Les images de Syriens victimes de bombardements, à Alep, suscitent l’indignation sincère des peuples du monde entier. Dans les grands médias, par contre, elles font surtout couler des larmes de crocodiles. Les journalistes et politiciens qui se succèdent sur les plateaux de télévision, ces derniers jours, pour condamner solennellement le bombardement d’Alep-Est, ne disent pas un mot des victimes innocentes de l’offensive en cours à Mossoul – ou encore de la guerre ignoble que le régime saoudien mène au Yémen.
Du fait du siège et du bombardement intensif du Yémen par l’aviation saoudienne, la moitié de ses 24 millions d’habitants se trouve aujourd’hui exposée au risque de famine. Selon l’UNICEF, au moins un enfant meurt toutes les dix minutes des conséquences de diarrhées, de malnutrition et d’infections respiratoires. 370 000 enfants souffrent déjà de malnutrition sévère. Plus de 70 % de la population manque d’eau potable et d’infrastructures sanitaires. Selon Jamie McGoldrick, coordinateur des Nations Unies au Yémen, ce pays est victime « de l’une des plus graves crises au monde. Mais c’est comme une crise silencieuse (…), une guerre oubliée ». Cet « oubli » n’est pas fortuit, en France, dont les marchands d’armes réalisent d’énormes profits grâce aux commandes du régime saoudien, cet allié ô combien lucratif de l’impérialisme français.
Le silence des hypocrites « amis d’Alep-Est » est aussi total – et complice – en ce qui concerne les crimes commis, à Alep-Ouest et dans le quartier kurde de Sheikh Maqsood, par les milices prétendument « modérées », qu’on nous présente comme formées de « rebelles » épris de justice et de liberté, mais qui en réalité sont essentiellement formées de fractions fondamentalistes et archi-réactionnaires. Or celles-ci ont été directement ou indirectement financées et armées par les impérialistes occidentaux, y compris l’impérialisme français. En 2012, déjà, un rapport d’une agence de renseignement du Pentagone expliquait à propos de la Syrie : « Les événements y prennent clairement une orientation sectaire (…) Les Salafistes, les Frères Musulmans et Al Qaïda en Irak (AQI) sont les principales forces impliquées dans la rébellion en Syrie. L’Occident, les pays du Golfe et la Turquie soutiennent cette rébellion ; la Chine, la Russie et l’Iran soutiennent le régime. (…) Il y a la possibilité d’établir une principauté salafiste officieuse dans l’Est de la Syrie (Hasaka et Deir Ezzor), et c’est exactement ce que veulent les puissances qui soutiennent l’opposition, dans le but d’isoler le régime syrien ».
Cette stratégie des impérialistes occidentaux et de leurs alliés a fait complètement faillite. L’intervention de la Russie, en septembre 2015, a bouleversé le rapport de force militaire et placé tout le monde devant le fait accompli d’une écrasante domination russe en Syrie. La chute d’Alep est une humiliation infligée par la Russie aux impérialistes américains et à leurs alliés, France comprise. Telle est la véritable raison des lamentations « humanitaires » des médias occidentaux. A défaut d’actes concrets, sur le terrain, pour contrer la domination russe en Syrie, ils se livrent à l’exercice des « condamnations » et des « résolutions » dans le but de mobiliser les opinions publiques contre le régime de Poutine – lequel, d’ailleurs, s’en soucie comme de sa première chemise.
Dans le même temps, un certain nombre de politiciens réactionnaires – comme Fillon, en France – prennent acte de la domination russe en Syrie et proposent de « renforcer le dialogue » avec Moscou. Bien sûr, le « pragmatisme » de François Fillon a pour unique objectif de défendre les intérêts de l’impérialisme français.
Il est clair que Moscou et Damas poursuivent des objectifs réactionnaires. Mais nous devons rejeter fermement les « condamnations » hypocrites qui viennent des impérialistes américains, français, britanniques et de leurs alliés saoudiens et autres. Les impérialistes – à commencer par les plus puissants, les impérialistes américains – sont les premiers responsables du chaos sanglant qui règne au Moyen-Orient. Les interventions directes ou indirectes en Irak, en Afghanistan, en Libye et en Syrie ont infligé des souffrances inouïes aux peuples de la région et favorisé le développement des organisations fondamentalistes. Les impérialistes occidentaux n’ont aucune espèce d’autorité morale pour condamner les « crimes de guerre », qui sont leur spécialité.
En dernière analyse, toutes ces guerres sont l’expression de la crise organique du système capitaliste. D’autres guerres sont inévitables, au Moyen-Orient et ailleurs. L’idée d’y mettre un terme en réunissant les différents acteurs autour d’une grande « table des négociations » est au minimum naïve. C’est précisément lorsque leurs divergences d’intérêts ne peuvent plus être réglées par des négociations que les classes dirigeantes jettent les peuples dans l’enfer de la guerre. Une lutte sérieuse et efficace contre les guerres impérialistes ne peut être qu’une lutte de classe. Et seul le renversement du capitalisme permettra d’en finir avec les guerres.