Depuis 2014, au moins 27 000 migrants sont morts en mer Méditerranée. Le nouvel accord européen sur les réfugiés, conclu en juillet dernier, a été présenté par les dirigeants européens comme un moyen d’en finir avec cette hécatombe. En réalité, il s’agissait seulement de trouver un compromis entre les exigences de pays tels que l’Italie et la Grèce, dans lesquels arrivent le plus grand nombre de migrants, et celles des pays du centre de l’UE, dont les bourgeoisies refusent d’accueillir plus de migrants et, par ailleurs, ne veulent pas payer davantage.
La forteresse Europe
Face à l’aggravation de la crise du capitalisme, les classes dirigeantes de l’Union européenne rejettent sur les migrants la responsabilité des problèmes économiques et sociaux. Après avoir fui l’extrême pauvreté et les conséquences des aventures militaires occidentales, les migrants d’Afrique et du Moyen-Orient sont la cible d’une campagne raciste et d’un harcèlement policier toujours plus intenses.
Le nouvel accord européen instaure un renforcement des contrôles aux frontières de l’UE et une sélection préalable des migrants demandant le statut de réfugié. Si les fonctionnaires des services frontaliers estiment qu’une demande a peu de chances d’aboutir, le migrant sera expulsé sans même pouvoir déposer sa demande auprès des services d’accueil des réfugiés. Cette nouvelle procédure s’appliquera même aux familles et aux mineurs isolés.
Les migrants seront refoulés hors d’Europe ne seront pas nécessairement renvoyés dans le pays où ils résidaient auparavant. Par exemple, le gouvernement italien a pour habitude d’envoyer tous les migrants vers des pays d’Afrique du Nord, comme la Libye ou la Tunisie.
Le ministre allemand des Affaires étrangères a eu le front de décrire cet accord comme « une politique européenne commune d’asile reposant sur la solidarité ». Mais la « solidarité » en question ne concerne pas les migrants ; elle signifie seulement que l’UE veut partager les frais d’accueil des migrants entre les différents pays européens. Chaque pays devra accueillir un certain nombre de migrants – et payer 20 000 euros d’amende par migrant qu’il refusera d’accueillir.
Le rôle de la Tunisie
Cet été, l’UE a conclu un accord avec la Tunisie sur la question des migrants. Dorénavant, la Tunisie jouera pour l’UE le même rôle que la Turquie de l’autre côté de la Méditerranée. En échange d’un financement européen de plus de 200 millions d’euros, la police tunisienne sera chargée de procéder à une première sélection des migrants pour expulser elle-même ceux dont elle estimera qu’ils ont peu de chances d’obtenir un statut de réfugié en Europe.
La police tunisienne a d’ores et déjà fait la démonstration du zèle qu’elle est prête à déployer dans la protection des frontières européennes. Début juillet, plusieurs centaines de migrants – y compris des femmes enceintes et des enfants – ont été raflés dans le port de Sfax et abandonnés dans le désert, près de la frontière algérienne.
Le régime tunisien de Kaïs Saïed utilise les migrants comme des boucs émissaires pour tous les problèmes que connaît la Tunisie : la dette publique s’élève à près de 80 % du PIB, l’inflation frôle les 10 % et le taux de chômage dépasse les 15 %. Ces derniers mois, les grèves se sont multipliées, notamment dans les secteurs de la santé et des transports.
En février, alors que son gouvernement venait d’annoncer une baisse des subventions d’Etat sur des produits de première nécessité, Saïed affirmait que les migrants « déstabilisent la Tunisie par leurs activités criminelles » et que tout cela faisait partie d’un sombre projet de « remplacement ethnique » de la population tunisienne. La bourgeoisie de Tunis a bien appris les leçons de rhétorique raciste auprès de ses homologues européens !
Bienvenue aux réfugiés !
Cet accord n’empêchera pas de nombreux migrants de mourir en mer Méditerranée. Au contraire. En augmentant la répression et la surveillance, il rendra la traversée plus périlleuse et provoquera donc encore plus de drames.
Lorsqu’ils arrivent en Europe, les migrants attendent des mois, voire des années, dans des centres de réfugiés surpeuplés, où ils sont parfois victimes d’attaques commises par des groupes d’extrême droite. Avec ce nouvel accord, les migrants qui parviendront à traverser les frontières de l’UE auront une vie encore plus précaire, et ceux qui seront refoulés seront exposés aux violences de la police tunisienne ou des seigneurs de guerre libyens.
Loin d’être les responsables des problèmes sociaux et économiques que subissent les travailleurs européens, les migrants sont, comme eux, des victimes du capitalisme. La misère et les guerres qu’ils fuient sont des conséquences des prédations impérialistes des bourgeoisies des grandes puissances, notamment européennes. En France comme ailleurs, la gauche et le mouvement ouvrier doivent défendre l’accueil des réfugiés sur la base d’un programme de rupture avec le capitalisme et les politiques d’austérité, car seul un tel programme permettra de fournir un logement, un emploi et une situation dignes à tous ceux qui en ont besoin, quelle que soit leur origine.