Nord. Il a mis fin à toutes les tentatives de rapprochement diplomatique initiées par les gouvernements précédents et a relancé les campagnes de propagande à destination de la population nord-coréenne. Si cela a provoqué de fortes tensions militaires et diplomatiques sur la péninsule coréenne, cela n’a pas permis d’enrayer l’inexorable déclin de sa popularité, bien au contraire. Aux abois, Yoon s’est lancé dans l’aventure désespérée d’un coup d’Etat, qui a échoué et accéléré sa chute.

Parti de classe

La bourgeoisie coréenne a été profondément affaiblie par cet épisode. Le Parti démocrate tente de reprendre le contrôle de la situation en utilisant les canaux prévus par la constitution, notamment en faisant destituer Yoon par le Parlement. Mais cela ne suffit pas à dissiper la suspicion des masses qui n’oublient pas qu’une bonne partie des chefs de l’armée, des services secrets et de la police ont collaboré à la tentative de coup d’Etat de Yoon. Les travailleurs sud-coréens ne doivent accorder aucune confiance au Parti démocrate, qui est un fidèle serviteur de la classe dirigeante.

En 2017, les travailleurs avaient fait chuter la présidente Park Geun-hye. Durant son mandat (2013-2017), elle avait brutalement réprimé le mouvement syndical et avait même fait interdire un parti d’opposition, le Parti progressiste unifié. Fin 2016, un scandale avait éclaté lorsque fut révélé que la présidente était sous l’influence d’une « médium » corrompue, véritable Raspoutine moderne. Park avait été contrainte à la démission par une mobilisation de masse et une grève générale. Mais l’absence d’un parti représentant les travailleurs avait permis à la bourgeoisie de reprendre le contrôle de cette situation explosive.

Park a été jugée et condamnée à 22 ans de prison. Les Démocrates sont arrivés au pouvoir. Ils ont défendu à leur tour les intérêts de la grande bourgeoisie. En 2021, le président démocrate Moon Jae-in a même accordé sa grâce à l’ex-présidente Park, qui a été libérée après seulement quatre ans de prison. Si elle ne veut pas que cette situation se reproduise, la classe ouvrière coréenne doit se doter de son propre parti et passer à l’offensive.

Après avoir longtemps soutenu les Démocrates (le « moindre mal »), les dirigeants syndicaux de la KCTU ont annoncé, en avril 2023, qu’ils voulaient contribuer à la fondation d’un parti politique défendant réellement les travailleurs. Mais depuis rien n’a été fait dans cette voie. Il est temps de passer de la parole aux actes ! Tant que la bourgeoisie sera au pouvoir, la crise du capitalisme continuera à saper les conditions de vie et les droits démocratiques des masses, en Corée comme à l’échelle internationale.

Tu es communiste ? Rejoins-nous !